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«Le Maroc s’est constitué en tant que Nation depuis douze siècles par un descendant du prophète»

Dans un entretien accordé au «Matin», l’économiste et professeur universitaire Lahsen Sbaï El Idrissi, nous explique la signification de la célébration Aïd Al Mawlid ainsi que l’attachement des Marocains et de leurs souverains à la célébration de cette fête religieuse. Porte-parole de la Tariqa Boutchichiya, M. Sbaï El Idrissi, est l’auteur de trois livres : «L’éducation et l’économie, quelles relations ?», «Soufisme et économie solidaire au Maroc» et «Soufisme et société».

«Le Maroc s’est constitué en tant que Nation depuis douze siècles par un descendant du prophète»
Lahsen Sbaï El Idrissi.

Le Matin : Quelle est la signification de la célébration de cette fête ?
Lahsen Sbaï El Idrissi : Cette fête est célébrée pour remémorer et revivifier dans les esprits le message que le prophète apporta à l’humanité tout entière, un message d’amour, de miséricorde et de compassion. Par cette célébration, les musulmans rendent hommage à leur prophète qui les a guidés sur le chemin de la rectitude, leur permettant de se rapprocher de leur Créateur et de vivre en paix pour préparer leur vie éternelle, dans la quiétude générée par la foi.

Comment doit-on célébrer cet événement ?
Cet événement est généralement célébré par l’organisation de veillées religieuses d’invocation de Dieu et de prière sur son prophète, mais aussi en méditant longuement sur les enseignements tirés de sa biographie. C’est aussi l’occasion pour les organismes de la société civile d’organiser des rencontres animées par des oulémas, des historiens et des chercheurs, pour pouvoir nous inspirer de sa sainte tradition.

Le Maroc célèbre-t-il d’après vous cet événement comme il se doit ?
Tout ce qu’on peut dire à propos de Sidna Mohammed et tout ce qu’on peut lui offrir comme prières ne pourra jamais égaler le fruit que nous tirons de notre attachement à l’enseignement qu’il nous a légué. Mais au Maroc, nous nous distinguons notamment par le fait que nos souverains ont traditionnellement organisé une veillée religieuse à cette occasion. S.M. le Roi Mohammed VI le fait d’ailleurs chaque année.

Le Maroc est connu pour l’amour et le respect qu’il voue au prophète et à sa famille. Comment expliquez-vous cela ?
Notre pays s’est constitué en tant que nation depuis douze siècles par un descendant du prophète, Moulay Driss, qui a inculqué cet attachement, lequel fut entretenu par toutes les dynasties qui se sont succédé sur le Trône jusqu’aux alaouites aujourd’hui, descendants du prophète. Tous ces souverains ont veillé au respect du soufisme, composante essentielle de la pratique religieuse dans le pays, car il nous enseigne, comme vous le savez, un attachement profond et de tous les instants à Sidna Mohammed. Aussi, ce n’est pas par hasard que la plupart des grands maîtres soufis sont originaires de notre pays comme c’est le cas de Moulay Abdessalam ben Machich, d’Abou Hassan Chadli, de Sidi Slimane Jazouli, de Sidi Hadi Benaissa, de sidi Ahmed Tijani, de Moulay Larbi Derkaoui et de Sidi Hamza Qadiri Boudchichi aujourd’hui.

Quelles sont alors les spécificités de l’enseignement du Sheikh de la Tariqa Qadirya Boutchichiya ?
Sidi Hamza œuvre à la revivification de l’héritage soufi. Mais je dirais que ce qui caractérise surtout sa méthode d’initiation spirituelle c’est son action quotidienne d’encadrement de ses disciples visant à leur faciliter les périples de la voie, afin qu’ils purifient leurs âmes, qu’ils maîtrisent leur ego, et qu’ils arrivent à faire de leurs cœurs des réceptacles des lumières divines.

Mais pourquoi n’êtes-vous visibles qu’à l’occasion de la fête Al Mawlid ?
Nous travaillons chaque jour et sans relâche, mais les médias ne s’intéressent à nos activités qu’à l’occasion du Mawlid, probablement à cause du nombre de «fokaras» qui se rassemblent à cette occasion à Madagh, et que nous estimons pour cette année à 150 000. Sinon notre travail est quotidien. Un travail sur soi, mais qui est aux antipodes d’une quelconque démarche égoïste. Le soufisme abhorre d’ailleurs toute forme d’égoïsme. L’altruisme y est conçu et pratiqué spontanément, car le travail sur soi intègre la prise en compte d’obligations sociales conçues comme étant partie intégrante du devoir personnel. C’est pour cela que les «fokaras», qui se réunissent chaque jour pour pratiquer le «dikr» et la lecture du Coran, exhortent le Seigneur, dans leurs prières, pour assister leurs compatriotes et faire que règne parmi nous l’amour, la paix, la sécurité et l’esprit de clémence.

Le soufisme n’est donc pas uniquement pour vous un travail sur soi. Visiblement, il comprend une composante politique que l’on a d’ailleurs vue avec vos sorties médiatiques et avec le rôle que vous avez joué lors de la campagne pour le referendum ?
Le cheminement spirituel ne se pratique pas dans une île isolée, il est conditionné par le temps et par l’espace. Nous ne sommes pas des «Hay ibn Yaqdane» ou des Robinson Crusoé. Nous vivons en société et nous sommes des citoyens de ce pays. En tant que citoyens, nous votons pour choisir les personnes qui nous semblent crédibles. Et les fokaras qui le désirent peuvent se porter candidats, avec les partis de leur choix. Mais nous ne participons pas au jeu politique en tant que Tariqa. Cela ne nous empêche pas d’avoir le plus grand respect pour toutes les forces politiques dont nous sommes néanmoins en droit d’attendre qu’elles soient au service non d’intérêts personnels, partisans ou sectaires, mais de l’intérêt général. Notre mobilisation pour le vote en faveur de la Constitution s’inscrit dans ce cadre. Mais elle n’a pas que des motivations politiques. Je dois dire qu’elle est surtout dictée par une obligation religieuse.

Comment voyez-vous alors le rôle de la Tariqa à l’avenir, dans les échéances qui viennent ?
Il sera comme a toujours été le rôle des soufis authentiques, un rôle consistant à favoriser tout ce qui est de nature à renforcer la cohésion nationale, par une éducation spirituelle incitant tout un chacun, avant de voir les défauts des autres, à agir sur lui-même, pour se corriger et chercher à parfaire ses mœurs. Il me semble qu’on ne peut pas faire d’offre meilleure, pas seulement à nos concitoyens, mais à toute l’humanité de ce début de troisième millénaire, dans ce monde en perte de repères.
On pourra alors faire de ce retour du religieux, que d’aucuns remarquent de par le monde, un retour salutaire, édifié sur des bases solides tirées de l’enseignement prophétique, ce qui permettra d’éviter toute instrumentalisation de la religion à des fins qui ne sont pas les siennes. 

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