La ville blanche, qui était un véritable laboratoire architectural à ciel ouvert, avait attiré plusieurs architectes, dont Hubert Bride, qui a décidé d’y construire en 1917 l’hôtel Lincoln, dit aussi Bessonneau. Ayant subi les affronts du temps durant plusieurs années, l'immeuble qui était voué à la démolition a connu plusieurs sauvetages. La décision de rénover l’hôtel vient d'être autorisée tout récemment. Il faut savoir que l'hôtel comprend également des appartements et des magasins, qui ne présentaient plus qu'un intérêt commercial pour les maîtres des lieux, qui l'ont acheté en 1975. Il était donc question de démolir le joyau, d'autant plus qu'en 1989, des pans de la bâtisse s'affaissaient, entraînant la mort de deux personnes. À la suite de cette tragédie, l’immeuble a été vidé de ses occupants. Quelques années plus tard, un SDF sera tué dans un autre effondrement.
En 1994, la commune de Sidi Belyout avait notifié aux propriétaires une décision de démolition. Mais c’est là où l’idée de sauver ce patrimoine a fait son chemin au sein de l’association Casamémoire.
Le projet de restauration de l'hôtel Lincoln, défendue par Rachid Andaloussi, président de Casamémoire, voit donc le jour. En 2000, le bâtiment est classé patrimoine historique. Des projets de réhabilitation naissent. On voulait en faire un centre culturel dédié aux citoyens, ou bien le restaurer à l’identique. Mais le propriétaire de l’hôtel imaginait un tout autre avenir pour le bâtiment. Il voulait le détruire, en ne conservant que la façade principale, et construire un immeuble de bureaux de cinq étages à la place. Finalement, après un long parcours judiciaire, la procédure d’expropriation aboutit, et l’hôtel appartenait donc à la commune de Casablanca. Mais malgré cela, l’hôtel est laissé à l’abandon. Au fur et à mesure que le temps passait, la pluie aidant, l'état du bâtiment se dégradait et les autorités ont fini par encercler l'ensemble du local et fermer même une partie du boulevard Mohammed V à la circulation. Ce fut la joie des sans-abri qui en ont fait leur refuge.
Cela fait plus d'une dizaine d'années que le prestigieux bâtiment, autrefois lieu de divertissement et de commerce de grand luxe, est transformé en poubelle et abri des SDF et délinquants.
Les Casablancais attachés au patrimoine de leur ville espéraient que l’arrivée du tramway allait donner une nouvelle vie à l’hôtel Lincoln. Mais il n’en est rien. Aujourd’hui, d’autres rumeurs sur le lancement du projet circulent encore, mais les Casablancais attendent toujours du concret.
«L’expropriation de l’immeuble est restée en suspens durant près de 14 ans. Maintenant, le tribunal a donné raison à la ville, et donc l’hôtel appartient à la commune. La ville a longtemps voulu en faire un hôtel de luxe, pour pouvoir tirer en haut tout le quartier, et développer un peu l’offre touristique et commerciale sur le boulevard Mohammed V», nous affirme Rachid Andaloussi, président de l’association de Casamémoire. Et d’ajouter que «le projet de rénovation de l’hôtel a été autorisé récemment, ce qui est une nouveauté, maintenant je pense que la ville cherche une enseigne qui pourra gérer l’hôtel». L'immeuble, qui est classé Patrimoine culturel de la capitale économique, a longtemps fait l’objet de spéculations et de rumeurs. Le Conseil de la ville que nous avons joint pour de plus amples informations ne s'est pas prononcé à l'heure où nous mettions sous presse. Il faudra espérer que le feuilleton judiciaire prend bien fin cette fois !