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Quel rôle pour le Maghreb ?

● Bouchra RAHMOUNI BENHIDA
Professeur à l’Université Hassan Ier Auteure de plusieurs ouvrages de géopolitique

Quel rôle pour  le Maghreb ?
la construction de la paix • Après le temps de la guerre, est désormais venu celui de la construction de la paix. Le dernier rapport du secrétaire général de l’ONU sur la situation au Sahel inclut une stratégie à dimensions multiples.bPh.Archives

L’ensemble des regards de la planète se tourne aujourd‘hui vers l’Afrique avec un zoom sur le Sahel. Un espace tampon à la fois riche et fragile en raison de ses nombreuses plaies. Selon le journal «le Monde» du 21 août 2012, quatre menaces guettent la région : une crise alimentaire, les conflits armés, le choléra et les criquets. C’est aussi une région qui revêt un intérêt géopolitique croissant, notamment depuis la chute du régime de Kadhafi qui a précipité cet espace dans une crise grave par l’installation des mouvances islamiques radicales dans la région du nord du Mali.

Depuis le début des années 2000, la bande sahélo-saharienne est en effet devenue progressivement le quartier général de l’extrémisme religieux et du terrorisme intégré aux trafics illicites. Avec l’émergence de groupes islamistes radicaux tels Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), Boko Haram au Nigéria ou Ansar Eddine et le Mujao, la menace terroriste est montée peu à peu en puissance. Cette progression a connu sa manifestation la plus exacerbée lors de la crise du Nord-Mali, qui a conduit à l’intervention militaire internationale sous le leadership français.

Un autre facteur aggravant de la situation sécuritaire se manifeste dans l’ampleur qu’a prise le narcotrafic dans cette région, sans que les grandes puissances prennent véritablement la mesure de cette menace. Depuis la fin des années 2000, l’Afrique de l’Ouest est en réalité devenue la plaque tournante majeure du trafic de cocaïne latino-américain acheminé vers l’Europe. Ainsi, plus de 10% de la cocaïne acheminée vers le vieux continent transitait par l’«autoroute A-10», le long du 10e parallèle qui remonte vers l’Europe via le désert. La cocaïne est ainsi devenue pour les djihadistes ce que l’opium est aux talibans en Afghanistan : une source de revenus considérable. Plus aucun pays de la région n’est à l’abri de la propagation de la menace djihadiste, et le risque est de voir se constituer une «terrae incognitae», ou zone grise, confisquée par des groupes criminels vivant de terrorisme et de trafics illicites.

Cette nouvelle donne, favorisée par l’instabilité libyenne lors du déclenchement des révolutions arabes, a profondément restructuré l’environnement géopolitique régional.
Il était donc nécessaire d’intervenir, comme l’a fait la France invoquant sa responsabilité historique dans la région et son engagement en faveur du maintien de la paix et de la lutte contre le terrorisme.
Après le temps de la guerre, est désormais venu celui de la construction de la paix, et le dernier rapport du secrétaire général de l’ONU sur la situation au Sahel inclut à ce titre une stratégie à dimensions multiples pour la région. Le contenu du rapport traite non seulement de la sécurité régionale et des défis politiques, mais insiste aussi sur la nécessité d’agir pour le développement dans divers domaines : infrastructure intégrée, télécommunications, agriculture et nutrition, gestion de l’eau, énergie solaire, soins de santé et éducation. La stratégie de l’ONU recommande aussi et envisage le lancement d’un «do tank» appelé Sahel Development Research Institute, étroitement lié au réseau des solutions de développement durable pour le Sahel (SDSN).

Or, cette nouvelle vision pour le Mali, portée par les Nations unies, oblige l’ensemble des protagonistes à s’assoir autour de la table et à imaginer une action concertée inclusionniste, qui va au-delà des querelles antérieures et des enjeux de puissance. En effet, les périls et les dangers de la non-concertation régionale, voire de la rivalité entre puissances présentes dans la région, ont montré quels effets désastreux ils pouvaient avoir, dont la crise malienne n’est qu’un des avatars les plus emblématiques. L’inimitié structurelle de l’Algérie à l’égard du Maroc et son activisme sur la question du Sahara a ainsi entravé toute tentative d’adoption d’une approche commune au Sahel. Pourtant, une action concertée des deux leaders régionaux aurait certainement permis une accélération de la résolution de la crise malienne. En effet, bien qu’il ait été sujet à une tentative d’insularisation de la part de son voisin algérien, le Maroc est un acteur clé, voire incontournable, dans toute stratégie concernant l’Afrique de l’Ouest.

Depuis dix ans, le pays a en effet donné une nouvelle impulsion à ses relations avec l’Afrique, comme en témoigne la mobilisation du Chef de l’État marocain pour le développement local, la promotion de la paix et de la stabilité en Afrique. Sa présence et son discours à Bamako lors de l’investiture de Ibrahim Boubakar Keïta en attestent. Cette nouvelle impulsion s’inscrit dans le cadre d’un partenariat Sud-Sud porté par le Maroc qui vise le progrès intégré de la région.
L’Algérie, qui vit en ce moment une période politique assez mitigée quelques mois après les présidentielles, a également affirmé sa volonté d’être un acteur central au Sahel, ce qui est légitime, vu son poids dans la région. De ce fait, toute solution durable ne peut que passer par une entente entre les deux voisins, au risque de faire de la transition un mode de gouvernance dans la région. 

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