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Un management de prévention s’impose

L’usure professionnelle peut être considérée comme un épuisement de la personne dans le cadre de son travail, notamment après s’être investie dans sa mission professionnelle et se retrouver déçue par les résultats et la reconnaissance de ses compétences et ses efforts. Certains spécialistes parlent également de «syndrome d’épuisement professionnel» et le définissent comme une «maladie caractérisée par un ensemble de signes, de symptômes et de modifications du comportement en milieu professionnel», et le classent ainsi dans la catégorie des risques psychosociaux professionnels.

Un management de prévention s’impose

En effet, en entreprise, et compte tenu de la conjoncture, le souci perpétuel de productivité met l’employé face à un stress permanent et prolongé. Cependant, ce concept n’est pas nouveau, il a été défini en 1969, par Harold. B Bradley qui a évoqué la notion de «burn-out» pour désigner un stress particulier lié au travail. D’après les chercheurs, la première étape serait le «burn in» qui signifie une fatigue importante, suivie du «présentéisme» c’est-à-dire que le corps est au travail, mais l’esprit est ailleurs et/ou du «bore out» qui veut dire s’ennuyer à mourir.
Comprendre les phénomènes d’usure et combattre l’épuisement professionnel, apprendre à se préserver et mieux gérer son stress sont donc les défis à relever par les managers en engageant des démarches d’écoute et de partage avec les employés afin d’éviter la situation d’épuisement ou d’usure dont l’un des principaux symptômes est la perte de motivation, le désinvestissement et de sens au travail.
Il s’agit, tout d’abord, de reconnaître que le stress professionnel existe et qu’il n’est pas juste une réaction des personnes fragiles ou fragilisées.

De la sorte, les managers pourront faire un grand pas vers la garantie d’une meilleure qualité de vie au travail, et ce à travers l’amélioration des conditions de vie et du vécu dans les lieux de travail et veiller à optimiser la qualité des relations humaines et celle du service rendu. Comme le précise notre intervenant, Abderrahim Hajji, consultant en psychologie des organisations et coach, «la présence de cas d’épuisement professionnel dans une organisation révèle souvent des dysfonctionnements ou des aberrations dans les pratiques managériales ou dans la gestion des ressources humaines. Quand un professionnel craque, c’est souvent après avoir vécu une pression à ne plus en finir. Au lieu que le travail soit un processus humain de création de valeur et d’épanouissement, on a affaire à un processus déshumanisant qui finit par consumer les ressources énergétiques de la personne jusqu’à ce qu’elle craque !» Et Reda Mhasni, psychologue clinicien, de confirmer que «l’usure professionnelle en entreprise trouve son origine dans l’organisation du travail qui se trouve défaillante, malaise organisationnel qui se manifeste par une détérioration de l’ambiance de travail, une hausse considérable des accidents et maladies professionnelles, un fort indice de turn over et d’absentéisme, ainsi qu’une baisse importante de la productivité».

Considéré comme le mal professionnel du siècle, le syndrome ne cesse de se multiplier dans les différents milieux professionnels. D’où la nécessité de trouver des solutions à ce mal qui risque de toucher à la productivité des entreprises. Ces solutions devront, selon les spécialistes, être intégrées dans la stratégie même du management afin de prévenir tout risque d’épuisement ou d’usure professionnels. Ces solutions commencent d’abord par une étude sur les indicateurs existants, l’analyse des données et des situations de travail, le repérage des contraintes professionnelles des salariés et les signaux d’alerte, la mise en place d’un plan de travail pour pallier à ces sources de risques et le suivi de son déploiement à tous les niveaux au sein de l’entreprise. 


Point de vue : Abderrahim Hajji, consultant en psychologie des organisations et coach 

Burn-out : «ce syndrome se manifeste chez des personnes qui subissent une trop forte pression ou un stress sur une longue durée»

L’épuisement professionnel est un état mental maladif identifié à la fin des années 60. Plus connu sous l’appellation anglaise Burn-out, ce syndrome se manifeste chez des personnes qui subissent une trop forte pression ou un stress sur une longue durée.
Les personnes concernées vont manifester des comportements psychopathologiques caractérisés par un sentiment de fatigue intense mentale et physique (sentiment d’être vidé, d’avoir épuisé ses ressources), des troubles d’adaptation et de concentration pour répondre aux exigences de l’environnement professionnel, un manque de contrôle des situations avec des perceptions négatives de soi, des autres et de son environnement professionnel, des troubles psychosomatiques (trouble du sommeil, de l’appétit, maux de tête, ulcères, mal de dos…) .

La présence de cas d’épuisement professionnel dans une organisation révèle souvent des dysfonctionnements ou des aberrations dans les pratiques managériales ou dans la gestion des ressources humaines. Quand un professionnel craque, c’est souvent après avoir vécu une pression à ne plus en finir. Au lieu que le travail soit un processus humain de création de valeur et d’épanouissement, on a affaire à un processus déshumanisant qui finit par consumer les ressources énergétiques de la personne jusqu’à ce qu’elle s’effondre !
En fait, les causes de l’épuisement professionnel sont multiples avec un dénominateur commun : un stress excessif et continu. Voici quelques exemples :
• Une surcharge de travail qui demande un investissement excessif au point que la personne va consumer son énergie mentale sans pouvoir se ressourcer pour maintenir l’engagement.
• Des pratiques managériales coercitives ou négatives : harcèlement hiérarchique, autoritarisme, absence de dialogue, objectifs mal négociés et disproportionnés par rapport aux moyens disponibles, non-reconnaissances des efforts, inégalité dans la répartition des tâches et iniquité dans la reconnaissance des efforts fournis.

Voici quelques démarches préventives qu’on commence à trouver dans certaines organisations malheureusement minoritaires au Maroc :
• Dispenser des formation en management, techniques de communication, gestion des conflits…
pour encourager de bonnes pratiques professionnelles.
• Mettre à jour les dispositifs organisationnels et RH : descriptifs des postes, critères de performance, système de reconnaissance, de motivation et de promotion
• Analyser les causes de turn over, des cas d’absentéisme, des manifestations de relations conflictuelles dans l’organisation
• Procéder à des sondages internes pour connaitre le climat social et les besoins et attentes des membres de l’organisation (enquêtes de satisfaction du personnel).
• Mettre en place dispositif de veille sociale.
• Instaurer un climat de dialogue permanent et pour finir je propose de méditer cette assertion : «Les problèmes tus tuent les organisations».


Point de vue : Reda Mhasni, psychologue clinicien 

«Le psychologue du travail met à la disposition de l’entreprise un dispositif d’évaluation des compétences et des attentes des collaborateurs et de l’entreprise»

La parole de ceux qui ont trouvé les mots pour dire l’expérience de l’usure professionnelle insiste sur le vécu douloureux de la souffrance au travail. Si le terme de l’usure professionnelle se définit par une détérioration ou un affaiblissement de la qualité de l’activité professionnelle, il est important d’indiquer ici qu’il a inévitablement aussi son impact sur la qualité de vie personnelle du travailleur (se) marocain(e). Nous rappellerons que la problématique de l’usure professionnelle porte un intérêt majeur pour plusieurs disciplines de recherche, notamment la médecine du travail, la psychologie du travail et récemment encore la psychologie clinique. Ce qui implique un exercice de précision des termes qui décrivent les différents troubles de l’usure professionnelle. Étant donné la similitude des symptômes, il est primordial de clarifier la différence entre le harcèlement professionnel (Mobbing) et le syndrome d’épuisement professionnel (Burn-out). Dans ce dernier, le conflit existe entre la personne et le travail ou son organisation, ce qui se traduit par un état dépressif, résultat d’une confrontation à des contraintes de travail durables. Quant au Mobbing, il se caractérise par un conflit entre les personnes, dans lequel l’une ou plusieurs d’entre elles commettent systématiquement des actes à l’encontre d’un(e) collègue pour l’inciter à quitter son poste.
Cependant, les manifestations du syndrome d’épuisement professionnel sont observables tant sur le plan collectif qu’individuel.

• Sur le plan collectif, l’usure professionnelle en entreprise trouve son origine dans l’organisation du travail qui se trouve défaillante, malaise organisationnel qui se manifeste par une détérioration de l’ambiance de travail, une hausse considérable des accidents et maladies professionnelles, un fort indice de Turn over et d’absentéisme, ainsi qu’une baisse importante de la productivité.

• Sur le plan individuel, la souffrance est à la fois intellectuelle, émotionnelle et physique. On retrouve ainsi des baisses de concentration, des oublis fréquents, une diminution de l’efficacité dans le travail, des difficultés à prendre des décisions, des dépressions réactionnelles, des troubles digestifs et respiratoires, des douleurs dorsales, des migraines, des troubles du sommeil, des maladies musculo-squelettiques, et la liste est longue. Dans le syndrome d’épuisement professionnel, contrairement à la croyance commune, les personnes les plus vulnérables sont celles qui sont impliquées, motivées et qui ont beaucoup d’ambition. Il s’agit d’un processus insidieux qui s’installe lentement. Quand la personne victime d’épuisement arrive à la consultation médicale, le plus souvent suite à un arrêt de travail, c’est l’indicateur de l’état avancé du syndrome. Ce stade est précédé par des formes observables d’épuisement, dans lesquelles nous constatons la présence d’idées obsédantes, où la personne ne pense plus qu’au travail, rêve de travail et parle à son entourage du travail, et cela pourrait durer des mois avant d’arriver à la dépression. Au niveau individuel, la personne concernée ne peut s’en sortir seule, la volonté ne suffit pas. Cependant, la prise en charge du syndrome de l’épuisement professionnel gagnerait à être pluridisciplinaire (psychologue clinicien, de travail et médecins), en neutralisant les symptômes les plus graves comme les risques suicidaires, ou encore les troubles fonctionnels. Ensuite, il est primordial de commencer une psychothérapie caractérisée par un travail sur soi en profondeur, avec l’identification de ses conflits et ses résistances. Ce travail d’accompagnement couvre la période de l’épuisement et celle d’après, afin de prévenir une rechute éventuelle. Au niveau collectif, le psychologue du travail met à la disposition de l’entreprise un dispositif d’évaluation des compétences et des attentes des collaborateurs et de l’entreprise.

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