Le Matin : Sept élues belges sont en visite actuellement au Maroc pour accompagner des candidates marocaines aux élections du 4 septembre. Quels sont les objectifs d’une telle initiative ?
Simone Susskind : Cette visite s’inscrit dans le programme «Femmes leaders de demain» lancé en 2014 par l’association «Action in the Mediterranean» pour permettre à vingt jeunes Marocaines, Algériennes, Tunisiennes et Belges de suivre une formation en leadership politique et d’échanger sur leurs expériences respectives. On a construit tout un voyage avec ces femmes à la découverte de leurs capacités, projets, visions… Dans ce cadre, les participantes étaient venues à Bruxelles et avaient suivi des candidates belges aux différentes élections du mois de mai 2014. Cette expérience était intéressante aussi bien pour les Maghrébines que pour les Belges. Il nous a alors semblé essentiel de mettre en place un projet allant dans l’autre sens, particulièrement au Maroc, et de proposer à des élues belges de suivre des candidates dans leur campagne électorale.
Comment s’est fait le choix des candidates marocaines ?
Nous avons demandé à l’ADFM-Casa et au CNDH de nous présenter des candidates jeunes, âgées moins de 35 ans, qui se présentent pour la première fois aux élections ou ayant déjà une expérience politique. Ces femmes viennent de différentes régions du pays et de différents partis politiques. Quatre sont installées sur Casablanca et Rabat. Les autres sont à Al Hoceima, Fès et Errachidia.
Quels seront les principaux axes de travail avec les candidates marocaines ?
Les élues belges commencent à arriver au Maroc depuis le 26 août. La rencontre avec les candidates marocaines fait partie d’un processus d’échange et d’apprentissage mutuels. À titre d’exemple, l’une des candidates marocaines a préparé tout un programme pour l’élue belge qui l’accompagnera : des rencontres dans la rue, les messages à transmettre…
La créativité vient des candidates marocaines. En tant qu’élues belges, on ne peut pas se mettre à leur place. Il s’agit plus d’accompagnement que de formation. On ne vient pas avec des idées préconçues. Chacune des sept expériences sera vécue de façon différente et c’est ce qui fait la richesse de cet échange.
Donc, il ne s’agit pas d’un exercice d’encadrement pour les candidates marocaines ?
On ne vient pas au Maroc pour donner des leçons, mais pour apprendre et échanger les idées. L’échange d’expérience doit nous aider à mieux nous connaitre pour éviter les préjugés et les stéréotypes et pour développer aussi des partenariats. Grâce à cet échange et ce travail en réseau, les femmes politiques apprennent à mieux défendre leurs intérêts. Elles se retrouvent du jour au lendemain dans un conseil communal, on leur donne alors les postes dont les hommes ne veulent pas et qui n’ont pas de rapport avec l’argent.
En comparant les conditions de travail en Europe et au Maroc, quelle différence voyez-vous entre les deux ?
J’ai remarqué que les conditions de travail des femmes politiques sont incomparablement meilleures en Europe. Les parlementaires et membres des conseils communaux au Maroc n’ont pas de secrétariat. Il est impossible de travailler de manière efficace dans ces conditions.
J’ose alors imaginer qu’un groupe d’élues locales se bat pour obtenir un meilleur support au sein de leur région ou au sein du Parlement. Il y a aussi tout un travail de sensibilisation et d’information à faire pour atteindre la parité. Partout dans le monde, les hommes n’acceptent pas facilement de travailler sur un pied d’égalité avec les femmes. Un travail est à effectuer en commun entre les femmes dans les partis et les assemblées politiques pour que leur rôle dans la vie politique devienne une évidence. Tous ces débats ont été menés chez nous avant d’arriver à la parité. Il y a toute une série d’éléments qu’il faut mettre ensemble pour mieux faire son travail et mieux être au service de ses électeurs.
Le Parlement marocain a voté, le 17 juin dernier, une loi pour améliorer la représentativité des femmes dans les effectifs communaux. Comment voyez-vous cette adoption ?
C’est une grande avancée, mais il faudra se battre pour la parité. Les femmes représentent au moins 50% de la population. Il n’y a aucune justification pour qu’on arrête à 27%. Il y a beaucoup de débats qui disent que les quotas ne sont pas démocratiques. Mais ce choix n’est pas éternel. Quand les femmes seront bien intégrées dans la vie politique, associative et économique, elles renonceront aux quotas, mais si on ne procède pas de cette manière, on attendra une éternité avant d’arriver à la parité.
Est-ce qu’il y aura une suite à cette expérience ?
Le projet ne va pas se terminer là, parce que nous souhaitons inviter les élues marocaines à venir passer une semaine à Bruxelles et accompagner dans leurs activités politiques les élues belges pour tirer des leçons de leurs expériences mutuelles et établir des liens personnels.
Nous avons aussi l’intention de mettre en place un réseau d’échange entre les parlementaires marocaines et belges.