Le Forum international MEDays, dont les travaux seront clôturés aujourd'hui, aura permis comme chaque année d’aborder des questions dont la pertinence et l’actualité ne sont pas à démontrer. Jeudi dernier, un panel a réuni autour de la même table d’illustres personnalités pour débattre de la question épineuse des «crises sécuritaires et instabilités politiques en Afrique : comment maîtriser les défis de la stabilité du continent ?» Le panel invité à apporter des réponses à cette question était animé par Youssef Amrani, chargé de mission au Cabinet royal, Raila Odinga, ancien premier ministre kenyan, Richard Sezibera, secrétaire général de la Communauté d'Afrique de l'Est, Moussa Mara, ancien Premier ministre du Mali, Jean David Levitte, conseiller de l'ancien Président français Nicola Sarkozy et Mongi Hamdi, le représentant spécial du secrétariat général des Nations unies au Mali.
Les récents conflits et crises qui déstabilisent le continent africain ont été analysés lors de ce débat. Les intervenants ont ainsi été unanimes à admettre que la réponse militaire à elle seule reste insuffisante pour régler les crises qui touchent l'Afrique. Ils ont critiqué le manque de solutions efficaces et durables aux crises sécuritaires dont souffrent de nombreux pays africains. Ce qui est de nature à contribuer à la montée du terrorisme, l'émergence des réseaux de trafic de drogue et d'armes et l'exacerbation de l'immigration clandestine.
Ils ont, à cette occasion, salué le rôle joué par le Maroc dans la gestion des crises sécuritaires en Afrique, grâce à une approche novatrice. C'est dans ce contexte que les organisateurs ont demandé à Youssef Amrani, chargé de mission au Cabinet royal, d’exposer l’approche marocaine. Ce dernier a rappelé que le Maroc, qui était membre non permanent du Conseil de sécurité, avait à gérer des crises importantes et avait présenté plusieurs résolutions phares, notamment sur la crise libyenne et celle au Mali. En matière de crise, explique-t-il, les solutions militaires ne suffisent pas. Il faut de l'accompagnement, que ce soit pour la crise du Mali ou celle de la Libye. Il considère que la réalisation d'une conciliation nationale ne peut avoir lieu sans le respect de certains paramètres. Il a cité à ce sujet le respect de l'intégrité territoriale de l'État, la non-ingérence étrangère, la réconciliation et le compromis pour arriver à une solution politique. Il a ainsi évoqué l'exemple de la crise libyenne : «Dans le cas de la Libye par exemple, le Maroc a abrité l'ensemble des pourparlers des différentes factions libyennes pour arriver à former un gouvernement d'union nationale, ce qui n'est pas facile. Car comment peut-on mettre en place un gouvernement national avec deux parlements, avec deux gouvernements, avec des protagonistes qui ne se parlaient plus... Il fallait donc faire beaucoup de gymnastique diplomatique pour mettre les parties d'accord sur un projet», a-t-il dit. Les participants à ce panel ont admis que la stabilité et le développement économique sont fondamentaux pour l'Afrique. Dans ce sens, ils ont insisté sur l’importance d'une approche multidimensionnelle avec la création de l'emploi pour permettre de répondre aux attentes des jeunes générations africaines qui souhaitent plus de croissance, plus de richesse... Il faut donc venir à bout des conflits qui minent aujourd'hui l'Afrique, ont-ils souligné. «Dans ce cadre, il faut que nous comptions sur nos propres moyens.
L'Afrique doit se prendre en charge, ainsi que l'a dit S.M. le Roi Mohammed VI», a insisté Youssef Amrani qui a proposé trois dimensions fondamentales pour y arriver. Il s'agit, d'abord, de la dimension humaine à travers le transfert du savoir et l'accès au soin et à la santé. La deuxième dimension, d'ordre économique, est également très importante. Il a souligné dans ce cadre que certains pays ont compris l'importance de leur intégration régionale. «Ce sont non seulement des groupements qui créent de l'emploi, mais aussi qui trouvent des solutions à des conflits. Par exemple dans la crise du Mali, c'est grâce au CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) qu'on a pu avancer pour trouver une solution politique. Malheureusement, le Maghreb ne marche pas, alors que c'est une opportunité extraordinaire pour la création de l'emploi, pour la promotion de la croissance... Le Maghreb est également un impératif sécuritaire pour pouvoir lutter contre l'ensemble des extrémistes et les menaces qui nous guettent tous. Malheureusement, le non Maghreb est un gâchis», se désole-t-il. Il a appelé, dans ce sens, les pays du Maghreb à prendre l'exemple d'un certain nombre de groupements régionaux en Afrique de l'Est et de l'Ouest qui marchent. Quant à la dernière dimension proposée, c'est celle politico-sécuritaire, à travers la consolidation de la démocratie, le renforcement des capacités, mais aussi la lutte contre l'extrémisme.
«Je voudrais insister sur l'importance de déconstruire le discours radical pour montrer le vrai visage de l'Islam qui a été kidnappé par les extrémistes», explique Youssef Amrani. Il a appelé dans ce cadre à préserver l'identité spirituelle de la région. Il a ainsi évoqué l'importance de l'information stratégique qui est entre les mains des radicaux qui utilisent les médias, les nouvelles technologies, l'argent, l'immigration illégale... pour répandre ce discours. «Nous devons donc unir nos efforts pour combattre Boko Haram ou l'État islamique au Maghreb. Il faut contrer ces discours et ces messages extrémistes parce qu'ils constituent une véritable menace à la sécurité dans la région. Ces terroristes ont une vision et nous devons avoir les outils nécessaires pour diffuser les vraies valeurs, parce que l'Islam est compatible avec la démocratie», a-t-il conclu.