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«La COP 22 est celle de la mise en application de l'Accord de Paris et celle de l'action»

«La COP 22 est celle de la mise en application de l'Accord de Paris et celle de l'action»

Le Matin : À quelques semaines de la tenue de la COP 22, où en est-on concrètement aujourd'hui quant aux différents aspects de cette grand-messe ?

 Aziz Mekouar : Sur le plan logistique, les choses sont en train de bien avancer et tout sera prêt pour accueillir les participants à La COP 22, les différents pays et parties, ainsi que tous ceux qui prendront part à cet événement. Déjà, nous tiendrons une réunion avant la COP, c’est la pré-COP prévue les 18 et 19 octobre et qui verra la participation d’un nombre de ministres et de représentants d’une soixantaine de pays.

 Quelle lecture faites-vous du processus de ratification de l'Accord de Paris, dont la mise en œuvre sera effective avant la tenue de la COP 22, alors que cela était prévu à l’horizon 2020 ?

 C’est assez remarquable, cela met en évidence la mobilisation des différents pays et démontre que les gens prennent cette question des changements climatiques très au sérieux, car effectivement il y a péril en la demeure. Les hausses des températures prennent de plus en plus d’ampleur. Globalement, cette année, les mois d'avril, mai, juin et juillet ont été les plus chauds depuis 1880. Des pays comme la Russie sont très préoccupés, dans l’Arctique des températures de 31 ° ont été enregistrées durant juillet et août, cela pose de graves problèmes à l'image de la fonte du permafrost qui génère du gaz méthane et qui provoque 25 fois d'effet de serre de plus que le CO2, vous avez des maladies qui sont en train de réapparaître comme le paludisme, l'anthrax, etc. Bref, la liste des problèmes est longue.

Pour en revenir au processus de la ratification, de grands pays sont passés à l'acte. Il y a lieu de citer le Brésil qui produit 2,5% d'émissions mondiales de gaz à effet de serre, la Chine et les États-Unis (respectivement 20,09% et 17,89%, Ndlr) qui ont déposé leurs instruments de ratification, l'Inde en tant que troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre avec 4,1% qui a ratifié l’Accord de Paris en ce début d’octobre et tout récemment l'UE. Ainsi, nous avons dépassé le cap des 55 pays signataires de même que le pourcentage de 55% d'émissions produites à atteindre, puisque l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris est tributaire de deux conditions. Il devait ainsi être ratifié par 55 pays au moins et le total d'émissions de gaz à effet de serre des pays signataires doit atteindre 55%. Valeur d'aujourd'hui,cette double condition a été remplie et nous devons tenir la première réunion du CMA (Conférence des parties à l'Accord de Paris, NDLR), qui est l'organisme qui chargé de gérer l'Accord de Paris. Ainsi, l'on s'achemine vers une entrée en vigueur de l'Accord de Paris en 2016, alors que l'on s'y attendait pour 2020 et cela signifie que, réellement, les différentes parties sont conscientes de l'urgence.

 Dans le même registre, quel sera l'impact d'une entrée en vigueur «prématurée» de ce protocole, c'est-à-dire avant le rendez-vous de Marrakech ?

 Je ne dirai pas prématurée, mais plutôt rapide. D'une part, ce sera tout simplement un message clair au monde entier que les pays sont vraiment mobilisés pour résoudre les problèmes dus aux effets des changements climatiques. De l'autre, l'on continuera à travailler sur l'Accord de Paris, car la COP 22 est celle de la mise en application dudit Accord celle de l'action...

 Justement, l'étape Marrakech a hérité du qualificatif de COP de l'action, comment peut-on traduire cela dans le concret, de manière simple, et qu'en est-il des enjeux qui gravitent autour de cette COP 22 ?

Tout d'abord, vous avez deux voies dans la COP. La première est celle de la négociation formelle dont je suis chargé. L'Accord de Paris est une loi sur laquelle tout le monde s'est mis d'accord et, aujourd’hui, nous devons définir les règles, les modalités et les procédures de sa mise en application, en quelque sorte, ce sont les décrets d'application et, actuellement, notre travail est concentré sur ce volet. Sur un autre plan, une série d'initiatives devra être annoncée à Marrakech comme le Triple A («AAA» Adaptation de l'agriculture africaine aux changements climatiques, Ndlr), ou encore le MDC Partnership, la ceinture bleue, etc. Ceci est le début de l’action. Sur un autre volet, nous avons l’agenda global de l’action et qui concerne tout ce qui sera entrepris par les acteurs non étatiques. Ce volet est du ressort des deux championnes Hakima El Haïti et Laurence Tubiana. Cela concerne tout ce que les acteurs non étatiques ont réalisé ou réaliseront à l’avenir, à savoir les entreprises privées, les collectivités locales, etc.

 Le Maroc et la France marchent main dans la main pour ce rendez-vous du siècle pour le Royaume et cela n'est pas sans rappeler l'Appel de Tanger, lancé par le Souverain et François Hollande en septembre 2015. Peut-on considérer que la COP 22 s'inscrit dans la continuité de cet appel ?

Bien évidemment. L’Appel de Tanger est un événement extrêmement important à travers lequel Sa Majesté le Roi et le Président François Hollande ont manifesté la nécessité de travailler pour faire face aux effets des changements climatiques. Dans le cadre de la Cop, la France est la présidence sortante et elle garde formellement cette présidence jusqu’au 8 novembre pour transmettre le relais à la présidence marocaine. Cependant, nous avons déjà commencé depuis quelques mois à travailler sur la présidence marocaine, qui est très active et qui compte à son actif l’organisation de plusieurs événements au Maroc, nous avons aussi pris part à différents événements ailleurs. La coopération entre les deux équipes est exemplaire et nous sommes très satisfaits du travail réalisé en commun entre la présidence sortante française et la présidence montante marocaine.

Quel serait l'impact sur la politique environnementale du Maroc et quels bénéfices le Royaume pourrait-il engranger de ce rendez-vous planétaire ?

Le Maroc a parcouru beaucoup de chemin en matière d’environnement, notamment en termes de réactions face aux effets des changements climatiques. À titre d’exemple, le Maroc a pour objectif d’arriver à tirer 42% de son énergie à partir des énergies renouvelables en 2020 et 52% en 2030. Nous allons atteindre cet objectif, car nous avons l’énergie éolienne qui est extrêmement active et nous avons la plus grande centrale solaire du monde. L’énergie en provenance de l’éolien est la moins coûteuse au monde. Nous en sommes arrivés là grâce à une batterie de réflexions, à la création d’institutions et d’une certaine gouvernance qui a attiré les investisseurs. Le Maroc est reconnu mondialement pour les efforts consentis en ce sens sous le leadership de Sa Majesté le Roi.

En ce qui concerne les bénéfices pour le Royaume, tout d’abord, le Maroc organise la COP 22, car les changements climatiques n’ont pas de frontières et chaque pays doit apporter sa contribution à cette lutte commune. Le Royaume a commencé à faire sa part en développant les énergies renouvelables, chose qui a créé tout un secteur au Maroc, mais aussi, en accueillant la COP, le Maroc prouve qu’il est mobilisé pour faire face aux problèmes des changements climatiques. Cette COP va constituer une vitrine d’envergure des efforts nationaux, elle va permettre un échange d’expériences avec d’autres pays, elle va signifier le soutien affiché par notre pays envers les pays vulnérables, elle va démontrer la pertinence et la durabilité de notre modèle économique, elle va contribuer à sensibiliser la population, à renforcer la prise de conscience des problèmes des changements climatiques et à mobiliser de la société civile autour de la question.

 Parallèlement, de quelle nature sont les produits, services ou autres que le Maroc est en mesure de «vendre» lors de cet événement où des mastodontes de l'économie verte se bousculeront ?

 Il y a lieu de citer, en premier lieu, notre grande expérience, ou ce que nous sommes arrivés à réaliser comme projets réussis. Nous avons des compétences, des solutions, etc. Lors d’une récente réunion du Comité scientifique, chaque responsable avait procédé à une présentation du domaine dont il est chargé, comme les énergies renouvelables, la politique de l’eau, la politique de l’agriculture, etc., et donc chacun avait présenté les projets qui ont été réalisés et la manière avec laquelle ils ont été montés et financés, les institutions créées... C’était extrêmement intéressant et l’on pourrait partir de cette expérience marocaine et des solutions du Maroc pour les généraliser à d’autres pays. L’on peut également citer l’industrie de l’éolien qui est intégrée à hauteur de près de 65%, une grande partie du matériel des éoliennes, les palmes inclues, est fabriqué à Tanger. Nous avons un centre de compétences où les gens peuvent être formés aux nouveaux métiers qui accompagnent cette révolution. En somme, nous avons beaucoup de choses que nous pouvons mettre à la disposition de tous les pays.

 Justement, en parlant de nouveaux métiers, la mise en œuvre des protocoles de la COP implique obligatoirement la disparition de certains métiers jugés polluants et, en parallèle, la création de nouveaux tendant plus vers le vert. Peut-on considérer qu'il y a un équilibre dans cette péréquation ?

Je pense que ça a toujours été le cas dans différents domaines. Si vous considérez l’évolution de la technologie, c’est pareil, vous avez de nouveaux métiers qui sont créés, d’autres, plus anciens, qui sont arrivés à maturité ou au-delà et qui sont, petit à petit, voués à disparaître et à être remplacés par les premiers, mais, à terme, il y a toujours un équilibre qui s’installe et il se fera dans ce secteur d’activité. Il faut aussi savoir que tous ces nouveaux métiers liés à l’environnement constituent un gisement de croissance remarquable, comme tout ce qui est en rapport avec les énergies renouvelables, les motorisations électriques pour les véhicules… Tout cela est caractérisé par une évolution très rapide et beaucoup de gens travaillent sur ces technologies et sur la recherche. Je pourrais citer, à titre d’exemple, cette initiative qui s’appelle «Mission innovation», lancée juste avant la COP 21, à travers laquelle un groupe de pays qui constituent la Conférence ministérielle pour les énergies propres et qui avait décidé de dédier un montant de 15 milliards de dollars par an à la recherche dans tout ce qui touche aux énergies propres. Réunie à San Francisco en juin dernier, la Conférence ministérielle a décidé de doubler ce montant et aujourd’hui on parle de 30 milliards de dollars par an. Parallèlement, un groupe de grands investisseurs, dont Bill Gates, Al-Walid Ibn Talal, George Soros et d’autres, ont créé une alliance qui investira dans la transformation des résultats de ces recherches en actions concrètes. Ainsi, les start-ups et les nouvelles entreprises qui vont mettre en application les résultats des recherches effectuées à l’aide des 30 milliards de dollars annuels bénéficieront des fonds mis à disposition par l’alliance des gros investisseurs.

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