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«Le choix de l’itinérance du Festival national du film est plus judicieux, plus équitable et plus juste»

Depuis sa création, le Festival national du film de Tanger est passé par une période d’itinérance qui a connu sa fin avec l’arrivée du précédent directeur du Centre cinématographique marocain, Noureddine Saïl. Le réalisateur Saâd Chraïbi revient, en détail, sur la question de l’itinérance ou de la sédentarité de cette manifestation cinématographique, considérée comme le miroir du septième art marocain.

«Le choix de l’itinérance du Festival national du film est plus judicieux, plus équitable et plus juste»

Le Matin : Itinérance ou sédentarité, deux mots qui furent souvent évoqués ces derniers temps à propos du Festival national du film de Tanger. Racontez-nous un peu ce voyage, dans le temps et l’espace, de cette manifestation cinématographique depuis sa création ?
Saâd Chraïbi : L’histoire du Festival national du film de Tanger (FNF) remonte à loin, précisément à l’année 1982. À cette époque, ce festival, le premier du genre, devait être le miroir de la production cinématographique marocaine, encore pauvre en quantité de films en cette période. L’une des questions qui s’étaient posées aux organisateurs, Centre cinématographique marocain (CCM) et chambre professionnelle (association des cinéastes marocains, unique à l’époque), consistait à choisir un lieu pour l’organisation du festival. À tout seigneur tout honneur, c’est la capitale de Royaume qui fut retenue. La première édition s’était donc déroulée à Rabat. Deux ans après, à la veille de l’organisation de la deuxième édition, la même question s’était posée : le lieu ? Les sages de l’époque ont immédiatement préconisé d’instaurer le principe de l’itinérance du festival en avançant plusieurs arguments, notamment afin de faire bénéficier l’ensemble des villes du Royaume de l’organisation du festival, intéresser un public plus large à la question du cinéma marocain, peu connu à cette époque, encourager les salles de cinéma à se mettre aux normes professionnelles de projections et d’accueil des spectateurs, en améliorant leurs infrastructures techniques, puis sensibiliser les médias locaux des villes à diffuser l’information autour du festival et du cinéma marocains.

Ces arguments ont-ils été approuvés par l’ensemble des professionnels du secteur ?
Effectivement, l’histoire allait donner raison à ce choix, puisque pas moins de 6 grandes villes marocaines ont pu bénéficier de l’organisation du festival et de l’engouement médiatique qu’il provoque. Rabat, Casablanca, Meknès, Tanger, Marrakech et Oujda. Les autres villes, Agadir, Laâyoune, Fès et d’autres étaient programmées pour les éditions suivantes. Mieux encore, ce festival a impulsé plusieurs énergies locales qui se sont révélées depuis, soit sous forme de ciné-clubs, d’associations de cinéma, voir de cursus universitaires dans des facultés pour former des jeunes. Autant d’actions positives qui ont évolué grâce, entre autres, à cette itinérance du Festival national du film.

Pour quelle raison cette itinérance a-t-elle pris fin ?
À partir de l’année 2005, qui avait coïncidé avec la nomination de l’ancien directeur du CCM, originaire de la ville de Tanger, une décision unilatérale à connotation régionaliste avait été prise par ce directeur, celle de rendre le FNF sédentaire dans sa ville natale. Cette décision de favoritisme s’est faite au nom la stabilité et de la continuité. L’ancien directeur du CCM avait mis en place une pratique unique dans le genre. Celle de demander par lettre au Cabinet royal l’accord de sédentariser le festival à Tanger, et ce sans consulter les organisations professionnelles, pourtant inscrites dans la loi comme partenaires de l’organisation de ce festival. Dans les faits, cette décision s’est traduite par plusieurs aspects négatifs, manque d’intérêt des populations des autres villes pour le cinéma marocain, désintérêt des salles de cinéma pour la rénovation et la mise au diapason des normes techniques, ainsi que la frustration des amoureux régionaux du cinéma de ne plus pouvoir suivre ce grand événement national.

Peut-on dire que c’est après le départ de l’ancien directeur que le débat sur l’itinérance ou la sédentarité de ce festival refait surface ?
En effet, car les arguments cités plus haut montrent clairement que le choix de l’itinérance est plus judicieux, plus équitable et plus juste. Quand on sait que le Maroc s’engage dans une politique de régionalisation pour toutes les activités, économiques, sociales et aussi culturelles et artistiques, il convient de s'assurer que l’accompagnement de cette régionalisation concerne tous les aspects, y compris celui de notre cinéma national. Déroger à cette pratique de régionalisation du festival reviendrait à contredire une décision nationale, prônée par Sa Majesté et actée par le Parlement et le gouvernement marocains.

Qu’en est-il du dialogue entre les organisations professionnelles et l’actuel directeur du CCM, Sarim Fassi Fihri ?
Après sa nomination, le nouveau directeur du CCM avait consulté les organisations professionnelles depuis plusieurs mois pour décider du choix entre l’itinérance et la sédentarité du festival. Tenant compte des arguments cités plus haut, la réponse des organisations professionnelles a été unanime en faveur de l’itinérance. Or, aujourd’hui, ces organisations sont surprises d’apprendre qu’à cause de pressions exercées sur le nouveau directeur, le festival a été maintenu dans la ville du détroit pour cette édition. Mais nous espérons que les raisons artistique, culturelle, administrative et politique aussi seront retenues pour redonner au Festival national du film le rayonnement régional que le Festival avait connu depuis sa création. 

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