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Comment créer et pérenniser le sentiment d’appartenance chez des collaborateurs à distance ?

Le travail à distance est de plus en plus prisé par les entreprises. Mais si la pratique se banalise, elle a des impacts sur les individus et porte un certain nombre de risques, dont celui de la perte du sentiment d’appartenance. Le point avec Corinne Forasacco, consultante et enseignante Essec Business School.

Comment créer et pérenniser le sentiment d’appartenance chez des collaborateurs à distance ?
Le challenge des DRH est de créer les conditions d’un «slow management» revisité, avec une attention nouvelle portée à la qualité de vie au travail, facteur déterminant dans l’engagement.

Éco-Conseil : Quels sont les impacts du travail à distance sur les individus ?
Corinne Forasacco : Avec l'internationalisation des activités et des entreprises, la transformation des organisations (organisations régionales, «business unit»), on assiste à de nouvelles formes de travail (nomadisme, travail en réseau, télétravail). Tous les métiers sont potentiellement concernés. Des ingénieurs gèrent de grands projets dans une multiplicité de pays, des chefs de produit collaborent avec une hiérarchie basée dans une capitale lointaine, les chargés d'assistance dans différents métiers de service (assurance, télécommunications) télétravaillent... Mais si la pratique se banalise, elle a des impacts sur les individus et porte un certain nombre de risques, dont celui de la perte du sentiment d’appartenance, très directement liée… à la motivation au travail.

Quels sont alors les risques liés au travail distance ?
Comment recréer, à distance, de la proximité et du lien pour des relations de travail durables constitue un challenge permanent.
• Du fait notamment de la distance, plus il y a de technologies dans la relation entre une personne et son manager, moins il y a d’échanges en face à face, qu'ils soient formels ou informels, et plus il est nécessaire de «reconstruire de l’humain».
Si cela n’est pas fait le salarié va perdre la notion d’appartenance à une communauté de travail, à une entreprise, se sentir isolé voire être sujet à des risques psychosociaux.
• Le manager, s’il ne renforce pas ses activités de support de ses équipes, s’il n’instaure pas des «rituels» de rencontres, peut se voir disqualifié dans son rôle.
• Les équipes, quant à elles, ont du mal à collaborer et risquent de se déliter même si les communautés virtuelles peuvent assurer un premier niveau de communication et d’échanges.
• Enfin, l’informel dans la communication et les rencontres, ciment fort dans une organisation, demeurent une question ouverte… Si la relation physique est ici, par définition, difficile à construire, en revanche, la capacité pour un manager, même à distance, de donner un capital précieux, du temps, aux personnes existe. Et la communication informelle ne répondant pas à un agenda anticipé et construit, il s’agit pour le manager de préserver des espaces-temps avec ses collaborateurs sans ordre du jour particulier, distincts des temps bien repérés d’échanges formels.

Comment alors y faire face ?
Le manager pilote ici un subtil équilibre pour à la fois assurer un contrôle et laisser de l’autonomie. Il se doit aussi de créer et préserver, malgré la distance, le lien avec le collectif et l’organisation.
• Attention dans ce cadre à ne pas faire disparaître au quotidien le «comment» au profit du «quoi». Une des questions est aussi de savoir donner du sens et exprimer de la reconnaissance, fondements du développement de la motivation et de l’engagement pour une organisation.
• Cela suppose de la part du manager de travailler sa posture, en particulier le lâcher-prise. Développer beaucoup d’écoute pourra créer les conditions de la confiance impérative dans des situations d’éloignement.
• La communication est clef : vigilance ainsi à une information suivie, transparente, à des moments et démarches d’écoute des salariés, à la réalisation de feed-back réguliers et qualifiés. Le mail apparaît sans nul doute comme un outil utile pour faciliter la mise en relation et abolir la distance sous certains aspects. Les managers en font d'ailleurs un moyen privilégié pour contrôler des collaborateurs censés répondre à la moindre sollicitation, exactement comme en présentiel. Cependant, à l'usage, il s'avère que ce type d’outil numérique pilote le travail plus qu'il n'ouvre le dialogue.
• Mais la technologie permet aussi aujourd’hui, heureusement, même à distance, de se voir (chatting, web-conférence…). Cet usage est à favoriser pour créer du lien, car fournissant la ressource à la fois de la voix et du non verbal, plus favorable à une communication et une relation de qualité…

Quel rôle pour la DRH ?
Les DRH quant à eux sont les gardiens du temple sur plusieurs registres :
• Veiller à ce que l’entreprise ne sombre pas dans la pathologie du reporting, plus menaçante encore lorsque les équipes sont géographiquement éclatées.
• Planifier excessivement est aussi un point de sensibilité, car susceptible de briser l’initiative.
• Renforcer les process et les procédures, comme c'est souvent le cas dans le management à distance, outre le fait de créer de la déresponsabilisation, tend à aseptiser les relations de travail. Un effort de simplification doit être à ce titre piloté par les RH.
• Donner un cadre facilitant à l’appréciation du travail et à sa reconnaissance.
• Ritualiser des temps de rencontre physique, même s’ils ne sont pas nombreux, pour partager autour de la vision et des projets, et ancrer des liens entre les personnes.
• Créer les conditions d’un «slow management» revisité, avec une attention nouvelle portée à la qualité de vie au travail, facteur déterminant dans l’engagement, est le challenge des DRH.

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