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«Des pays ont menacé de nous couper l’aide si on retirait notre reconnaissance du polisario»

Dans un entretien accordé au «Matin» en marge de sa participation à la neuvième édition du Forum international MEDays, l’ex-premier ministre haïtien, Laurent Lamothe, parle des circonstances ayant conduit son pays à retirer sa reconnaissance de la pseudo Rasd. Il s’exprime également sur la volonté d’Haïti d’intégrer l’Union africaine et du regard qu’il porte sur le rôle du Maroc à l’échelle régionale et continentale.

«Des pays ont menacé de nous couper l’aide si  on retirait notre reconnaissance du polisario»

Le Matin : Vous avez reçu le Grand Prix MEDays au nom du peuple d’Haïti. Que signifie pour vous cette distinction ?
Laurent Lamothe : C’est pour moi une énorme fierté. C’est avec beaucoup d’honneur que j’ai reçu ce prix qui a été décerné au peuple haïtien au nom de la solidarité et du respect mutuel entre le Maroc et Haïti. Il couronne les relations amicales existant entre nos deux pays. Trop souvent, Haïti fait les grands titres des journaux pour de mauvaises raisons. Aujourd’hui, nous sommes dans la presse pour de bonnes raisons et ceci grâce à l’Institut Amadeus et à son Forum MEDays pour lequel nous sommes reconnaissants. Ce geste nous va droit au cœur.

Lors de votre mandat de Premier ministre, votre pays a retiré sa reconnaissance de la pseudo Rasd. Qu’est-ce qui avait motivé cette décision ?
Nous avons analysé nos relations avec plusieurs pays et nous avons décidé de rendre justice au Maroc, un pays qui a eu énormément de solidarité avec nous, notamment à travers S.M. le Roi Mohammed VI, pendant le séisme de 2010 dans lequel nous avons perdu plus de 250.000 Haïtiens et déploré plus de 500.000 blessés. À mon arrivée au poste de Premier ministre, nous avons donc décidé de revoir nos relations avec différents pays et avons aussi programmé plusieurs rencontres de travail avec des experts qui nous ont conseillé la démarche à suivre. Quand on a étudié nos relations avec le Maroc, nous avons remarqué que le gouvernement précédent avait reconnu le Front polisario en 2006. Compte tenu de notre stratégie de relation avec le Royaume, nous avons décidé d’annuler cette décision, malgré les pressions qu’on avait subies de la part du lobby pro-polisario. Je ne vous cache pas que certains pays ont même menacé de couper l’aide qu’ils accordaient à notre pays, afin de nous forcer la main et nous obliger à revenir sur notre décision, car elle est hautement politique et le fait qu’un pays comme Haïti annule sa reconnaissance de ce front envoyait un signal très fort à la communauté internationale. Nous avons résisté à toutes ces pressions. Cela dit, il faut rester vigilant, car ils ont beaucoup d’amis dans la région et ils continuent de faire pression pour changer l’ordre des choses.

Depuis la prise de cette décision, qu’est-ce qui a changé dans les relations entre Haïti et le Maroc ?
Les relations entre nos deux pays étaient toujours bonnes. Cependant, cette reconnaissance était comme une épine dont nous nous sommes débarrassés. Ce qui a permis de conforter nos liens fraternels et amicaux. Nous avons des étudiants haïtiens qui poursuivent leurs études au Maroc et la coopération et relancée. Il faut dire aussi que plusieurs missions d’investissements sont organisées et nous avons aussi assisté à l’ouverture du consulat honoraire d’Haïti au Maroc. Nous avons des points en commun comme la culture et la langue et il faut savoir que le Maroc a donné l’exemple à suivre en tant que pays qui se développe harmonieusement. Il y a des leçons à tirer de son expérience et c’est ce qui nous a poussés à aller vers une politique diplomatique qui nous rapproche de Rabat.

Vous avez aussi déposé une demande pour intégrer l’Union africaine (UA) en 2012. Qu’en est-il de cette demande  ?
Haïti est aujourd’hui membre observateur de l’UA. Mais nous jugeons que du fait que notre pays a été la première République noire du monde à avoir obtenu son indépendance grâce aux sacrifices de nos ancêtres, et que nous avons mené la première révolution sociale au monde quand quelque 500.000 esclaves se sont soulevés et ont triomphé des 40.000 soldats de l’armée de Napoléon, l’UA serait honorée d’accueillir Haïti en son sein. Mais il y a une résistance de la part de certains membres. Il faut dire aussi que les statuts de l’organisation panafricaine parlent d’un certain principe de «continuité géographique», mais on ne baissera pas les bras. Je continuerai le combat de mon côté en espérant que le nouveau gouvernement de mon pays fera de même pour permettre à Haïti de retourner au sein de sa famille africaine.

Le Maroc a aussi déposé une demande dans ce sens, comment voyez-vous ce retour du Maroc au sein de sa famille africaine ?
C’est le même principe que pour mon pays. Ça sera très positif pour l’Union africaine d’avoir le Maroc en son sein. Quand on voit que certains pays africains reconnaissent le Front polisario, on se demande ce que ça leur a rapporté ! Alors que le Maroc est un grand pays avec un passé glorieux. Un pays qui se développe et qui a beaucoup à partager avec les pays de la région. Pour moi, la bonne décision serait d’accepter ce retour du Royaume du Maroc à l’institution panafricaine, et aussi d’accepter l’intégration d’Haïti.

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