Si les travaux et «rapports stratégiques» réalisés par l’Institut royal des études stratégiques (IRES) dans ce sens ont été diffusés, jusque-là, dans un cadre restreint – c’est le cas de tous les rapports stratégiques de l’institut –, il vient de faire une exception. En effet, dans le cadre de sa contribution scientifique à la préparation de la COP 22, l’IRES vient de publier sur son site internet «Les rapports stratégiques de synthèse des phases 1 et 2 de son programme d’études sur le changement climatique». Intitulé «Changement climatique : impacts sur le Maroc et options d’adaptation globales», ce document souligne l’impératif de prendre en compte le changement climatique et met en grade contre «le scénario de l’inaction» qui «serait lourd de conséquences en termes de ponction sur les ressources en eau qui sont déjà sous pression, de menace sur la sécurité alimentaire et sanitaire des populations, sans oublier les effets néfastes sur la sécurité économique, au regard de la vulnérabilité de certains secteurs économiques stratégiques».
Le rapport insiste par ailleurs sur les insuffisances des politiques publiques en matière de changement climatique. L’IRES y relève ainsi une prise en compte insuffisante du changement climatique dans les stratégies sectorielles. Il cite trois stratégies nationales sectorielles. La stratégie nationale de l’eau, en cours de mise en œuvre, initiée en 2009. Une stratégie que l’IRES considère comme basée sur des hypothèses peu réalistes. «Compte tenu de la non-prise en compte du changement climatique dans l’évaluation des ressources hydriques mobilisables, l’objectif affiché par la stratégie nationale de l’eau de combler les déficits attendus en eau ne serait, probablement, pas réalisable. Bien que le Maroc ait réussi à mettre en place une stratégie ambitieuse de mobilisation de ses ressources en eau, il n’est pas arrivé, pour autant, à mettre en pratique des actions concrètes, en matière de réduction de la vulnérabilité de ce secteur, vis-à-vis du changement climatique», souligne le rapport.
La stratégie de développement agricole, dit Plan Maroc vert, a également été critiquée. Ce Plan n’a pas complètement intégré la donne du changement climatique, estime l’IRES. «L’analyse des mesures préconisées, dans le cadre des différents axes du Plan Maroc vert, montre que les premiers jalons d’une adaptation, à long terme, du secteur agricole aux impacts du changement climatique sont lancés. Cependant, une adaptation planifiée et concrète n’est pas totalement explicite dans cette stratégie. Avec le développement des connaissances scientifiques sur l’évolution du climat et ses impacts sur le secteur agricole, cette stratégie et les programmes qui lui sont associés devraient être réorientés en conséquence. De même, la conception des infrastructures d’irrigation, surtout celles qui impliquent un transfert d’eau entre zones, devrait tenir compte des perspectives futures, en matière de disponibilité en eau», souligne le rapport.
De même, la Vision 2020 du tourisme mise en place a été jugée par l’IRES comme n’étant pas totalement conforme aux préoccupations environnementales. «Le souci de préservation de l'environnement dans le secteur du tourisme a été exprimé au niveau de la Vision 2020. Des mesures de développement durable sont prévues avec un échéancier de réalisation à court terme, par cette vision. Cependant, certaines mesures prévues restent sans aucun effet, à cause du retard enregistré dans leur application. Il a été constaté que le développement touristique se concentre, toujours, sur le littoral, ce qui risque de provoquer la dégradation des dunes de front de mer ou des zones humides sensibles et d’accentuer l’exposition des zones littorales aux aléas climatiques, notamment l’élévation rapide du niveau de la mer, les houles et les tempêtes», prévient le rapport. Le même document critique également le fait que des terrains de golf continuent toujours à être aménagés dans des zones qui souffrent d’un déficit hydrique, sans prise en compte effective des contraintes environnementales. À cela s’ajoute l’absence d’organismes de contrôle, comme la police environnementale, en charge du respect des exigences en matière d'économie et de gestion de l'eau, d'économie d'énergie, d'utilisation des pesticides pour les espaces verts…