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La coopération Sud-Sud élargie à l’Afrique de l’Est

L’Afrique a été, depuis l’ère impérialiste, l’objet des convoitises de toutes les puissances de ce monde qui cherchent avant tout à exploiter ses ressources. Le continent s’est donc toujours trouvé confronté à un défi majeur, celui de rendre inclusive la croissance qu’il connaît depuis près d’une décennie.

La croissance de l’Afrique a surtout été portée, jusqu’à aujourd’hui, par des secteurs intensifs en capital, au détriment des activités intensives en travail. Il est primordial de limiter la dépendance des économies africaines des industries extractives par la diversification de leurs industries (le Soudan dépend à 90% de ses exportations pétrolières). Car même si l’Afrique est la nouvelle frontière de la croissance, les économies du continent divergent de plus en plus. À titre d’exemple, 80% de la consommation privée sont le fait de dix pays : Afrique du Sud, Algérie, Angola, Égypte, Ghana, Kenya, Maroc, Nigeria, Soudan et Tunisie. Ces pays sont qualifiés par certains experts de «pays utiles». Cette réalité cache des inégalités criantes et atteste le fait que le modèle de croissance axé sur les ressources naturelles profite à une élite. L’Afrique peut être qualifiée de continent riche peuplé de pauvres, Le PIB par habitant est huit fois inférieur à la moyenne mondiale. La pauvreté constitue en soi une carence de développement et est aussi à l’origine, d’une part, de maux économiques, comme la difficulté à constituer une classe moyenne, et d’autre part de maux sécuritaires, comme l’élargissement des rangs des djihadistes. Actuellement, l’Afrique compte 200 millions de jeunes de moins de 25 ans, ils seront un demi-milliard au tournant du demi-siècle. En 2020 ils seront 150 millions à se présenter sur le marché du travail pour un nombre d’emplois disponibles estimé à un peu plus de 50 millions.

En tant que carrefour multiculturel, mais aussi pays en voie d’émergence, le Maroc entend jouer un rôle essentiel dans le processus «d’afro-optimisme». À travers sa géo-économie en Afrique, le Maroc cherche à consolider et renforcer les précieux leviers dont il dispose pour construire une politique africaine innovante et performante permettant aux Africains d’accéder au rang des créateurs et des producteurs... d’accéder au club des grands. Le Maroc est plus que convaincu qu’exploiter le dividende démographique passe davantage par la facilitation de la productivité et de la compétitivité sur le continent.

Le fait que l’action diplomatique du Maroc en Afrique soit au début concentrée sur certains pays de l’Afrique de l’Ouest peut objectivement se comprendre. Il y a dans la plupart des cas des relations historiques profondes qui justifient l’alliance, comme c’est le cas avec le Sénégal, des relations culturelles, avec la langue et l’influence françaises en partage, mais également des intérêts politiques communs qui ne sauraient être négligés. De même, certains pays du continent affichent des positions diplomatiques incompatibles avec celles du Maroc. Toutefois, atteindre les objectifs du co-développement et de co-émergence à l’échelle continentale ne pouvait être atteint sans contacts élargis avec toutes les zones du continent. Les pays d’Afrique de l’Est devaient en particulier être ciblés.
Et cela d’autant plus que tous les futurs pays émergents de l’Afrique cités par la COFACE – à savoir le Kenya, la Tanzanie et la Zambie – se trouvent dans cette région. De même, les États-Unis ont noué des relations stratégiques avec des pays comme la Zambie ou encore la Tanzanie, ce qui montre bien toute l’importance de cette région.
Il était donc temps de renforcer la coopération avec l’Afrique de l’Est et l’Afrique orientale. Ces deux régions abritent des poids lourds du continent et les avoir comme alliées ne peut être que bénéfique pour le Royaume. Le tout est désormais de savoir comment ? La mise en place d’ambassades dans de nombreux pays d’Afrique de l’Est, le renforcement de la coopération éducative ou encore la mise en place rapide de zones de libre-échange ont déjà été proposés par plus d’un expert.

Mais le Royaume, fidèle à la feuille de route tracée par le Souverain (Discours d’Abidjan), ne pouvait pas poser une action dans cette région sans information, sans connaissance et sans analyse préalable dans le but de répondre au mieux aux besoins des peuples africains. Et de ce fait, la stratégie diplomatique devait passer par une meilleure connaissance et par le respect mutuel entre cette région et le Maroc.

Il apparaissait donc nécessaire de trouver des axes stratégiques communs pour bâtir une coopération solide et forte. Et dans des zones où la langue n’est pas en partage – les pays de ces régions parlent l’anglais, l’espagnol et le portugais –, où la religion n’est pas commune – la plupart de ces pays sont catholiques ou protestants – et où les relations historiques sont presque inexistantes, il apparaît indispensable de réinventer la coopération. Dans le cas de certains pays, il est certain que la coopération militaire et logistique dans la lutte contre le terrorisme peut être un atout non négligeable. Le Maroc a déjà démontré son savoir-faire dans ce domaine et collabore avec les pays occidentaux. L’agriculture pourrait être un deuxième axe non négligeable de la stratégie, car elle est un des points faibles dans de nombreux pays africains et le Maroc peut leur apporter son expérience dans ce domaine à travers la révolution verte initiée par l’OCP. Le logement semble être un troisième point fondamental. En effet, ces pays en pleine croissance voient émerger une classe moyenne demandeuse de logements de qualité à un coût abordable. Il est certain que le Maroc peut participer à cet effort et y apporter l’expérience de ses entreprises. Le Maroc a pris la décision d’élargir et de diversifier sa politique étrangère et cette décision est en accord avec le statut qu’il espère acquérir. Elle nécessite également un travail au cas par cas et une collaboration qui prend en compte les réalités de chaque région pour être plus efficace. Le Maroc veut aller au-delà du fait d’être un exemple de stabilité à suivre dans la région, il veut faire entendre sa voix à travers le continent et devenir un acteur géopolitique régional incontournable. En prenant des participations dans des fleurons nationaux, en investissant dans des projets sociaux, en encadrant et en accompagnant les pays africains dans leur transition politique et économique, il deviendra de plus en plus difficile de se passer de son avis et de son soutien sur des questions de plus en plus stratégiques. 


La diplomatie marocaine en marche

Un an après le discours d’Abidjan, prononcé en février 2014 par Sa Majesté le Roi Mohammed VI dans la capitale économique ivoirienne, le Royaume déploie une diplomatie aussi bien politique qu’économique pour consolider la mise en œuvre de la feuille de route définie par le Souverain. Mais quels en sont les effets et surtout les avancées ? Le train de la coopération Sud-Sud à la marocaine semble bien lancé. Le Royaume est en effet le deuxième investisseur africain sur le continent et multiplie les projets de partenariat concrets avec de nombreux pays africains.

Discours d'Abidjan : une feuille de route royale pour l'Afrique

«Si la coopération hier était basée sur la confiance et les liens historiques, elle est aujourd’hui de plus en plus fondée sur l’efficacité, la performance et la crédibilité (…) la crédibilité veut que les richesses de notre continent bénéficient, en premier lieu, aux peuples africains. Cela suppose que la coopération Sud-Sud soit au cœur de leurs partenariats économiques (...) Si le siècle dernier a été celui de l’indépendance des États africains, le 21e siècle devrait être celui de la victoire des peuples contre les affres du sous-développement, de la pauvreté et de l’exclusion (...) j’invite chacun de vous à imaginer ce que serait, alors, notre continent, libéré de ses pesanteurs». Le discours royal d'Abidjan ne recèle-t-il pas les accents d’un leader qui, en stimulant les volontés et les énergies, visualise non seulement l’avenir de son pays, mais celui de tout un continent ?

Le Rwanda, un marché plein d'opportunités

Le Rwanda est un pays où tout reste à construire pour les opérateurs marocains. D’une économie essentiellement agricole, le Rwanda, qui affiche un des taux de croissance moyens les plus élevés du continent (7%), projette de passer à une économie de services d'ici 2020. Et c'est justement dans le secteur des services que les entreprises marocaines sont très visibles sur le continent. Le Maroc et le Rwanda ont signé 19 conventions de coopération et d’investissements dans des domaines divers : tourisme, transport, énergies renouvelables, industrie pharmaceutique et dans le secteur bancaire.

L'OCP à la conquête de l'éthiopie

L'OCP a récemment décidé de créer une filiale d'OCP Africa en Éthiopie, pays qui a été retenu en raison de son fort potentiel agricole pour être un relais de croissance du groupe OCP en Afrique et mener à bien sa révolution verte sur le continent. Certes, la part de l’agriculture dans le PIB éthiopien a baissé au cours des dix dernières années, mais elle en représente toujours à peu près la moitié. Mais même si les deux pays ont signé plusieurs accords dans les domaines de l'agriculture, de l'éducation et de la santé notamment, ainsi qu'un accord de coopération globale, les relations économiques entre le Maroc et l'Éthiopie restent loin de leur potentiel. Car seuls sont présents l’OCP, Managem, BMCE et M2M. Au vu du potentiel de croissance du pays, il y a beaucoup à faire.

Bouchra Rahmouni Benhida
Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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