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Les discriminations salariales ont la peau dure

Qui a parlé d'équité salariale homme/femme ? Les discriminations restent flagrantes comme en témoignent le dernier rapport du CESE sur l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi et l’enquête de Rekrute.com.

Les discriminations salariales ont la peau dure

Les inégalités salariales entre hommes et femmes ont la peau dure qu’il s’agisse de rémunération ou d’avantages, les hommes sont mieux lotis que les femmes. C’est l'un des constats forts qui reviennent le plus dans les études et rapports qui s'intéressent à la situation salariale au Maroc. Le dernier en date est le rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur «Les dimensions sociales de l’égalité entre les femmes et les hommes» présenté jeudi dernier. Les conclusions de ce rapport alertent sur la situation en rappelant que le principe de l’égalité salariale consacré par le Code du travail dans son article 346 n’est pas respecté : «comme dans de nombreux pays, les femmes subissent des écarts de salaires par rapport aux hommes». Selon le document, un «diagnostic de l’état de l’égalité/équité dans le secteur de l’emploi, la formation professionnelle et la protection sociale» a été mené en 2010 par le Haut Commissariat au Plan (HCP) dans l’ensemble des secteurs, formel, public et privé et informel.

En effet, le diagnostic révélait un écart moyen de près de 40% des rémunérations entre hommes et femmes. En 2014, dans le secteur formel, le salaire mensuel moyen des femmes représentait 85% de celui des hommes (4.275 dirhams contre 5.035). Le rapport ajoute que «les employeurs ne sont pas tenus de fournir des preuves de respect du principe - À travail égal, salaire égal- ni de procéder à des audits ou contrôles des risques de discrimination salariale entre les travailleurs des deux sexes», ce qui est fait uniquement par quelques entreprises qui ont formalisé des engagements de non-discrimination entre les genres dans le cadre de leur stratégie de responsabilité sociale. Ainsi, le CESE recommande la prohibition de toutes formes de discrimination contre les femmes dans le recrutement, l’accès à la formation, les salaires, les conditions de travail et le déroulement de carrière. Un principe consacré par l’article 9 du Code du travail qui interdit «toute distinction, exclusion ou préférence qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement, à l’exception de celles qui sont fondées sur les qualifications exigées pour un emploi déterminé». Autre étude, mais même constat.

Il s'agit de la 8e enquête réalisée par Rekrute.com sur le niveau des salaires au Maroc, rendue publique en avril dernier. Il en ressort que 1% seulement des femmes perçoivent un salaire compris entre 30.000 et 40.000 DH nets/mois, alors que 4,5% des hommes ont un salaire dans cet intervalle. La tendance est la même en ce qui concerne les gros salaires : seulement 2% de femmes déclarent avoir un salaire compris entre 25.000 et 30.000 DH contre 4% pour la gent masculine. 

Plus encore, les disparités touchent également la couverture sociale. Seulement 27% des femmes sont adhérents à une caisse de retraite contre 73% des hommes qui ont aussi droit à une assurance maladie plus élargie avec des taux de remboursement avantageux (70%). L'enquête de Rekrute va au-delà des salaires en s'intéressant aux facteurs qui ont un impact sur les niveaux de rémunération.

Combien gagnent les Marocains ?

L'enquête Rekrute.com, réalisée en ligne auprès de 1.287 Marocains dont 53% occupent un poste de cadre, s'est également penchée sur le niveau des salaires. Elle révèle que les salaires compris entre 4.000 et 6.000 DH nets/mois sont les plus répandus.
En effet, 18% des répondants déclarent avoir un salaire dans cette fourchette. 16% touchent entre 10.000 et 15.000 DH nets/mois, et 15% de l’échantillon justifient d’un salaire inférieur à 4.000 DH.
Autre révélation de l’enquête et non des moindres : la catégorie considérée comme étant la plus active (26-35 ans) est celle qui connait le plus de diversité au niveau des salaires. Elle compte aussi bien des salaires élevés que des salaires moyens, sans disparités prononcées.

La majorité des personnes dans cet intervalle perçoit des salaires dans la moyenne : rares sont les personnes qui ont un salaire de 25.000 DH nets/mois ou plus dans cette catégorie d’âge. Ce qui montre que l’âge est déterminant dans la rémunération, car il est souvent synonyme d’expérience. Les personnes les plus âgées se voient donc octroyer un salaire plus important que les plus jeunes. Quelque 56% des Marocains percevant entre 25.000 et 35.000 DH nets/mois ont entre 36 et 45 ans. Mais au-delà de cet âge, la popularité sur le marché de l’emploi régresse, ce qui est forcément dû, comme expliqué par les auteurs de l’enquête, à la baisse de productivité.

Le diplôme étranger rapporte plus !

La rémunération est également liée à d’autres facteurs comme le diplôme et la formation. Malgré la diversité des offres de formation au Maroc, les diplômes d’écoles et universités étrangères sont les plus prisés par les recruteurs.
Les gains les plus importants reviennent aux personnes qui ont poursuivi des formations à l’étranger : 32% ont un salaire supérieur à 20.000 DH nets/mois et seuls 10% de ceux ayant fait leurs études au Maroc. Même tendance pour la formation. Les lauréats des écoles de commerce (23%) et d’ingénieurs (24%) sont les mieux rémunérés. Ils perçoivent un salaire compris entre 10.000 et 15.000 DH. Ceux ayant un MBA (22%) perçoivent un salaire entre 15.000 et 20.000 DH nets/mois. En revanche, les titulaires d’un DEUG, d’une licence ou d’une maîtrise gagnent entre 4.000 et 6.000 DH nets/mois. 


L’inégalité salariale, un phénomène mondial

L’Organisation internationale du travail (OIT) a publié, en mars dernier, un rapport intitulé «Les femmes au
travail : tendances 2016».
Ce document qui examine des données recueillies dans 178 pays a tiré la sonnette d’alarme sur les inégalités entre hommes et femmes. Alors que son niveau d’éducation augmente, la femme reste encore en deçà du niveau salarial qui correspond à sa situation professionnelle. «Dans le monde, les femmes représentent moins de 40% de l'effectif salarial, mais constituent 57% de ceux qui travaillent à temps partiel», note le rapport qui conclut que les femmes continuent de subir une discrimination au niveau des salaires et de la qualité de l’emploi, et ce quel que soit leur lieu de résidence.


Entretien avec Alexandra Montant, directrice générale adjointe de Rekrute.com

«Les inégalités ne s'arrêtent pas aux salaires»

Éco-Emploi : Vous venez de rendre publique votre nouvelle enquête consacrée aux salaires. Quel constat peut-on dresser des tendances des salaires actuellement ?
Alexandra Montant : Globalement, les résultats de l’enquête ont confirmé la perception que tout le monde a du marché actuel du travail :
• Les Marocains ayant obtenu leur diplôme dans une université ou école étrangère ont un salaire plus élevé que ceux ayant fait leurs études au Maroc. Les diplômes marocains se voient donc dévalorisés face aux diplômes étrangers.
• Les inégalités salariales entre hommes et femmes existent bel et bien, qu’il s’agisse de rémunération ou d’avantages, les hommes sont mieux lotis que les femmes.
• Le salaire est une fonction croissante de la formation : la rémunération diffère selon le nombre d’années d’études, plus ces dernières s’accroissent, plus le salaire augmente.
• Les très grandes entreprises (TGE) sont celles qui distribuent les plus gros salaires au Maroc, et qui attribuent les avantages en nature et les avantages sociaux les plus intéressants sur le marché.
• L’âge et l’expérience sont des critères très importants qui impactent fortement le salaire : plus on est âgé, plus on a de l’expérience, mieux on est payé.

Qu'est-ce qui a changé par rapport aux années précédentes ?
Les salaires des Marocains ont connu une légère hausse les deux dernières années, malgré une conjoncture économique instable. En 2013, le taux de croissance du Produit intérieur brut marocain était de 4,73%, cette évolution a donc impacté la croissance des salaires en 2014 : 38% des Marocains ont eu une augmentation de salaire. En 2015, le bilan était moins positif : le PIB n’a augmenté que de 2,42% par rapport à 2014. Pourtant, 36% des Marocains ont connu une augmentation de salaire cette année-là. On remarque alors que malgré une situation économique changeante, les entreprises tiennent à ne pas garder une certaine régularité en ce qui concerne les salaires de leurs employés, car elles savent bien que leur réussite dépend des salariés. La satisfaction des ressources humaines est donc aujourd’hui la principale préoccupation des entreprises.

Qu’en est-il des salaires des femmes ?
En effet, c’est ce qui est ressorti de l’enquête. On aurait tendance à croire que l’équité hommes-femmes existe bel et bien aujourd’hui, mais ce n’est pas toujours le cas. En effet, au Maroc comme dans le monde, il y a certains points qui demeurent inchangés, comme les écarts de salaires hommes-femmes. De par l’enquête, nous avons pu constater que 72% des hommes sont affiliés à une caisse de retraite dans le cadre de leur travail, contre seulement 27% des femmes qui le sont. Aussi, 70% des hommes ont droit à une assurance maladie avec des taux de remboursement avantageux, alors qu’il n’y a que 30% des femmes qui y ont droit. Nous voyons donc clairement qu’il y a toujours une différence qui se fait sur la base du sexe, que ce soit pour le salaire brut ou pour les avantages sociaux qui l’accompagnent. 

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