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Nouvelle donne pour le Maroc

Contrairement aux pays émergents qui s’imposent sur la scène internationale en menant plusieurs luttes, parmi lesquelles la défense d’une sorte de droit à polluer au nom de leur potentiel de croissance à exploiter, le Maroc a multiplié les actions, depuis le milieu des années 2000, en faveur de l’environnement et du développement durable, manifestant une prise de conscience croissante face à la crise écologique et énergétique que connait le monde et faisant ainsi du développement durable la clé de voûte de la vision 2020.

Une vision qui prend en compte les contraintes hydriques et énergétiques du Royaume. Un des principaux objectifs des actions et politiques menées dans ce sens est de faire évoluer les modes de production et de consommation du Maroc vers un modèle plus respectueux de l’environnement et de transformer le système énergétique du modèle économique marocain en développant des énergies non fossiles et en réduisant la dépendance du Maroc aux énergies fossiles, tout en maintenant et en poursuivant sa stratégie de croissance et de développement.

Comme on le sait, l’économie marocaine est très dépendante de sa facture énergétique, laquelle grève lourdement sa balance des paiements. Une dépendance qui ne cessera de s’accroître du fait des programmes et des stratégies de croissance lancés dans le pays. Peu doté en ressources naturelles, le Maroc n’a pas hésité quand il a été question de développer les énergies renouvelables. Dès 2008, le Royaume va investir 10 millions d’euros dans les énergies renouvelables afin de préparer son avenir énergétique et tenter de rompre une dépendance dangereuse pour sa croissance (voir encadré). Au-delà de la réduction de la facture énergétique, et au cas où la production énergétique prévue dépasse les besoins du marché local et les besoins de la croissance marocaine, le Royaume pourrait même exporter 20% de son énergie verte à l’horizon 2020-2025, comme le conclut l’étude menée par des économistes de l’Université autonome de Madrid.

En endossant ce nouveau rôle et en s’imposant comme un acteur énergétique incontournable sur la scène internationale, le Royaume du Maroc pourra acquérir des cartes diplomatiques importantes. Fondée sur le concept de «bringin' in», la stratégie marocaine consiste à encourager la participation des compagnies étrangères dans le domaine des énergies renouvelables dans lequel le Maroc ne possède pas les capacités technologiques nécessaires et a besoin d’acheter des technologies et des brevets étrangers. Cette politique aidera le Maroc à augmenter sa capacité d’innovation dans les champs des énergies renouvelables et par conséquent augmenter son niveau d’autonomie dans le domaine des équipements énergétiques de pointe. D’un point de vue géoéconomique, amorcer un tel cercle vertueux soutiendra et augmentera la croissance au niveau national et régional, créera de nouveaux emplois et permettra au Maroc de promouvoir des produits et des technologies propres marocaines sur le marché international.

Le 4 février a été aussi l’occasion de donner le coup d’envoi de Noor II et de Noor III. Elles seront livrées fin 2017. Le parc solaire sera bientôt complété par Noor VI. À terme, la centrale solaire d’Ouarzazate devrait ainsi devenir la plus grande au monde.
Avec les 160 MW de production d’énergie prévue via Noor I, le parc solaire entrera directement dans le top 10 mondial des centrales solaires. Entre 2018 et 2020, le Maroc se hissera au premier rang solaire avec une capacité globale qui devrait atteindre 580 MW, capable de fournir de l’énergie à 1,1 million de Marocains d’ici 2018. Il s’agit de l’un des projets de transition énergétique les plus ambitieux du monde destiné à faire en sorte que 52% des besoins énergétiques du Royaume proviennent des énergies renouvelables à l’horizon 2030.

Selon la Banque africaine de développement, Noor I permettra d’éviter le rejet de 240.000 tonnes de CO2 par an. Soit 6 millions de tonnes de CO2 évitées en 25 ans d’exploitation. Et lorsque Noor II et Noor III entreront en fonction, ce seront au total 19 millions de tonnes de CO2 évitées en 25 ans. Le Maroc tiendra ainsi sa promesse de réduire de 32% ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030.
Une promesse faite à Paris lors de la COP 21. Contrairement au green washing, autrement dit le blanchiment vert, atteindre un pareil objectif à long terme permettra aux entreprises et aux produits marocains de jouir d’un avantage de réputation dans un monde où les consommateurs et toutes les parties prenantes de l’écosystème de l’entreprise seront de plus en plus sensibles à la variable écologique. Un tel projet est non seulement au cœur de la stratégie marocaine de développement national, mais aussi au centre d’enjeux géopolitiques majeurs. En finir avec le statut de pays importateur d’énergie et réussir le nouveau repositionnement industriel et la modernisation compétitive du tissu industriel, constituent deux pas de géants pour devenir une puissance industrielle régionale.

La puissance étant un concept évolutif, c’est souvent les ruptures technologiques qui redessinent les contours et les moyens de celle-ci. La transition énergétique entrainera dans son sillage quatre types d’évolution majeurs : une évolution industrielle, pour assurer une production de masse ; une évolution des politiques publiques et une évolution réglementaire pour fixer des normes ; une évolution des grandes infrastructures de transport, de distribution, de circulation, pour assurer le fonctionnement des nouveaux usages ; une évolution sociétale, pour engager des comportements nouveaux de la part des usagers et des consommateurs. Pour assurer la cohérence et la concomitance de ces évolutions, il faut souvent compter dix à vingt ans, voire plus. À travers sa stratégie des énergies renouvelables, le Maroc se tiendra prêt, influencera les agendas internationaux et jouera un rôle déterminant dans le leadership de la sécurité énergétique dans le monde. En plus d’être le deuxième investisseur africain sur le continent, le Maroc, en se positionnant comme une puissance énergétique future et comme le leader de la croissance verte à l’échelle du continent africain, renforcera encore plus les relations avec ses voisins africains et permettra à la coopération Sud-Sud d’atteindre une nouvelle dimension. En développant une expertise dans le domaine des énergies renouvelables, le Maroc, fidèle à ses objectifs de codéveloppement, de co-émergence et de cocréation africaine, aura une grande valeur ajoutée à l’échelle du continent.

Le Maroc se devait de faire des choix stratégiques pour le futur. Sous l’impulsion de Sa Majesté, le Royaume a osé oublier le court terme… c'est là aussi l’originalité marocaine. Le développement économique du Maroc se décline aussi au rythme du développement durable. Le 4 février 2016 a vu naitre une nouvelle expression du soft power marocain, le pays sera identifié sans conteste aux énergies propres et sera dorénavant l’exemple type du pays qui illustre que le développement économique et le développement durable sont un couple compatible. 


Énergies renouvelables, croissance économique et création d’emplois

Les chiffres illustrent parfaitement la situation concernant la dépendance du Maroc des importations énergétiques, le constat est alarmant. Ce dernier peut s’aggraver encore plus. L’augmentation de l’intensité énergétique est le résultat non seulement du rythme imposé par la croissance économique, mais aussi de l'emballement de la demande énergétique du fait du développement des réseaux routiers, ferroviaires et portuaires modernes et la frénésie des constructions urbaines. Les nouvelles demandes d’énergie (6 à 8%) suite à l’évolution démographique et la révolution des infrastructures que connait le Maroc actuellement impactent et impacteront le solde de la facture énergétique. En effet, cette dernière était de 19 milliards de dirhams en 2002, puis elle est passée à 60 milliards de DH pour atteindre, à la fin de l’année 2012, plus de 100 milliards de DH. Cela représente 15% du PIB, chiffre susceptible de doubler à l’horizon 2030. Les installations solaires et éoliennes, dont le fonctionnement est programmé pour 2015, ambitionnent de produire d’ici 2020, plus de 2.000 MW d’électricité. Cette énergie est nécessaire pour couvrir 42% des besoins du pays et, par conséquent, permettre au Maroc d’économiser annuellement le coût de plus d’un million de tonnes de pétrole. Les économies budgétaires varieraient de 10 à 15 milliards de DH d’ici à 2030, soit 500 millions de dollars annuellement. De quoi redynamiser le développement économique et social du Royaume. Le plan d’énergie renouvelable a pour objectif essentiel de réduire la dépendance du Maroc en le transformant en un producteur d’énergie. De plus, cela permettra le lancement d’un nouveau secteur, à savoir celui du «green business» qui, en plus d’attirer les investissements étrangers, permettra la création d’environ 500.000 emplois, soit une augmentation de 1,91% du PIB marocain.

Noor I, Noor II, Noor III et Noor IV

Le parc solaire d’Ouarzazate s’étend à perte de vue : certes, la première phase opérationnelle du site, Noor I, s’étale sur plus de 400 hectares. Mais à terme, c’est-à-dire lorsque les trois autres parties du projet seront terminées, la centrale devrait s’étendre sur 3.093 hectares. Soit la superficie de la ville de Rabat. Ce qui devrait en faire la plus grande centrale solaire au monde.
La centrale thermosolaire Noor I, c’est 160 MW grâce à la technologie thermosolaire (CSP) à capteurs cylindro-paraboliques, et une capacité de stockage thermique de 3 heures à pleine puissance.
La centrale Noor II, qui utilisera la même technologie, s'étalera sur 680 ha et sera dotée d'une puissance de 200 MW et d'une capacité de stockage de 7 heures.
Noor III adoptera, elle, la technologie thermosolaire et aura une puissance de 150 MW, ainsi qu'une capacité de stockage de près de 8 heures.
À terme, d’autres parcs solaires devraient voir le jour dans le Royaume, à quelques centaines de kilomètres d’Ouarzazate, notamment sur les sites de Midelt et Tata, pour une production totale de 2.000 MW dans cinq ans.
Noor I, la première tranche d’un parc solaire géant, a coûté 7 milliards de dirhams, financés par la Banque africaine de développement, la Banque publique allemande KfW, la Banque mondiale, l’Agence française de développement, la Banque européenne d’investissement, le Fonds des technologies propres et la Commission européenne.


Bouchra Rahmouni Benhida

Professeur à l’Université Hassan Ier, elle est aussi visiting professor aux USA, en France et au Liban. Ses travaux de recherche lui ont permis d’intervenir dans des forums mondiaux et des special topics dans des institutions prestigieuses à Hong Kong, en France, au Liban, aux Emirats arabes unis et en Suisse. Elle compte à son actif plusieurs ouvrages : «L’Afrique des nouvelles convoitises», Editions Ellipses, Paris, octobre 2011, « Femme et entrepreneur, c’est possible», Editions Pearson, Paris, novembre 2012, « Géopolitique de la Méditerranée », Editions PUF, avril 2013, «Le basculement du monde : poids et diversité des nouveaux émergents», éditions l’Harmattan, novembre 2013 et de « Géopolitique de la condition féminine », Editions PUF, février 2014. Elle a dirigé, l’ouvrage «Maroc stratégique : Ruptures et permanence d’un Royaume», éditions Descartes, Paris, 2013.

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