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Pénurie des talents : puisez dans votre vivier de compétences !

Dans un environnement économique compétitif et face à des besoins de plus en plus pointus en termes de compétences, les employeurs, au Maroc comme dans le reste du monde, déplorent une pénurie de talents plus au moins importante selon les secteurs et les métiers. L’inadéquation entre la formation académique et le besoin réel des entreprises persiste. Pour faire face à cette situation, ces dernières privilégient le développement des compétences en interne à travers une formation ciblée.

Pénurie des talents : puisez dans votre vivier  de compétences !

Dans le monde, les employeurs sont confrontés à une importante pénurie de talents. 40% indiquent rencontrer des difficultés à recruter en 2016, soit le niveau le plus élevé depuis 2007. C’est ce qui ressort d’une récente enquête menée par ManpowerGroup dans 43 pays y compris la région MENA (Moyen-Orient/Afrique du Nord). «Cette année encore, notre étude confirme les difficultés de recrutement auxquelles sont confrontées nos entreprises clientes. Même si la proportion des employeurs concernés diminue, il n’en demeure pas moins que le recrutement reste un enjeu crucial pour la compétitivité des entreprises et la croissance de notre économie», indique Alain Roumilhac, président de ManpowerGroup France. C'est pratiquement le même constat qui ressort d’une autre enquête menée en début d’année par le cabinet d’audit et de conseil PricewaterhouseCoopers (PwC) auprès de 1.400 dirigeants dans 83 pays, et intitulée «Global CEO Survey».

Selon cette étude, 86% des patrons en Afrique déclarent être inquiets face à ce phénomène. Un phénomène omniprésent auquel les entreprises marocaines n’échappent pas. La difficulté à recruter touche quasiment tous les secteurs et les entreprises connaissent une crise de compétences. La situation est telle que l’on peut parler de véritable pénurie de talents qui s’explique, selon les experts, par un important décalage entre l’offre éducative et les besoins des entreprises qui ne cessent d’évoluer parallèlement à l’effervescence économique et à l’évolution technologique. «L’enseignement et les entreprises n’ont pas travaillé main dans la main afin de proposer des formations adéquates et d’excellence face aux défis économiques qu’imposent les secteurs industriels de pointe. Résultat, le nombre des diplômés du supérieur au chômage n’a jamais été aussi élevé et dans la plupart des cas, les jeunes sont contraints d'accepter du travail en dessous de leur niveau de formation» constate Ismaïl Belabbess, consultant RH, associé MCBI Conseil. Selon l’enquête du Haut Commissariat au Plan sur la situation du marché du travail au troisième trimestre de l’année 2016, le taux de chômage s’est établi à 22,3% parmi les détenteurs d’un diplôme de niveau supérieur. Ce taux monte à 27,3% pour les lauréats des facultés.

Du côté des entreprises, l’enjeu est double : il faut recruter le bon profil compétent et disponible, avec un taux d’échec de recrutement égal à zéro. Et cette problématique est d’autant plus importante selon les secteurs et les métiers. En effet, selon Mehdi El Yousfi, DGA au sein du cabinet Diorh, «bien que la rareté des talents soit une donne largement partagée par tous les secteurs, il faut noter que certains en souffrent probablement plus que d’autres, notamment pour ce qui est des experts techniques. Il y a ainsi les secteurs relativement neufs de l’économie marocaine, voués à jouer un rôle de fer de lance des exportations : les entreprises d’ITO (Information Technology Outsourcing), les équipementiers automobiles ou aéronautiques et le textile sont particulièrement concernés, car ils font face à un besoin d’agilité face aux exigences des donneurs d’ordre, de changements technologiques, d’évolutions des business models (le textile notamment).

Il y a également au sein des secteurs traditionnels une rareté des talents qui se traduit ces dernières années par une véritable inflation salariale (experts du secteur de l’assurance, informaticiens, chefs de projets d’infrastructures). Il y a particulièrement une rareté (donc guerre) des talents dans les secteurs érigés en priorités nationales de développement». Cependant, la segmentation de ce problème n’est pas que sectorielle, elle concerne également différents métiers notamment les métiers des finances, des nouvelles technologies, les commerciaux… Cependant, certains experts appellent à faire une certaine nuance au niveau de cette problématique de pénurie dans le sens où les entreprises sont de plus en plus exigeantes en termes de qualité et de compétences. Ainsi, un recruteur peut avoir plusieurs profils marketing par exemple, mais pour répondre à la demande pointue de l’entreprise, il se doit de trouver la perle rare parmi ces postulants, c’est-à-dire un candidat talentueux, compétent, opérationnel immédiatement et polyvalent. Confrontés à ce défi, plusieurs chefs d’entreprise adoptent de nouvelles pratiques de gestion des talents en interne et d’exploration du vivier de compétences disponibles privilégiant ainsi la formation et la montée en compétences en interne.

En effet, les employeurs doivent désormais promouvoir une culture d’apprentissage au sein de leur entreprise et encourager les employés à prendre en main leur propre carrière. Dans cette optique, l’enquête de ManpowerGroup fait ressortir la formation comme la première solution de développement des compétences en interne. Selon cette étude, 53% des employeurs dans le monde ont eu recours à la formation en réponse à la pénurie de talents. Le nombre d’employeurs qui forment et développent les compétences de leurs salariés lorsqu’ils ne parviennent pas à recruter à l’extérieur a doublé, passant de 1 sur 5, en 2015, à plus de la moitié en 2016, constate l’enquête. Ceci traduit une véritable prise de conscience chez les dirigeants d’entreprises qui veulent capitaliser sur leurs propres ressources avant de recourir au recrutement. Le défi pour les responsables RH est donc de mettre en place des plans de formation adaptés et non standardisés. C’est-à-dire un plan de formation adéquat et efficient basé sur une évaluation préalable des compétences des collaborateurs et suivant un plan de carrière bien défini. 


Entretien avec Ismaïl Belabbess, consultant RH, associé MCBI conseil

«Il faut non seulement développer des compétences en interne, mais également asseoir une bonne politique salariale et une meilleure gestion des talents»

Éco-Emploi : Peut-on parler d'une pénurie de talents au Maroc ?
Ismaïl Belabbess : En effet, il existe sur certains métiers au Maroc un manque de main-d’œuvre qualifiée, mais évoquer une pénurie de talents n’est pas le terme approprié, car le Maroc dispose de ressources talentueuses, mais celles-ci ne sont pas mises à profit. Il existe un véritable décalage entre l’offre de formation initiale et continue et les besoins des entreprises. En effet, l’enseignement et les entreprises n’ont pas travaillé main dans la main afin de proposer des formations adéquates et d’excellence face aux défis économiques qu’imposent les secteurs industriels de pointe.
Résultat, le nombre des diplômés du supérieur au chômage n’a jamais été aussi élevé et la plupart des cas, les jeunes sont contraints à accepter du travail en dessous de leur niveau de formation.

Quels sont, d'après vous, les secteurs qui souffrent le plus de cette pénurie ?
Bon nombre de secteurs estiment ne pas avoir suffisamment de ressources adaptées telles que le secteur de l’ingénierie dans le bâtiment ou dans les bureaux d’études. Le secteur des énergies manque de ressources telles que des techniciens supérieurs types BAC+2, mais également des ingénieurs. Les secteurs industriels manquent également de ressources sur des fonctions spécifiques telles que l’automobile et l’aéronautique. La fonction d’encadrement est une fonction qui manque sérieusement de ressources formées. Ainsi les fonctions supports telles que les RH ou le commercial, mais également les cadres intermédiaires dans les usines ne sont pas suffisamment formées aux techniques d’encadrement et ne développe pas assez le management de proximité. Ainsi, on assiste à une rupture entre des cadres supérieurs et dirigeants super formés et les cadres intermédiaires qui ne possèdent pas les clés nécessaires pour mener à bien leurs missions.

Quelle est selon vous la cause de cette pénurie ?
Comme évoqué plus haut, l’absence d’adéquation entre la formation et les besoins en entreprise est une cause des pénuries, mais il existe également une absence d’anticipation et de visibilité sur les besoins au Maroc dans les prochaines années. Il serait intéressant de mettre en place des études interrogeant un certain nombre d’acteurs de la vie économique : les entreprises, les chambres de commerce, les politiques, l’Anapec (Agence nationale de promotion de l'emploi et des compétence) pour connaître les exigences et mettre en places des cursus professionnalisant.

Des experts avancent que le développement des compétences en interne serait une solution à la pénurie des talents, qu'en pensez-vous ?
Oui, cela fait partie d’une des solutions, mais ce n’est pas la seule. Il faut non seulement développer des compétences en interne, mais il faut également asseoir une bonne politique salariale et une meilleure gestion des talents et une stratégie de développement professionnel à la hauteur des ambitions de la structure.
Il faut également promouvoir la formation continue en facilitant l’accès à des formations de haut niveau reconnus internationalement et répondant aux exigences des entreprises.
Pour cela, il faut également que les organismes de formations répondent à des standards de qualités.
Enfin, il faut déverrouiller le secteur de la formation en facilitant les échanges et le remboursement des offres de formations en faveur des entreprises. 
Propos recueillis par S.Ba

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