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Un vibrant hommage posthume à Mahmoud Guinea et Doudou N’diaye Rose

Colorée, émouvante et inoubliable, l’ouverture du Festival Gnaoua d’Essaouira, musiques du monde, fêtée le 12 mai, était tout simplement exceptionnelle. Après la parade habituelle où les musiciens et les troupes de gnaouas du Maroc se sont mêlés à une foule émerveillée par ce carnaval géant, le public a dansé sur les rythmes des anciens : Mahmoud Guinea et Doudou N’diaye Rose.

Un vibrant hommage posthume à Mahmoud Guinea et Doudou N’diaye Rose
La voix profonde de Rachida Talal s’est mêlée aux sonorités gnaouies pour transporter le public du Maroc et la magie de son Sahara au Sénégal. Ph. Saouri

En ouverture de la 19e édition du Festival Gnaouas d’Essaouira, musiques du monde, un vibrant hommage posthume a été rendu au maître incontesté du guembri, Mahmoud Guinéa, et au magicien du tambour sénégalais, Doudou N’diaye Rose. Leurs âmes ont plané sur la place Moulay Hassan à Essaouira grâce à une résidence de leurs enfants et leur famille en communion. Le public n’a pas pu résister aux sons des tambours sénégalais mêlés aux notes des instruments gnaouis. Dotés d’une grande précision et d’un talent rarissime, les héritiers des deux artistes ont transporté les spectateurs souiris, marocains et étrangers dans un univers musical purement africain. Selon Neïla Tazi, fondatrice et productrice du festival, «le Festival Gnaoua d’Essaouira, musiques du monde veut marquer l’ancrage africain du Maroc à travers l’héritage africain subsaharien. Les musiciens viennent de tous les pays à ce festival pour se prêter à la fusion, à un nouveau langage de la musique». Cette ouverture était sublimée par une fusion à mi-chemin entre le rythme gnaoua, la transe hassanie et la folie africaine. La voix profonde de Rachida Talal s’est mêlée aux sonorités gnaouies pour transporter le public du Maroc et la magie de son Sahara au Sénégal. «Il est très difficile d’assister à ce festival sans le maitre du guembri, mais cet hommage à feu maâlem Mahmoud Guinea nous a consolés», nous confie un adepte du Festival Gnaoua d’Essaouira et musiques du monde.

Aujourd’hui, le rendez-vous musical pour les gnaouas et par les gnaouas est orphelin. Dans les coulisses, une phrase revenait souvent. «Comment une édition du festival peut-elle avoir lieu sans maâlem Guinea ?» Même après sa mort, celui qui était la figure emblématique du festival demeure dans les cœurs et sa musique se transmet à travers ses élèves et ses enfants. Maâlem respecté et redouté, Mahmoud Guinea a lui-même donné implicitement ses directives pour passer le flambeau à une nouvelle génération tout aussi talentueuse. Lors de la dernière édition du Festival Gnaoua, il a remis son guembri à son fils Hamza comme pour crier au monde entier que Mahmoud est mort, certes, mais que Guinéa demeure éternel… De génération en génération, maître Guinea avait la musique dans le sang, dans les gènes, porté par une passion et un héritage familial.

Mahmoud Guinéa a un grand-père malien arrivé à Essaouira en 1927. Samba Guinéa, dont le patronyme combine à lui seul la musique, la danse et la magie de l’Afrique, était médecin caporal à l’époque, qui soignait également les troubles psychiques avec des séances de transe une fois par semaine. Une coutume dans laquelle a trempé Mahmoud Guinea grâce à son grand-père et à son père : Boubker. D’ailleurs, Mahmoud assistait très jeune aux «lilates» avant de tenir dans ses mains son premier guembri qu’il ne lâchera plus. Un guembri spécialement fabriqué pour lui des mains de son père, et qu’il fabriquera à son tour pour son fils Houssam et qu’il lui remettra il y a moins d’un an lors de cette fameuse soirée de clôture de la 18e édition du festival… Il a su faire fructifier son héritage et le faire voyager, l’essayer à autre chose. Avant-gardiste, il ne se contentait pas d’animer les lilates, il allait plus loin.

Dans les années 1970, il fait partie du groupe folk marocain «Lamchaheb» et défend un mouvement «Nayda» où la musique est engagée. Il est un des précurseurs en termes de fusions avec des jazzmen, il enregistre un album avec le saxophoniste Pharoah Sanders en 1991 intitulé «The Trance of Seven Colors». Dès lors, et grâce au Festival Gnaoua, le grand Guinea s’internationalise et fait voyager sa musique au Japon, aux États-Unis, au Moyen-Orient et en Europe. Il partage la scène avec les plus grands sans jamais trembler, sans jamais être impressionné.

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