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La problématique des salles et du public cinéphile nécessite une restructuration du secteur

La première table ronde de cette 18e édition fut consacrée à «La reconquête du public, un enjeu national». Une thématique proposée par la Chambre marocaine des producteurs de films et animée par des intervenants du secteur, notamment le producteur Noureddine Ayouch, le réalisateur et producteur Latif Lahlou, le critique de cinéma Omar Benkhemmar et l’exploitant de salle Mohamed El Ayadi. La modération a été confiée à Jamal Souissi.

La problématique des salles et du public cinéphile nécessite une restructuration du secteur
Les intervenants ont insisté sur la nécessité de mobiliser le public et le privé pour pour mettre en place des structures qui puissent aider le cinéma.

Dans son intervention, le producteur Noureddine Ayouch a été on ne peut plus clair en parlant de la problématique des salles de cinéma au Maroc, tout en saluant le courage des cinéastes marocains qui arrivent à créer et faire des films avec les petits moyens qui leur sont octroyés et la disparition continue des espaces de projection. Il a aussi abordé le problème de la piraterie, en assurant que l’État ne l’encourageait pas comme certains le pensent.Toutefois, Noureddine Ayouch a souligné qu’il faut faire appel à l’État pour mettre en place des structures qui puissent aider le cinéma. «Et là, on peut même trouver des moyens pour lutter contre le piratage. Sans oublier que les collectivités et les communes doivent participer en ouvrant des salles à des prix abordables, aussi bien dans le milieu urbain que rural. Ce sera une véritable promotion à tous les niveaux avec une visibilité du film marocain, et ce en instaurant des quotas pour les chaines de télévision et les salles, sachant que nous avons des talents, mais pas d'engagement politique», assure Ayouch dont l’avis a été partagé par le réalisateur et producteur Latif Lahlou. Ce dernier, de son côté, est d’accord pour la création d’un système plus complexe et plus structuré de salles et aspire à l’ouverture de 400 salles durant la future période de 5 ans.

C’est là où l’exploitant de salles, Mohamed El Ayadi, a pris la parole pour insister sur le fait que la volonté politique a toujours manqué pour avancer dans le secteur. «Il y a d’abord le problème de la TVA qui constitue un fardeau pour les exploitants des salles. S'ajoutent à cela les nombreuses salles qui attendent d’être rénovées pour s’ouvrir au public. Car malgré l’aide de 50% octroyée, très peu de salles font appel à ce soutien, et ce pour la simple raison qu’ils n’arrivent pas assurer le reste. Ceci constitue un problème, puisqu’on ne peut pas produire 20 films si on n’a pas de salles», précise Mohamed El Ayadi qui s’est prononcé en tant qu’exploitant, n’ayant pas le droit de juger les films, mais de prendre des productions qui font recette. «L’exploitant de salle respecte le goût du public, parce que c’est lui qui remplit les salles de cinéma». Le dernier intervenant, M. Tarrous, a considéré le fonds d’aide du Centre cinématographique marocain aux productions nationales comme un soutien aux professionnels du secteur, contribuant à les faire vivre, précisant que ceci reste une solution qui ne peut durer, surtout avec les promotions de plus en plus nombreuses des jeunes cinéastes. 


Questions à Omar Benkhemmar, critique de cinéma

«Il faut inculquer aux jeunes une vraie culture cinématographique»

Comment cernez-vous le problème des salles de cinéma au Maroc ?
Il faut dire que l’abandon des salles de cinéma par le public marocain est un sujet très sensible et qui ne mérite pas seulement une table ronde, mais un travail sérieux et responsable pour trouver les solutions adéquates. C’est toute une chaine où les maillons sont très liés les uns aux autres et dont l’essentiel ne réside pas seulement dans l’intérêt qu’on doit porter à la salle. Car même si on rénove nos salles et on les numérise, cela ne garantit pas que le public y aille. Nous devons savoir d’où vient le mal. Pourquoi notre public ne va-t-il pas au cinéma ? Nous avons même des exemples de complexes cinématographiques qui programment des films diversifiés, mais où le public ne va pas.

Que faut-il faire alors ?
Pour moi, la chose la plus importante est de travailler sur l’être humain. C’est-à-dire mener une étude sociologique sur toutes les couches sociales. Cette recherche doit être conduite dans le cadre d’un master ou d'un doctorat. Ensuite, on va rassembler des centaines de réponses, puis faire en sorte de trouver les solutions et alors on pourra peut-être connaître les vraies raisons. Ces dernières seront différentes selon les secteurs. Nous pouvons parler de l'évolution technologique, de la numérisation qui a ouvert beaucoup de possibilités et énormément facilité la consommation de l’image. Il y a une influence directe des nouvelles technologies, mais il faut faire avec. Le deuxième point concerne l’État, surtout dans le volet culturel et artistique. À une autre époque, on étudiait la musique, le dessin, on faisait le théâtre, puis l’enseignant nous encourageait en nous donnant un ticket pour aller voir une pièce théâtrale. Actuellement, l’intérêt pour la culture a disparu.

Cela suffira-t-il pour remplir nos salles ?
Il y a un autre point tout aussi important qui est celui de la salle elle-même. Par exemple, quand le spectateur va voir un film, il doit sentir qu’il est dans une salle de cinéma et pas devant une télévision, c’est-à-dire sentir l’ambiance d’un cinéma, tout à fait différent du portable, de la tablette ou de tout autre gadget moderne. Il existe plusieurs méthodes pour motiver les gens à venir au cinéma : pratiquer des prix abordables pour les étudiants, créer des cartes d’abonnement… La société civile a son rôle à jouer, notamment avec les clubs de cinéma qui doivent inculquer une vraie culture cinématographique, avec ses nobles valeurs d’ouverture et de lutte contre tout obscurantisme. Un autre point très important pour l’éducation de nos enfants est de rétablir les matinées cinématographiques. Les institutions cinématographiques s’occupaient aussi de cela en emmenant toute une classe au cinéma. Donc la crise est là et les solutions sont difficiles, parce que cette crise a pris une grande ampleur et se perpétue depuis des années. Il faut rassembler toutes les forces de la société, que ce soit dans le secteur public ou privé, pour aider à trouver des solutions. Chose qu’on n’a pas encore commencée. Ce qui veut dire que nos salles auront encore des problèmes. Car on ne fait que parler, on ne réagit pas. La salle n’est pas seulement une opération commerciale, elle est aussi un lieu de culture. 

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