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L’agilité, une question de vie ou de mort !

Les managers ne jurent, ces dernières années, que par l’agilité organisationnelle et ses bénéfices, un concept souvent brandi comme une baguette quasi magique face aux difficultés qui mettent en péril la survie de l’entreprise dans un environnement concurrentiel et changeant. Un simple «buzzword» ? Pas vraiment, répondent les experts, il s’agit d’un concept efficace, mais juste sorti de son cadre initial et mis à toutes les sauces si bien que les résultats n’en sont pas toujours des plus réussis.

Bien que vieille de plusieurs années, l’agilité organisationnelle est toujours d’actualité. Elle est même devenue incontournable à en croire plusieurs experts. En effet, les enjeux et les challenges d’il y a quelques années n’ont pas beaucoup changé et les entreprises doivent faire face aujourd’hui aux mêmes contraintes avec plus d’urgence. «Les organisations font aujourd’hui face à de nombreux défis : la mutation comportementale des clients utilisant de plus en plus les plateformes digitales, la révolution numérique et l’intelligence artificielle, l’arrivée de la génération Y sur le marché du travail… Elles doivent être capables de s’adapter en permanence aux mutations du marché et de la société», explique Yassine Benaddou Idrissi, expert en Management de projets et conduite de changement.

«L’agilité organisationnelle est toujours dans l’air du temps, car elle permet à toute entreprise de pouvoir se transformer et d’être toujours compétitive», renchérit Ismaïl Belabbes, consultant sénior en Ressources humaines. L’absence d’agilité est d’autant plus pénalisante pour l’entreprise que celle-ci ne dispose plus d’autant de marge de manœuvre qu’auparavant pour pouvoir redresser la barre. «La notion de temps n’est pas la même que celle du début de siècle. L’entreprise qui ne possède pas une agilité organisationnelle peut être éjectée du marché et devenir obsolète en quelques mois si elle ne parvient pas à répondre aux exigences de ses clients alors qu’auparavant cela était moins évident», affirme Belabbes.
Ainsi, flexibilité, adaptabilité et réactivité sont les mots d’ordre avec ce mode de management qui diffère des modes de management dits traditionnels plutôt axés sur la maîtrise des coûts et le renforcement de la qualité. Et pas seulement. Il existe un autre élément déterminant qui pèse lourd dans la balance et fait toute la différence : l’anticipation.
«L’agilité organisationnelle permet non seulement d’accélérer son temps de réaction et d’être flexible, mais également et surtout d’anticiper et d’innover en permanence», souligne l’expert. La démarche d’agilité, poursuit-il, se traduit par une adaptation permanente aux nouveaux besoins qui émergent, mais aussi par une attitude proactive, consistant à anticiper les nouvelles tendances. «L’entreprise agile est ainsi apte à faire face à deux types de changements : réactif et proactif, c’est-à-dire répondre aux changements et considérer ces mêmes changements comme opportunités, de manière à en tirer profit», insiste-t-il.
Comment alors une entreprise peut-elle développer une démarche agilité ? Il n’y a pas de solution miracle, répond Yassine Benaddou Idrissi, mais il existe «des facteurs de réussite simples, mais qui nécessitent une forte mobilisation de toutes les parties prenantes de l’entreprise autour d’un projet de transformation agile dont la réalisation gagnerait à être exécutée dans une démarche participative suscitant l’intelligence collective».

Pour ce jeune diplômé de l’École Mohammadia d’ingénieurs qui a contribué dans la réalisation de plusieurs programmes de refonte organisationnelle, RH et Système d'information (SI) auprès de prestigieuses institutions et entreprises marocaines et étrangères, il y a essentiellement quatre piliers qui soutiennent l’implémentation d’une démarche d’agilité dans une organisation, avec un bon nombre de points de vigilance à prendre en considération (voir entretien page 26).
Dans cette dynamique, la direction des ressources humaines joue un rôle prépondérant en tant que co-pilote incontournable de la transformation agile, ayant notamment la responsabilité de «mettre en place les conditions de travail propres aux organisations agiles défavorisant les cloisonnements hiérarchiques et pyramidaux, d’inculquer la “culture agile” aux collaborateurs, ou encore définir et appuyer les nouveaux rôles de l’agilité en déterminant leurs missions et rattachements hiérarchiques de manière optimale en vue de favoriser l’autonomie des équipes réduites», assure Yassine Benaddou Idrissi.
De son côté, le consultant Ismaïl Belabbes pense qu’une démarche d’agilité organisationnelle doit être menée différemment en fonction des entreprises, de leur histoire et leur culture respectives. «Certaines entreprises dites “traditionnelles” ont fait l’erreur de mettre en place des organisations agiles sur le même schéma que les start-up et l’effet contraire a été obtenu : des organisations bouleversées, inhibées dans l’action et pas du tout créatives», 
relève-t-il. Il a, en outre, insisté sur la nécessité pour les entreprises de développer des services dédiés à la Recherche et Développement au sein des groupes, car l’innovation et la créativité sont au cœur d’une organisation agile.

Agilité et digital... indissociables ?
De nos jours, «agilité» et «digital» vont de pair, affirme Yassine Benaddou Idrissi, car l’agilité organisationnelle est un prérequis essentiel qui répond le mieux aux enjeux de la transformation digitale. «L’entreprise digitale est une entreprise agile, car elle doit repenser son modèle opérationnel en vue d’innover, d’expérimenter et de satisfaire les besoins clients dans des délais souvent courts», explique-t-il.
Ismaïl Belabbes, lui, pense que c’est plutôt la digitalisation qui contribue à rendre une organisation agile. Il rappelle que «la digitalisation désigne un phénomène lié aux nouveaux usages des consommateurs et aux nouveaux objets qui impactent directement les modèles d’entreprises et d’organisations actuels».
Dans ce sens, «l'usage intensif des technologies de l’information constitue le pivot du système agile, en organisant le changement et en développant les réseaux informatiques qui interconnectent les savoirs et stockent les améliorations et les nouvelles règles de fonctionnement», ajoute-t-il. 
Il a toutefois tenu à souligner la nécessité de ne pas négliger l’élément humain dans ce système. «Alors que les évolutions technologiques s’accélèrent, il semble fondamental de poser un regard responsable sur ces nouvelles formes de travail de façon à ne pas sacrifier l’humain. Ainsi, l’accompagnement RH sera essentiel dans les transformations des entreprises ainsi qu’une réflexion de fond sur les actions de transformation et les modes d'action qui ressemblent aux entreprises», a-t-il plaidé. Dont acte. 


Entretien avec Yassine Benaddou Idrissi, expert en management de projets et conduite de changement

«L’innovation agile est une nécessité absolue pour rester compétitif, pour survivre tout simplement»

Management & Carrière : L’agilité est un concept qui a tellement le vent en poupe qu’il en est devenu galvaudé. Si on devait le remettre dans son cadre d’origine, qu’est-ce que l’agilité et qu’implique-t-elle pour les organisations ?
Yassine Benaddou Idrissi
: L’agilité vient du latin «agere» qui signifie «pousser devant soi», «être actif», elle fait sa première apparition officielle en tant que référence des pratiques agiles en 2001 aux États-Unis dans le cadre du manifeste «Agile». Quoique les fondements de ce concept soient le fruit de travaux successifs menés tout au long du 19e siècle, à savoir la Roue de Deming, l’Extreme programming, l’EVO, le Lean management…
Ensuite, les méthodes agiles ont été utilisées dans la gestion de projet de développement de logiciels et ont conduit à des résultats convaincants. La plus connue est celle de la métaphore «Scrum», terme emprunté au Rugby signifiant «mêlée». Trouvant un succès dans le monde de l’informatique, l’agilité prend le large dans d’autres contextes à l’instar de l’industrie, le management des individus, la construction, les tactiques militaires…
S’inscrivant dans cette optique, l’agilité organisationnelle repose sur la capacité d’une organisation à procéder à des modifications efficaces, durables et opportunes, pour obtenir un gain de performance.

Pourquoi est-ce devenu une nécessité ?
Les organisations font face à de nombreux défis du 21e siècle : la mutation comportementale des clients utilisant de plus en plus les plateformes digitales, la révolution numérique et l’intelligence artificielle, l’arrivée de la génération Y sur le marché du travail… Elles doivent être capables de s’adapter en permanence aux mutations du marché et de la société. Une étude internationale baptisée «The Agile Performer Index» (API), menée auprès de dirigeants et cadres supérieurs d’entreprises, a fait ressortir un résultat surprenant : les entreprises agiles sont 3 fois plus performantes.
À titre d’information, «The API» évalue les entreprises selon 4 dynamiques d’agilité et classe les organisations en 4 catégories en fonction de leur niveau d’agilité, l’étude est disponible gratuitement sur internet pour les curieux.

Comment développer l'agilité au sein d’une entreprise ? Quels sont les moyens à mobiliser dans ce sens ?
Il n’y a pas de solution miracle. Les facteurs de réussite sont simples, mais nécessitent une forte mobilisation de toutes les parties prenantes de l’entreprise autour d’un projet de transformation agile dont la réalisation gagnerait à être exécutée dans une démarche participative suscitant l’intelligence collective de tous.  La démarche doit être articulée autour de quatre axes :
• Définir et exécuter un plan de transformation innovant à tous les niveaux.
• Mobiliser les équipes autour des valeurs innovantes et agiles en favorisant l’intelligence collective et la créativité.
• Simplifier les processus «Front to End» avec un décloisonnement des silos organisationnels.
• Se centrer sur la satisfaction client «Customer Centric» pour une expérience client fluide et efficace.

Quelle place pour le digital dans cette dynamique ?
L’agilité implique plus de vitesse d’exécution, une acceptation de l’erreur et l’expérience par apprentissage : contrairement aux méthodes classiques qui se basent sur la planification et la non-tolérance à l’erreur, l’agilité réunit les équipes métiers et SI dans le cadre de formations réduites pour aboutir à des cycles de livraisons échelonnés et beaucoup plus rapides.
De nos jours, «Agilité» et «Digital» vont de pair. En effet, l’entreprise digitale est une entreprise agile (orientée client, encourage l’expérimentation et l’innovation, accepte l’échec, etc.). Et une entreprise digitale nécessite de repenser son modèle opérationnel en vue d’innover, d’expérimenter et de satisfaire les besoins clients dans délais souvent courts. Ce qui est sûr c'est que l’agilité organisationnelle est un prérequis essentiel qui répond le mieux aux enjeux de la transformation digitale.

Quel rôle pour la DRH ?
La DRH, co-pilote incontournable de la transformation agile, a pour mission de :
• Mettre en œuvre des conditions de travail propres aux organisations agiles défavorisant les cloisonnements hiérarchiques et pyramidaux.
• S’outiller convenablement avec des solutions innovantes en matière de services aux collaborateurs 
• Bien s’imprégner du web et des réseaux sociaux en vue de booster la marque employeur pour la rendre plus visible et plus attrayante «e-réputation».
• Inculquer la «culture agile» aux richesses humaines permettant une corrélation optimale en temps voulu entre polycompétences et employabilité.
• Co-construire avec les collaborateurs les bonnes valeurs en contexte agile, à savoir l'autonomie, l'innovation, le goût du challenge, la curiosité, le travail en équipe.
• Mettre en place une Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) agile englobant tous les processus RH : recrutement et mobilité, formation, évaluation des performances…
• Définir et appuyer les nouveaux rôles de l’agilité (exemple : Product Owner, Scrum Master…) en définissant leurs missions et rattachements hiérarchiques de manière optimale en vue de favoriser l’autonomie des équipes réduites (exemple : 
développeurs) pour un meilleur rendement agile.
• Accompagner la DSI en vue de décentraliser les pouvoirs de décision et les rendre plus souples et à la portée des équipes.

L’agilité est-elle plus le fort des grandes entreprises que des PME-PMI ?
Selon «The Agile Performer Index», les PME semblent plus agiles que les grands groupes. Quelque 43% des PME ont mis en place les 4 dynamiques d’agilité contre 28% des grandes sociétés. De mon point de vue, je confirme cette donnée statistique. La seule raison pour moi est l’instinct de survie : à l’instar des humains, la PME-PMI utilise toujours les réflexes de flexibilité et d’adaptabilité en vue de constituer une place pérenne dans un marché en pleine mouvance.
En effet, l’agilité est très utile pour ces tailles d’entreprise : à travers l’adoption des outils agiles tels que le Scrum, le Lean management ou encore le Kanban, une PME-PMI se remettra en cause en continu, réaménagera ses processus en fonction de la mise à jour des caractéristiques du produit, optimisera ses stocks en fonction des besoins et facilitera les points de contact avec le client. 
Par contre, dans les entreprises de grandes tailles, plus le processus de décision sujet de l’agilité est large, plus les gains en termes de «Time to Market» sont réduits.

Quels sont les écueils à éviter pour réussir une transformation agile ?
D’après mon expérience en la matière, les points de vigilance à prendre en considération sont nombreux et dépendent du contexte, des valeurs de l’entreprise et de la culture managériale en vigueur. Voici ce qu’il ne faut surtout pas faire :
1. Ne pas inscrire l’agilité dans une vision stratégique globale : Assez souvent, on constate que la transformation agile est portée par une entité N-1 ou N-2 du top management, ce qui rend la mobilisation des équipes autour d’un projet commun vaine.
2. Ne pas prendre en considération le contexte managérial hiérarchique caractérisé par des circuits de décision Top/Down et zéro tolérance à l’erreur, ce qui se contredit radicalement avec les trois fondements majeurs de l’agilité : essayer, inspecter et adapter. 
3. Dans cette même optique, absence du management par les processus qui constitue un b.a.-ba de la maturité agile. 
4. Prendre l’agilité comme un concept éphémère et un effet de mode : beaucoup d’organisations disposent de décideurs obsédés par les tendances dans le domaine du management, mobilisant des fonds colossaux pour créer des usines à gaz sans une vraie valeur ajoutée. L’exemple le plus concret au Maroc est «la Digital Factory» (à suivre dans un prochain article).
5. Ne pas prendre en considération les zones de résistances : une cartographie préalable des zones de résistance doit être établie et pondérée en vue de les maîtriser de manière efficace. Aussi, une coalition avec les représentants du personnel s’avère judicieuse.
6. Manque de communication interne et de formation à ce sujet : Comme cité auparavant, la DRH a un rôle majeur dans la transformation agile à travers une bonne communication interne à tous les niveaux, mais aussi la sensibilisation et la formation de tous les acteurs concernés
7. Ne pas prendre en considération le besoin exact du client : en proposant des produits déphasés (en dessus ou en dessous) de la qualité recherchée .  

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