Conseil
Le salarié se demande si son employeur a le droit ou non d'exiger le remboursement de la somme manquante et le représentant de l'employeur dit que c'est un moindre mal pour ne pas aller plus loin et devoir licencier le gestionnaire de la caisse pour faute grave.Qui a tort, qui a raison ?
Tout d'abord, je tiens à faire remarquer que les deux acteurs usent d'un terme que je trouve sympathique, il s'agit d'audit de conformité et non de contrôle, ce qui donne à la relation entre ces acteurs une connotation professionnelle et non celle d'un chef et de son subordonné, un simple exécutant.
Pour bien comprendre les responsabilités des uns et des autres, nous pourrons facilement appliquer un certain nombre d'articles du DOC à ce cas de figure, comme les articles 737-738 et plus particulièrement le 903, article spécifique aux effets du mandat entre les parties et les obligations du mandataire. Quand le gestionnaire de caisse a accepté cette fonction, il a de facto accepté, en tant que mandataire, d'apporter la diligence d'un homme attentif et scrupuleux, de répondre du dommage causé au mandant (l'employeur) par le défaut de cette diligence, etc. Le constat est qu'il y a négligence de la part du gestionnaire de caisse (mandataire). Celui-ci ne doit en aucun cas outrepasser ses responsabilités, il ne doit pas user de délégation de pouvoir qu'il n'a pas, comme par exemple prêter une certaine somme à un collègue depuis la caisse sans autorisation préalable, convertir un chèque d'un collègue qui n'a pas le temps d'aller à la banque, etc. Généralement le gestionnaire de caisse dépend du chef comptable, lequel peut ne pas avoir de délégation de pouvoir pour autoriser le payement d'un chèque d'un collègue ou payer une avance sur salaire depuis la caisse interne, délégation qui appartient au niveau supérieur.
Si le cas se présente, le gestionnaire de caisse doit demander l'accord de la personne habilitée à donner l'autorisation avant de documenter cette sortie de fonds au moyen d'une pièce de caisse signée par lui-même, le bénéficiaire, le supérieur immédiat du gestionnaire et la personne habilitée à user du pouvoir de délégation, généralement le directeur financier, qui peut déléguer au chef comptable cette responsabilité si les procédures de l'entreprise le permettent. Tout autre démarche serait contraire aux procédures et donc assimilable à une faute.
Le directeur financier a-t-il le droit d'exiger le remboursement par le gestionnaire de caisse de la somme manquante ? Je serai tenté de dire que le directeur financier a usé d'une qualité managériale correcte, il a commencé par qualifier son équipe de compétente, ce qui est tout à l'honneur de cette équipe. Il a expliqué pourquoi il exigeait le remboursement, c'est-à-dire pour éviter de sanctionner le gestionnaire de caisse.
Généralement toute insuffisance dans le solde d'une caisse serait assimilable à un abus de pouvoir du gestionnaire, abus de confiance ou vol et donc acte pouvant amener le mandant à décréter ce comportement comme une faute grave avec toutes les conséquences que cela peut avoir. Alimenter l'écart à partir de ses deniers propres est la solution la moins onéreuse pour le gestionnaire de caisse, son directeur financier ayant tous les droits d'exiger le remboursement de cet écart, comme il a tous les droits de penser que le gestionnaire a utilisé pour ses besoins propres cette somme ou qu'il la prêtée à un collègue ou tout autre utilisation, ce qui représente une faute.
Dire que l'un de ses collègues se serait servi pendant qu'il était absent de son bureau est une excuse qui ne le dispense pas de sa responsabilité de gestionnaire de caisse. Les indemnités de caisse sont versées pour servir dans des cas similaires et c'est un cadeau que le directeur financier a fait à son gestionnaire de caisse en n'exigeant que le remboursement.
Source : Bouchaib Serhani, Consultant, Directeur de Gesper Services
VERSION DU SALARIE
Je suis comptable au sein d'une société spécialisée dans l'industrie avec un effectif de près de 200 personnes dont 80% d'ouvriers. En plus de ma fonction de comptable, j'assure la gestion de caisse et tout ce qui va avec, comme l'interface entre la société et les banques où nous disposons de compte, régler les fournisseurs, régler les petits achats et surtout préparer les enveloppes de la paie du personnel ouvrier ne disposant pas de compte bancaire, préparer les chèques et les virements pour le reste du personnel. Comme vous le voyez mes tâches sont importantes en volume et plus particulièrement les fins de quinzaines et de mois lors du règlement de la paie du personnel. Récemment mon patron au niveau 2, le directeur financier, a procédé à un audit de conformité de ce que nous appelons la petite caisse, c'est-à-dire la gestion des espèces que nous utilisons pour les petits achats assez fréquents, avances sur salaires et autres. À l'occasion de cet audit, un écart de cinq cents dirhams a été constaté entre les montants disponibles dans cette caisse et les états de suivi, écart que je ne m'explique pas. J'ai passé en revue plusieurs fois les états de suivi de cette caisse sans rien déceler d'anormal. Je me suis posé la question sur la possibilité d'un vol de la part d'un collègue à un moment où je ne me trouvais pas à ma place. J'ai fait part de cette éventualité à ma hiérarchie qui n'a rien voulu savoir et a exigé que je rembourse le montant manquant. Mon patron a-t-il ou non le droit d'exiger que je rembourse les cinq cents dirhams manquants ?
VERSION DE L'ENTREPRISE
Notre société est une entreprise tout ce qu'il y a de standard, comme la plupart des entreprises du même secteur. Nous avons une gestion comptable standard et une équipe compétente en la matière. Parmi cette équipe, nous avons un gestionnaire de caisse. Nous désignons par ce terme une personne chargée, compte tenu du nombre d'écritures, de la gestion et du suivi des dépenses de la société, règlement des fournisseurs, suivi de la trésorerie et donc contacts avec les banques, gestion des règlements de la paie du personnel et d'autres activités de sa compétence. Compte tenu de la sensibilité de cette activité, nous avons instauré dans notre politique de rémunération l'octroi d'une indemnité de caisse dont bénéficie cette personne. Lors d'un récent audit de conformité de gestion de cette caisse, il a été décelé un écart de cinq cents dirhams entre les montants disponibles et les états de suivi de celle-ci. Le chargé de cette gestion n'ayant pas trouvé de motif valable justifiant cet écart, j'ai exigé que la somme manquante soit versée par le titulaire de la fonction de gestion pour ne pas devoir aller plus loin et l'accuser de vol ou d'abus de confiance
et devoir le licencier pour faute grave.