Menu
Search
Jeudi 19 Décembre 2024
S'abonner
close
Jeudi 19 Décembre 2024
Menu
Search

Communiquer pour mieux gérer les conflits

Les conflits dans une équipe de travail se produisent fréquemment, avec des conséquences plus ou moins importantes. Devant ces situations, bien souvent génératrices de stress, le responsable se sent parfois mal outillé pour intervenir adéquatement. Ce responsable se doit, alors, de développer des compétences personnelles afin de savoir reconnaître les différentes sortes et sources de conflits potentiels. Qu’est-ce que donc un conflit et ses différentes sources ? Comment peut-on gérer un conflit ? Et quels types de formation peuvent aider à neutraliser un conflit ? Éclairage avec les invités du Matin Emploi autour de la question de gestion des conflits.

Communiquer pour mieux gérer les conflits
Rajaa MAMOU,

Le Matin Emploi : Pourriez-vous nous définir ce qu’est conflit ?
Rajaa Mamou : Le dictionnaire de la sociologie définit le conflit comme la manifestation d’antagonismes ouverts entre deux acteurs (individuels ou collectifs) aux intérêts momentanément incompatibles quant à la possession ou la gestion de biens rares, qu’ils soient matériels ou symboliques. Étant donné que toute organisation vit, se transforme, s’adapte aux nouvelles exigences et de ce fait génère des tensions, les conflits deviennent donc naturels dans le cadre du travail et il est possible de les traiter de façon constructive. A l’inverse, l’absence totale de conflit devrait nous inquiéter ; elle peut être le signe d’une organisation qui se donne des objectifs de confort, qui ne relève aucun défi et évite les changements. Par conséquent, on peut dire qu’une certaine dose de conflits peut être nécessaire.  Globalement, on peut dire que le conflit n’est pas un accident dans l’activité du manager ; il est inséparable de sa fonction. En effet, un manager doit, à son niveau, savoir gérer les situations difficiles,  en particulier celles qui sont génératrices de conflits. Aussi, il paraît indispensable de préciser que dans un conflit les personnes sont interdépendantes, se blâment, sont émotionnellement impliquées et sont affectées par les relations dans le travail, ce qui finit par affecter aussi la productivité du salarié.

Quelles sont, d’après vous, les différentes sources de conflit dans la vie professionnelle ?
Tout d’abord lorsqu’on parle de conflit, on ressort trois éléments essentiels, à savoir : les entités antagonistes (personnes, groupes…), l’objet du conflit et la proximité fonctionnelle dans un système donné (une équipe de travail, un service, une organisation…). De ce fait, les sources du conflit peuvent être multiples et diverses :
Le Différend : Quand les personnes ont des positions divergentes par rapport à une situation donnée, toutefois, la volonté d’aboutir ensemble est existante.
L’Affrontement : Il s’agit d’un antagonisme, une opposition entre les personnes qui évoluent généralement vers un rapport de force.
Le Malentendu : Contrairement à ce que l’on peut croire, le désir de communiquer est naturel, mais la capacité de communiquer ne l’est pas du tout. Cette contradiction entre le désir et la capacité est une source de nombreuses frustrations.
Les non-dits : Ils représentent une source potentielle de mauvaise interprétation. Il existe du flou sur les attentes réciproques, sur ce qu’il convient de faire, sur qui fait quoi.

Quelles sont les diverses options de gestion des conflits ? Qu’en est-il exactement de la médiation ?
Lorsque deux personnes se rencontrent, il faut se rendre compte que ce qui essaie d’entrer en contact ce sont deux cerveaux de 12 à 14 milliards de neurones que la culture, l’éducation, l’expérience, le caractère ont câblé de façon unique. Il existe donc différents styles de résolution des conflits : (voir figure 1)

Quant à la médiation, il s’agit d’un processus coopératif de gestion de conflits structuré, volontaire et confidentiel, dans lequel une tierce personne, le médiateur, utilise des techniques de communication et de négociation pour aider les participants à communiquer et à trouver leur propre solution au conflit qui les oppose.

Quelles sont les conditions requises avant et pendant la médiation ?
En effet, pour mener à bien la médiation, il est important de réunir un certain nombre de conditions :
La volonté des deux parties : Il est important que les deux parties en conflit aient d’abord la volonté d’avoir recours à un médiateur, pour que l’approche médiation puisse avoir lieu. Dans le cas, où l’une des parties ne présente pas d’intérêt ou n’adhère pas au processus, la médiation devient nulle.
Neutralité : En effet, le médiateur se doit d’être objectif et neutre. Il n’appartient à aucune des parties, il adopte quasi la même posture que le coach. Cette neutralité c’est ce qui caractérise le positionnement du médiateur par rapport à la solution adoptée par les parties.
Confidentialité : Le médiateur ne peut aucunement communiquer les informations exposées au cours de la médiation. En effet, rien de ce qui a été dit ou écrit au cours du processus de médiation n’est recevable en preuve dans une procédure judiciaire.

En tant que médiatrice, pourriez-vous nous renseigner sur les différentes phases d’un processus de gestion de conflit ?
Tout d'abord, il est nécessaire de rappeler que la médiation est un concept rigoureux, qui nécessite une certaine discipline. En effet, cette pratique repose sur un processus clair, qui ne se réduit pas à une procédure informelle de gestion des réclamations. Il est fortement recommandé d’intégrer une clause relative à la médiation dans le contrat de travail, ce qui rend la médiation institutionnalisée et fixe ses principes de base.
Le médiateur commence par écouter les doléances des deux parties séparément, en leur allouant le même temps d’écoute. Par la suite, il s’agit de réunir, les parties concernées et leur donner la parole alternativement (tout en respectant le temps de parole). Le médiateur est tenu de ne jamais les laisser discuter entre eux pour éviter la confrontation. Son rôle est de les pousser à réfléchir à d’autres solutions ainsi que de reformuler les faits pour éviter les malentendus et expliciter les positions de chacune des parties.
Il faut rappeler que les avocats des deux parties ont le droit d’assister à la médiation, mais ne peuvent pas intervenir. On peut résumer le processus de médiation de la manière suivante : (voir figure 2)

Quelle est, d’après vous, la place de la communication dans la gestion des conflits ?
L’essence même de la médiation est de rétablir la communication entre les parties en conflit qui a été coupée à un certain moment pour une raison ou une autre. La communication est donc importante, car elle permet de gérer le conflit selon le schéma gagnant-gagnant.
En effet, pour gérer ou neutraliser un conflit, il est recommandé de faire preuve d’empathie et communiquer clairement ses positions, pour éviter les malentendus et mauvaises interprétations. L’apport de la médiation c’est qu’elle permet de recréer et de réinstaurer la communication et surtout à retisser du lien social entre les parties en conflit.


Le Matin Emploi : D’un point de vue psychologique, à partir de quel moment le conflit est-il qualifié en tant que tel ?
Abderrahim Hajji : On peut parler de conflit quand un désaccord ou un différend entre des parties concernées s’exprime avec agressivité et tension. Il y a des conflits qui sont manifestes, facilement visibles et audibles, d’autres peuvent être plus ou moins latents. Les conflits peuvent s’exprimer par des non dits, des sous entendus, une ambiance électrique ou dépressive, une communication informelle imprégnée de rumeurs, des phénomènes de clans…
Les sources des conflits dans les organisations peuvent être d’origine managériale avec des problèmes de leadership, ou d’origine organisationnelle- structurelle ou sociale (problème d’équité), et aussi de nature interpersonnelle.

Quels sont, d’après vous, les risques du conflit tant pour le collaborateur que pour l'entreprise ?
Ils sont nombreux. Pour les collaborateurs, les conflits sont sources de perte d’énergie, de démobilisation, de démotivation, de stress, de mal-être et de turn-over. Pour l’entreprise, cela signifie qu’il y a des problèmes dans son alignement stratégique, que sa vision stratégique est mal portée par les parties en conflit, qu’il y a un déficit au niveau de la mobilisation de ses ressources humaines avec des risques de turn-over et tout ce que cela implique comme efforts et démarches à faire pour remédier aux problèmes. Si les conflits sont mal gérés ou traînent dans le temps : ils deviennent de plus en plus difficiles et peuvent métastaser avec des hémorragies au niveau des ressources humaines et de l’intelligence collective de l’entreprise.  

Quels sont les types de formation dédiés aux managers qui préparent aux conflits ?
Il y a des formations spécifiques sur la gestion des conflits qui peuvent outiller les managers pour anticiper de façon préventive les conflits et apprendre à les gérer.
On peut aussi avancer que certaines des formations portant sur des thématiques de management, de leadership, de coaching, des techniques de communication peuvent contribuer à outiller les acteurs pour éviter les conflits.  

En tant que psychologue Coach, quels sont vos principaux conseils pour gérer un conflit ?
Ne pas tarder à réagir, diagnostiquer avec le maximum d’objectivité la situation, identifier les différentes sources possibles, ne pas mélanger les étapes (diagnostic et traitement), choisir le moment opportun et anticiper sur le temps nécessaire, ne jamais traiter un conflit en présence de parties non concernées, faire le point régulièrement sur l’état d’esprit et de disposition des protagonistes, les accompagner à trouver des solutions de type gagnant/gagnant. Tirer les leçons du conflit pour capitaliser sur l’expérience et anticiper des démarches préventives pour l’organisation.

Pourriez-vous nous donner un exemple de conflit que vous avez récemment géré ?
Une équipe de direction où il y avait un problème de leadership et de luttes de clans avec un boss expatrié nouvellement arrivé. Ce dernier venait d’hériter de cette dynamique de groupe conflictuelle apparemment mal gérée par son prédécesseur.

 HAJJ ABDERRAHIM, Psychologue Consultant CoachAtlas Coaching

Lisez nos e-Papers