Selon une étude réalisée récemment par le Conseil de la concurrence sur «La concurrence dans les professions libérales réglementées», ce sont les experts-comptables, les notaires et les avocats qui sont les plus fermés à la concurrence. C’est dire combien il est compliqué d’accéder à la profession et ce ne sont pas les clercs de notaires qui diront le contraire.
La durée des stages étant variable, il n’y a pas de limites d’âge pour être «stagiaire». Il n’est pas rare alors que des malchanceux aux concours professionnels se trouvent contraints d’enchaîner stage après stage alors qu’ils possèdent déjà les qualifications correspondant aux tâches qui leur sont confiées et sont prêts à entrer dans la vie professionnelle. «La moyenne d’année d’expérience chez les notaires stagiaires est de 11 ans. Certains collègues ont même cumulé 15, voire 16 ans d’expérience et pourtant ni leur salaire, ni leur situation n’ont changé», affirme Abdelouahed Ammarin, président l’Association des notaires stagiaires. La durabilité de la précarité, la durée indéterminée du stage notarial, l’instabilité, les incertitudes, l’absence de couverture sociale... sont les maîtres mots du stage notarial.
Du coup, les clercs de notaires attendaient avec impatience l’entrée en vigueur de la loi 32-09 relative à l’organisation de la profession de notaire, en espérant que ce texte de loi leur rende justice et améliore leur situation. Toutefois, ils ont rapidement été déçus après la publication de ladite loi au B.O. Cette dernière ne prévoyait, en effet, rien pour les clercs de notaire qui ont passé six à dix années de stage effectif et continuent dans l’étude de notaire et il a fallu mener une bataille acharnée pour faire prévaloir leurs droits et dénoncer l’injustice dont ils s’estimaient «victimes».
Seulement, voilà, depuis son entrée en vigueur en novembre 2012, la situation des clercs de notaires n’a pas changé, si ce n’est empiré. En effet, l’entrée en vigueur de la loi 32-09 n’est pas suffisante, il faut maintenant attendre la publication des différents décrets qui permettront son application. Celui qui concerne de près les notaires stagiaires est celui relatif à l’organisation des concours d’accès à la profession (premiers clercs et examen professionnel). Le décret d’application étant enfin prêt, puisqu’il a été débattu en conseil du gouvernement fin février dernier, il n’est cependant pas prêt d’être publié au B.O, puisqu’il n’a pas encore été discuté au Parlement.
C’est cette attente interminable dont souffrent les clercs-notaires. «Nous aurions dû passer au concours en décembre 2012, mais la loi est entrée en vigueur quelques semaines avant, donc nous nous sommes mis à attendre l’approbation du décret d’application pour avoir une date certaine pour les concours. Sauf que cela commence à devenir long et de plus en plus difficile à supporter. Nous vivons dans un stress indescriptible», souligne Fouad, notaire-stagiaire depuis plus de dix ans.
Même crainte chez Ilham, clerc de notaire depuis près de 14 ans. «Nous sommes considérés par les notaires plus comme des coursiers diplômés, que des juristes. On perçoit une indemnité de transport qui varie entre 1 000 et 3 000 DH, quel que soit le nombre d’années d’expérience, sans oublier que nous ne sommes pas couverts, ni assurance, ni mutuelle, ni CNSS. Et notre seule chance d’en finir avec cette situation c’est de réussir le concours professionnel qui, chaque année, est de plus en plus compliqué et je ne veux même pas parler des dessous de la table. Alors, continuer à attendre la publication du décret d’application est un vrai calvaire pour nous. Si cela continue comme cela, ce sera une année de perdue. C’est injuste !», fustige-t-elle. Du côté de l’Association des notaires stagiaires, la crainte d’un retard plus important revêt d’autres visages. «Ce que nous craignons le plus c’est que les élections en cours pour la création de l’Ordre des notaires bloquent les concours. En fait, la nouvelle loi prévoit que le concours peut être mis en place soit par la Chambre, soit par l’Ordre des notaires, donc en théorie, rien n’empêche l’organisation de l’examen, mais apparemment il existe un clan pro-Chambre et un autre contre. Et au final, c’est nous qui payons les pots cassés», explique Ammarin.