Remportant avec 13,2 millions des voix, (soit environ 51,7%) cette élection présidentielle, la première à se tenir sous l'ère de la révolution, Morsi se proclame comme le défenseur des objectifs de la révolution.
Ingénieur de formation et professeur d'université et président du Parti liberté et justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans, Morsi doit sa popularité à son parcours loin de la sphère des hommes d'affaires, un métier honni de par sa fusion avec le pouvoir sous l'ère du président déchu Hosni Moubarak, dont les symboles de son régime sont jugés pour corruption, enrichissement illégal ou dilapidation de deniers publics.
Né en 1951, Morsi a été un cadre de poids lourd au sein de la confrérie, même s'il était une figure inconnue pour le public. Il s'occupait de la formation politique et du choix des candidats aux législatives dans une partie de la région du Delta et du Canal de Suez pour les législatives de 2000, ce qui lui a valu le poste de porte-parole du bloc au Parlement, puis membre du bureau politique, la plus haute autorité du mouvement. Il a vécu 9 ans aux Etats-Unis où il a fait ses études et travaillé aussi. Son nom devient plus familier aux médias lors des législatives de 2010, car il était chargé de la campagne électorale de la confrérie.
Lors de la révolution, il a été le négociateur de la confrérie avec Omar Soleimane, chef des services de renseignement. Une fois à la tête du nouveau parti des Frères, il tente d'envoyer des signaux rassurants aux adversaires de la Confrérie, et promet de collaborer avec les autres forces pour la rédaction de la Constitution. Pris par le triomphalisme qui a gagné la confrérie après la révolution, il a défendu farouchement la composition de l'Assemblée constituante, dominée par les islamistes et contestée par beaucoup de personnalités. Il a donné officiellement le coup d'envoi de sa campagne aux cô tés de Chater sous le slogan «L'islam est la solution» en se considérant l'unique candidat «islamiste» pour courtiser l'électorat islamiste, surtout les salafistes.
Peu charismatique et critiqué toujours pour avoir été le remplaçant de l'homme fort de la confrérie Khaïrat Al-Chater, Mohamad Morsi a parié dans sa campagne sur les libéraux et les opposants à l'ancien régime. «Nous devons poursuivre les objectifs de la révolution», a-t-il lancé en tentant de mobiliser un front anti-Chafiq intégrant les candidats défaits au premier tour.
Réélu au Parlement en 2005, il est emprisonné peu après pendant sept mois pour avoir participé à une manifestation de soutien à des magistrats réformistes, ayant dévoilé les fraudes en faveur du PND aux législatives. Pour Morsi qui avait recueilli environ 25% des voix lors du premier tour de la présidentielle, l'application de la charia est fondamentale même si «chacun est libre dans sa croyance».
Lors de sa campagne, Morsi a promis d'«être le président de tous les Egyptiens» et pas celui de la confrérie, et le guide suprême, pour lui, sera un «citoyen comme un autre». Il a insisté aussi sur le concept-clé de son programme électoral qui est celui d'«Al-Nahda» (la renaissance), qui puise dans le Coran pour trouver les solutions aux problèmes contemporains. Il assure également accepter de désigner un vice-président et des ministres qui ne seront pas forcément issus de la confrérie et représenteraient le mouvement révolutionnaire.
Peu après la fermeture des bureaux de vote, il a promis d’«être le président de tous les Egyptiens et de ne régler ses comptes avec personne». «Ceux qui m'ont dit «oui» et ceux qui m'ont dit «non» sont tous des enfants d'Egypte, et donc mes proches. Nous devons avancer, les habitants de notre pays auront tous les mêmes droits», a-t-il assuré.
Tout en soulignant qu'il n'envisageait pas une quelconque vengeance ou règlement de compte, il a notamment promis de réformer les organes du pouvoir affectés par la corruption, de nommer plusieurs adjoints et conseillers représentant différents courants de la société et de mettre en adéquation les droits des musulmans et des chrétiens coptes.
Morsi a remercié ceux qui ont voté pour lui et s'est engagé à travailler «main dans la main avec les Egyptiens pour un avenir meilleur, pour la liberté, la démocratie et la paix». Malgré cette victoire, les islamistes craignent que le futur président, quel qu'il soit, dispose d'une marge de manoeuvre très réduite face à l'armée qui a publié une Déclaration constitutionnelle complémentaire peu après la fermeture des bureaux de vote.
En vertu de cette Déclaration, les législatives «ne pourront pas avoir lieu avant la rédaction d'une nouvelle constitution par une commission ad hoc et son adoption par voie de référendum». Le texte amendant une première déclaration constitutionnelle promulguée par les militaires en mars 2011, précise que l'armée s'est formellement attribuée le pouvoir législatif jusqu'à l'élection d'un nouveau Parlement.
La rédaction de la nouvelle Constitution sera confiée à une «commission constitutionnelle représentant tous les franges de la société» et qui disposera de trois mois pour terminer ses travaux, ajoute le texte. La Déclaration accorde, en outre, un droit de veto à l'armée sur tout article qu'elle estime «contraire aux intérêts suprêmes du pays» et de former une nouvelle commission constitutionnelle si l'instance actuelle, dominée par les islamistes, «est empêchée d'accomplir sa mission».
La Déclaration constitutionnelle complémentaire stipule aussi que le conseil militaire «dans sa composition actuelle, a pouvoir de décision pour tout ce qui relève des forces armées, la nomination de ses commandants et la prolongation de leur service». Le chef du CSFA «aura, jusqu'à l'adoption d'une nouvelle Constitution, tous les pouvoirs prévus par la loi dont jouit le commandant général des forces armées et ministre de la Défense», poursuit la Déclaration.
Le Conseil militaire avait ordonnée, samedi, la dissolution du Parlement conformément à une décision de Cour constitutionnelle qui avait invalidé un tiers des 498 sièges «élus illégalement», en estimant que «la composition de toute la chambre est illégale, en conséquence, elle ne peut pas légalement être maintenue».
Réagissant à cette décision, les Frères musulmans ont qualifié de «coup d'Etat institutionnel» la dissolution du Parlement. Tout en prévenant que l'Egypte va traverser de «journées très difficiles», ils ont estimé que le parlement ne peut être dissous que par le biais d'un référendum populaire.