Le secteur du transport maritime et le développement du pavillon national au Maroc sont enfin dans la ligne de mire du ministère de l’Équipement et du transport et un comité de pilotage vient de lancer une étude sur la stratégie du secteur. L’objectif est d’établir un diagnostic de la situation actuelle du transport maritime pour les segments du trafic maritime fret et passager, il sera aussi question d’identifier les axes prioritaires à repenser et de définir par la suite une stratégie adaptée, à même d’inaugurer une nouvelle phase dans la vie maritime du Royaume.
Plus qu’une simple restructuration, une réforme globale du secteur est inéluctable, elle conditionne même la survie du secteur. Il faut dire que la flotte nationale, fret et passagers, a perdu une quarantaine de navires en l’espace de deux décennies, une perte pour le moins colossale dans un secteur qui détenait dans les années quatre-vingt quelques 66 bâtiments de transport (vraquiers, pétroliers, chimiquiers, conteneurs, passagers, RORO) ayant une capacité de chargement de 660 000 tonnes. Aujourd’hui, le nombre de navires sous pavillon marocain est passé de 34 en 2007 à seulement 26 navires avec une capacité de chargement de moins de 100 000 tonnes. Même les compagnies nationales qui arrivent à résister font face à de grosses difficultés, comme Comarit Comanav ferry qui est l’un des principaux transporteurs locaux, avec 11 navires sous pavillon marocain, à côté d’IMTC (7 navires).
D’après une étude sectorielle réalisée par l’Observatoire de l’entrepreneuriat (Groupe BMCE) courant l’année 2012, ce déclin de la flotte marocaine, ponctué tant par la disparition d’armements nationaux comme Marphocean, Petramar et Reduan Ferry que par le resserrement important de la flotte au processus de dépavillonnement ou de cession d’actifs jugés non stratégiques pour les professionnels, mais aussi aux erreurs de gestion commises par bon nombre d’intervenants.
«L’état critique (du secteur) couve depuis longtemps, aujourd’hui, il éclate au grand jour dans le sillage des récents confits sociaux et de la crise née des saisies de navires marocains dans les ports européens» explique l’étude et d’ajouter «sur le plan institutionnel, cette situation est surtout le fruit d’une libéralisation mal conduite, d’une législation inadaptée et d’une fiscalité jugée pénalisante».
La libéralisation du secteur fait triste bilan
Le bilan de la politique de libéralisation du secteur, initiée en 2006, n’a pas vraiment donné de résultats satisfaisants, pis encore, c’est une politique qui, selon les professionnels, ne profite qu’aux armateurs étrangers. Le déficit de la balance des paiements dans le secteur maritime s’est, en effet, alourdi de 25% environ entre 2008 et 2010, dépassant les 11 milliards de DH. Pour sa part, le taux de participation de l’armement marocain à la couverture de nos échanges avec le reste du monde est passé de 14% en 2006 à moins de 7% en 2011. «Cette libéralisation s’est également soldée par l’anéantissement graduel des avantages précédemment acquis et la privatisation de la Comanav (vendue en 2007 à CMA-CGM), puis consacrée par l’abrogation en 2010 du dahir de 1962 portant organisation des transports maritimes, n’inclut aucune réciprocité pour le pavillon national dans les pays dont les flottes opèrent désormais librement au Maroc», explique l’étude l’Observatoire de l’entrepreneuriat. C’est ainsi que le chiffre d’affaires réalisées par les opérateurs nationaux a baissé de 5,3% entre 2009 et 2011, s’établissant autour de 5 milliards de dirhams, dans un temps où les dépenses payées aux armateurs étrangers ont progressé de 35,7% sur la même période à plus de 17 milliards de dirhams. Force est de constater que plus de 5 milliards de DH ont été injectés par les opérateurs privés nationaux principalement dans la modernisation et le renouvellement de la flotte marchande entre 2007 et 2010 ce qui a permis d’assurer plus de 5 000 emplois directs et 4 milliards de DH
de chiffre d’affaires.
Un volet législatif en manque de flexibilité et une fiscalité
«pénalisante»
Étant constitué de textes datant de 1919, le droit applicable au domaine maritime constitue également un frein au développement du secteur, en l’absence d’une législation nouvelle, les armateurs marocains restent confrontés à moult difficultés liées au manque de flexibilité au niveau de la nationalité des bateaux, du financement des navires (leasing, affrètement coques nues, etc.) en plus de la gestion des gens de mer. Le volet fiscal, est également un maillon faible de la chaine, car d’une part, les navires étrangers sont exonérés d’impôts, quelques soit la taille de la structure et quel que soit le montant de leurs bénéfices. Parallèlement, les armateurs marocains sont imposés non pas en fonction du tonnage des navires qu’ils exploitent, à l’instar de plusieurs pays, mais plutôt en fonction des bénéfices qu’ils réalisent. Toujours dans le même ordre d’idées, le marché de l’affrètement de navires est assez insignifiant au Maroc, en raison de la retenue à la source de 10% sur les redevances versées par les affréteurs marocains aux armateurs étrangers, relève l’étude.