Car le déficit de ce secteur a un coût pour l’ensemble de la société et pour son avenir. Remettre l’accès du logement social à la portée des plus démunis passe par un travail de rationalisation pour mettre fin à la loi de la jungle dans l’immobilier et au «bricolage institutionnel». C’est dans ce sens qu’il aurait lors des conseils d’administration du groupe Al Omrane demandé des changements en termes de
recadrage des priorités. «Le Groupe Al Omrane doit être un mécanisme important de la mise en œuvre de la politique gouvernementale en matière d’habitat destiné aux couches sociales à revenus limités ou défavorisées… Il sera également un établissement d’accompagnement du ministère de tutelle en matière d’élaboration des politiques des villes, de la mise à niveau et du développement urbain. Le groupe s’activera pour être au cœur de cette dynamique en accélérant le rythme de son plan d’action qui consiste à absorber le déficit cumulé en logements et à poursuivre le programme d’éradication des bidonvilles et de l’habitat insalubre, en collaboration avec le ministère de tutelle.»
Un management
et une gouvernance plus performants
Le recentrage est amorcé au cours de l’exercice 2011 autour d’une nouvelle politique qui sera portée par la «consolidation des règles de bonne gouvernance et la contribution au développement urbain, dans une logique de régionalisation». Plus concrètement et en rapport avec les différents plans régionaux entrepris, le top management explique que toutes les activités Al Omrane se sont inscrites dans une stratégie globale, qui «vise à recadrer les activités autour de la modernisation du mode de gestion, en conformité avec les orientations de la politique gouvernementale». Le message est donc entendu, puisque le groupe est devenu aujourd’hui l’instrument principal de mise en œuvre des programmes stratégiques du gouvernement qui œuvre à absorber le déficit de 840 000 logements. Les améliorations sont là, même si la cadence doit être accélérée, constate le ministre Nabil Benabdellah, qui fait état d’un volume de 500 000 logements qui seront réalisés d’ici 2016. Le ministre souligne, d’autre part, que dorénavant l’intervention de l’État est placée dans le cadre de la politique de la ville. La référence n’est pas anodine, car la politique de la ville intègre l’ensemble des actions menées dans un cadre interministériel qui intéresse tout à la fois l’emploi, l’éducation, la santé, la sécurité et la revalorisation des quartiers sensibles et des territoires marginalisés. La dimension régionale y est intégrée sous forme de partenariat avec les différents acteurs et les collectivités territoriales.
L’État intervient alors dans le cadre de contrats conclus avec ces collectivités. M. Benkirane a du reste fait l’annonce d’un contrat programme quinquennal et s’est félicité de l’inflexion prise par le groupe d’Al Omrane, bras immobilier de l’État dans le secteur du logement social, et des efforts du président Badr Kanouni pour le redressement de l’établissement public. Une évolution qui s’est faite dans les différentes régions dans le sens de la rationalisation, de l’amélioration de la gestion et de l’efficacité des réalisations du groupe qui fêtait ses 5 ans sur le thème «l’Habitat social au service de la régionalisation avancée». Une dynamique régionale qui est déjà amorcée, car la couverture territoriale globale du groupe prend appui sur 58 représentations locales (holding, filiales et agences), qui placent le groupe Al Omrane parmi les entreprises publiques précurseurs ayant intégré la régionalisation dans leur organisation et mode de gouvernance, comme l’indiquera Mme Amina Messaoudi, professeur de droit constitutionnel, membre de la commission du projet de la régionalisation avancée et de la commission pour la réforme de la Constitution. L’experte a présenté son travail et indiqué les voies et moyens d’adaptation du groupe au projet de régionalisation avancée. Outre les différents partenariats qui pourraient être conclus entre les acteurs de la région et le groupe, Mme Messaoudi a rappelé la création du Fonds de mise à niveau sociale et de solidarité nationale qui pourrait être utilisé pour une plus grande péréquation des territoires.
Entretien avec: Badr Kanouni,président du Groupe Al Omrane
«Al Omrane, une plateforme de partenariats qui accompagne les pouvoirs publics»
Cinq ans, c’est l’âge où la personnalité de l’enfant se construit. Qu’en est-il du groupe
Al Omrane ?
Il y a des dates clés dans la genèse du groupe. En 2004, les pouvoirs publics ont initié un projet de refonte institutionnelle et de mise à niveau de l’ensemble des opérateurs publics qui s’est achevée en 2007 par le regroupement de tous ces établissements et entreprises au sein d’un grand groupe national, dénommé Al Omrane, constitué d’une société holding et de sociétés filiales. La holding assure des missions de pilotage et de développement stratégique, et les filiales des missions à caractère opérationnel, directement ou en partenariat avec les promoteurs immobiliers des secteurs privé ou public.
Il y a eu après les conseils d’administration du groupe des orientations du chef du gouvernement pour engager le groupe dans une dynamique d’accompagnement des pouvoirs publics. Quelle en est l’évolution ?
Le groupe a progressivement consolidé ses capacités d’intervention, aussi bien financièrement que techniquement, pour devenir le bras immobilier de l’État dans le secteur. Il est aujourd’hui l’instrument principal de mise en œuvre des programmes stratégiques qui y sont lancés par le gouvernement. Il s’agit notamment du Programme de lutte contre l’habitat insalubre et d’éradication des bidonvilles, de la restructuration des quartiers et de la mise à niveau urbaine, du Programme spécial des provinces du Sud, du Programme de logements à 140 000 DH, du Programme de logements à 250 000 DH, du Programme de traitement de l’habitat menaçant ruine, du Programme d’habitat en milieu rural, du Programme des Villes nouvelles, du nouveau Programme de logements pour la classe moyenne et du développement du territoire par la contribution à l’ouverture de nouvelles zones d’urbanisation. Aujourd’hui, le groupe est engagé depuis 2011 dans la mise en œuvre d’une nouvelle série de réformes managériales qui vise à promouvoir la transparence et la démarche participative dans la gestion, à ancrer la culture de la performance et de reddition des comptes à tous les niveaux de responsabilité et à renforcer le climat de confiance avec l’ensemble des partenaires. Grâce à toutes ces réformes, le groupe s’est transformé véritablement en un «grand chantier de conduite de changement à ciel ouvert».
Vous avez mis l’accent sur la principale richesse du groupe qui est son capital humain. Un mot sur ces ressources
humaines ?
Derrière le groupe Al Omrane qui fête aujourd’hui ses 5 ans, il y a une entreprise qui capitalise sur un savoir-faire et une grande expérience riche de plus de 30 ans, de par les entités historiques et les ressources humaines qui la composent. Plus d’une trentaine d’années ont été mises au service de missions sociales structurantes dont il reste le principal acteur : le renforcement de l’offre en habitat destinée aux ménages démunis et ceux de la classe moyenne, la résorption de l’habitat insalubre et la restructuration urbaine, l’accroissement de l’offre foncière publique urbanisable pour l’aménagement de nouvelles zones d’urbanisation, de nouveaux pôles urbains intégrés et création de nouvelles villes, la lutte contre le fléau de l’habitat clandestin et la réalisation des programmes étatiques de l’habitat dans les provinces du Sud complète nos missions. Ce sont nos femmes et nos hommes, ressources humaines du groupe, animés par une dynamique du service public, qui mènent à bien ces objectifs de lutte contre l’exclusion sociale et pour la réalisation d’un droit au logement aujourd’hui constitutionnalisé. Al Omrane se veut, d’autre part, aussi une entreprise citoyenne et modèle et a choisi, entre autres, d’intégrer le développement durable et la qualité en tant qu’axes importants dans la programmation et le montage de ses projets.
Vous êtes présenté comme le principal investisseur dans le secteur de l’habitat. Pourriez-vous faire un premier bilan ?
Notre groupe a réalisé, sur la période des 5 dernières années, un investissement cumulé qui dépasse les 36 milliards de DH, il a permis la réalisation de plus de 540 000 logements, 500 000 induits à travers la production totale de près de 200 000 lots équipés et 40 000 logements produits directement. Le groupe a durant ces 5 années fait appel à des milliers de prestataires : bureaux d’études, architectes, sociétés de travaux... et a mobilisé plus de 300 opérateurs privés, nationaux et internationaux. Plus de 4 millions de Marocaines et de Marocains ont pu bénéficier de nos différents projets d’habitat et de développement urbain réalisés depuis notre genèse en 2007 en tant que groupe Al Omrane.
Je voudrais aussi rappeler toute l’attention et l’intérêt soutenu que porte Sa Majesté le Roi au secteur de l’habitat. En témoignent ses différentes visites sur les chantiers ouverts sur l’ensemble du territoire. À ce jour, 354 projets du groupe, qui ont mobilisé des investissements de plus de 42,5 milliards de dirhams, ont eu l’insigne honneur d’être inaugurés par le Souverain.
Vous avez utilisé à plusieurs reprises le mot de partenariat avec les différents acteurs du secteur. Qu’en est-il de ces partenariats ?
Le Groupe Al Omrane est devenu en fait une véritable plateforme de partenariat et de synergies qui se déploient à plusieurs niveaux : d’abord au niveau institutionnel avec notre ministère de tutelle et l’ensemble de nos partenaires nationaux présents ici même et qui ne cessent de nous soutenir et de nous appuyer... ensuite au niveau du secteur privé avec les opérateurs qui se sont mobilisés à nos côtés pour la réalisation des objectifs du gouvernement dans une approche de complémentarité et de mobilisation. Enfin, au niveau local, grâce à notre couverture territoriale globale, qui s’appuie sur ses 58 représentations locales et régionales avec ses filiales et agences. Ce réseau nous permet d’entretenir au quotidien une relation de proximité avec les collectivités territoriales dont nous sommes devenus le partenaire privilégié pour toutes les problématiques liées à l’habitat ou à l’aménagement urbain. Al Omrane a inscrit le partenariat avec les collectivités territoriales comme axe stratégique pour son développement.