LE MATIN: Vous avez accompagné tout le processus de création de l'ISA depuis le démarrage de ses activités en 2001. Quel bilan faites-vous de cet institut qui pour le moins était plutôt
discret ?
AHMED HASSOUNI: Nous n'avons pas effectivement beaucoup communiqué, mais c'était là un choix que nous avons fait car nous nous sommes toujours dit que le meilleur moyen de présenter l'ISA était de présenter nos lauréats pour qu'ils confirment la réalisation des objectifs que nous nous sommes tracés pour les hauts cadres de l'administration marocaine.
Quels étaient précisément ces objectifs ?
La création de l'ISA était une idée de Feu Sa Majesté
Hassan II qui a demandé à l'époque à deux directeurs de l'ENA de Paris de faire un rapport sur l'administration au Maroc et ses besoins et parmi ses besoins, ils proposaient, pour faire face à l'accélération du changement et à la mondialisation, la création d'un Institut spécialisé dans la formation des hauts cadres de l'administration marocaine.
Le projet mené par Sa Majesté lui-même et son collaborateur Driss Slaoui focalisait sur la formation des gouverneurs, des diplomates, des secrétaires généraux et des directeurs centraux.
Le gouvernement Youssoufi a décidé de lancer le projet avec quelques changements.
Aujourd'hui, nous avons fêté, dix ans après, la sortie de la huitième promotion et au mois de novembre la sortie de la neuvième promotion.
La mise en place des programmes de recherche, et des programmes de formation ont mobilisé tous les intervenants, administrations et enseignants qui sont des vacataires choisis, des profils pointus qui ont fait leurs preuves et qui ont répondu aux exigences de notre plan de formation.
La qualité de la formation et les partenariats mis en œuvre, et comme le souligne Khalid Naciri, directeur de l'ISA dans son dernier éditorial de notre revue Hakama, avec l'ENA de Paris, l'ENAP du Québec, l'INAP de Madrid, le réseau des Ecoles et Instituts de formation des agents publics dans la zone MENA, Sciences Po d Paris, l'Association Internationale des Ecoles et Instituts des administrations, l'Institut International des Sciences administratives ont fait de l‘ISA un pole d'excellence pour l'accompagnement des réformes de l'Etat.
Zaharia Hachlaf délégué de l'Association de la 7e promotion a évoqué un programme intense de 1400 heures de formation par an durant deux ans réparties en modules de formation professorale et pratique avec au bout un stage… C'est une
formation intense ?
Oui, 24 mois de formation avec un stage de six mois et un mois de congé annuel. L'ISA, c'est une Ecole au profit de l'administration où les cours commencent le matin à 8heures pour finir en fin d'après midi. Dans chaque promotion, vous trouvez 50% de fonctionnaires et 35% de lauréats du privé, qui sont mis à la disposition de l'ISA et 15% des Bac plus 5 qui ont des formations pluridisciplinaires suivis de stages.
Ce sont des stages soigneusement préparés qui, comme le souligne mon collègue Mustapha Ghomari, font partie de la démarche « formation, action » réalisée sur le terrain, fondée sur un référentiel global et intégrant des savoir-faire et pratiques en gestion publique comme en fin de session, il y a un diplôme qualifiant en management, pratique, les cours étant dispensés par de Hauts fonctionnaires de l'Etat qui gèrent des projets dans tous les domaines, réforme de l'administration territoriale, développement territorial, gestion des ressources humaines, communication, fonctionnement de l'Etat et des organismes publics.
A-t-on fait une évaluation pour jauger l'apport de la formation de l'ISA.
L'administration a-t-elle été plus performante ?
Ce que je peux dire, c'est que tous les départements ministériels qui recrutent ou réintègrent nos lauréats sont très satisfaits.
Beaucoup d'observateurs font le constat d'une administration repliée, qui n'a pas pris conscience de l'exigence du changement…
Notre programme répond aux besoins de notre administration et anticipe sur l'administration de demain, comme ‘l'administration territoriale. Nos besoins sont importants en informaticiens, en gestionnaires de ressources humaines qualifiées, ce qu'il faut regretter, c'est que le texte de la fonction publique soit quelque peu désuet et qui ne permet pas de prise de décision au moment opportun. Les nouvelles technologies de l'information ont transformé tout l'environnement exigeant par là, une nouvelle gestion du temps et une nouvelle mentalité.
Vous évoquez souvent la qualité de la formation de l'ENA de Paris délocalisée à Strasbourg. Pourtant dans différents rapports, les critiques ne manquent pas : si l'esprit de synthèse et de décision est évident, les qualités d'encadrement, de négociation, de communication, d'animation manquent souvent. C'est aussi
le cas chez nos cadres de l'administration ?
Les programmes anglo-saxons sont d'une autre logique et évitent ces lacunes. Dans nos programmes, nous nous sommes inspirés de ce qui se fait de mieux dans différents pays. Nous avons une marge de manœuvre que nous utilisons et les intervenants à l'ISA font leurs projets en tenant compte des évolutions majeures comme la Loi organique des finances, le New public management… Nos cadres en tiennent compte bien sur mais il faut tenir compte des lacunes de l'administration et de ses résistances. On ne capitalise pas par exemple sur les acquis, quand un ministre change, on recommence ex nihilo et on apporte d'autres projets... et cela nous fait perdre du temps... La gestion du temps et la question de prise de décision sont de réels problèmes dont sont conscients nos élèves.
L'un de ses élèves, Zaharia Hachlaf, en évoquant les mémoires réalisés par les étudiants, me disait que c'était là des travaux dignes d'un cabinet de consulting ?
Tout à fait, le stage occupe une place importante dans le cursus des élèves, c'est l'occasion d'une confrontation avec des problématiques concrètes d'où le soin apporté à la réflexion et à l'élaboration de ce travail. Si vous jetez un coup d'œil sur les rapports de stage des différentes promotions, il y a là un véritable vivier d'expériences vécues avec les gestionnaires de l'administration et des établissements publics qui ont amélioré l'esprit d'autonomie et de résultats. L'ISA, comme le souligne M. Ghomari s'inscrit dans une approche consulting, nos étudiants vont sur le terrain et mènent des projets fondés sur une vision et une boite à outils. Nous sommes la première institution à avoir confectionné un volume sur la territorialisation sur 700 pages, sur l'intercommunalité.. ;tous les outils du consulting moderne sont utilisés pour apprécier des situations.
En bout de chaîne, nos lauréats sont transformés, émancipés, autonomes, qui ont confiance en eux qui savent prendre des décisions, qui savent négocier et qui sont motivés. Ce sont là les vrais atouts pour une transformation de l'administration qui ne sera cependant effective que lorsque la fusion avec l‘ENA se fera. Pendant ces dix années,
il y a eu beaucoup d'efforts et de mobilisation de toute l'équipe qui a travaillé dans une totale transparence, avec le respect de l'éthique et de la rigueur, il faut maintenir cet élan après le départ de certains cadres de l'ISA.
discret ?
AHMED HASSOUNI: Nous n'avons pas effectivement beaucoup communiqué, mais c'était là un choix que nous avons fait car nous nous sommes toujours dit que le meilleur moyen de présenter l'ISA était de présenter nos lauréats pour qu'ils confirment la réalisation des objectifs que nous nous sommes tracés pour les hauts cadres de l'administration marocaine.
Quels étaient précisément ces objectifs ?
La création de l'ISA était une idée de Feu Sa Majesté
Hassan II qui a demandé à l'époque à deux directeurs de l'ENA de Paris de faire un rapport sur l'administration au Maroc et ses besoins et parmi ses besoins, ils proposaient, pour faire face à l'accélération du changement et à la mondialisation, la création d'un Institut spécialisé dans la formation des hauts cadres de l'administration marocaine.
Le projet mené par Sa Majesté lui-même et son collaborateur Driss Slaoui focalisait sur la formation des gouverneurs, des diplomates, des secrétaires généraux et des directeurs centraux.
Le gouvernement Youssoufi a décidé de lancer le projet avec quelques changements.
Aujourd'hui, nous avons fêté, dix ans après, la sortie de la huitième promotion et au mois de novembre la sortie de la neuvième promotion.
La mise en place des programmes de recherche, et des programmes de formation ont mobilisé tous les intervenants, administrations et enseignants qui sont des vacataires choisis, des profils pointus qui ont fait leurs preuves et qui ont répondu aux exigences de notre plan de formation.
La qualité de la formation et les partenariats mis en œuvre, et comme le souligne Khalid Naciri, directeur de l'ISA dans son dernier éditorial de notre revue Hakama, avec l'ENA de Paris, l'ENAP du Québec, l'INAP de Madrid, le réseau des Ecoles et Instituts de formation des agents publics dans la zone MENA, Sciences Po d Paris, l'Association Internationale des Ecoles et Instituts des administrations, l'Institut International des Sciences administratives ont fait de l‘ISA un pole d'excellence pour l'accompagnement des réformes de l'Etat.
Zaharia Hachlaf délégué de l'Association de la 7e promotion a évoqué un programme intense de 1400 heures de formation par an durant deux ans réparties en modules de formation professorale et pratique avec au bout un stage… C'est une
formation intense ?
Oui, 24 mois de formation avec un stage de six mois et un mois de congé annuel. L'ISA, c'est une Ecole au profit de l'administration où les cours commencent le matin à 8heures pour finir en fin d'après midi. Dans chaque promotion, vous trouvez 50% de fonctionnaires et 35% de lauréats du privé, qui sont mis à la disposition de l'ISA et 15% des Bac plus 5 qui ont des formations pluridisciplinaires suivis de stages.
Ce sont des stages soigneusement préparés qui, comme le souligne mon collègue Mustapha Ghomari, font partie de la démarche « formation, action » réalisée sur le terrain, fondée sur un référentiel global et intégrant des savoir-faire et pratiques en gestion publique comme en fin de session, il y a un diplôme qualifiant en management, pratique, les cours étant dispensés par de Hauts fonctionnaires de l'Etat qui gèrent des projets dans tous les domaines, réforme de l'administration territoriale, développement territorial, gestion des ressources humaines, communication, fonctionnement de l'Etat et des organismes publics.
A-t-on fait une évaluation pour jauger l'apport de la formation de l'ISA.
L'administration a-t-elle été plus performante ?
Ce que je peux dire, c'est que tous les départements ministériels qui recrutent ou réintègrent nos lauréats sont très satisfaits.
Beaucoup d'observateurs font le constat d'une administration repliée, qui n'a pas pris conscience de l'exigence du changement…
Notre programme répond aux besoins de notre administration et anticipe sur l'administration de demain, comme ‘l'administration territoriale. Nos besoins sont importants en informaticiens, en gestionnaires de ressources humaines qualifiées, ce qu'il faut regretter, c'est que le texte de la fonction publique soit quelque peu désuet et qui ne permet pas de prise de décision au moment opportun. Les nouvelles technologies de l'information ont transformé tout l'environnement exigeant par là, une nouvelle gestion du temps et une nouvelle mentalité.
Vous évoquez souvent la qualité de la formation de l'ENA de Paris délocalisée à Strasbourg. Pourtant dans différents rapports, les critiques ne manquent pas : si l'esprit de synthèse et de décision est évident, les qualités d'encadrement, de négociation, de communication, d'animation manquent souvent. C'est aussi
le cas chez nos cadres de l'administration ?
Les programmes anglo-saxons sont d'une autre logique et évitent ces lacunes. Dans nos programmes, nous nous sommes inspirés de ce qui se fait de mieux dans différents pays. Nous avons une marge de manœuvre que nous utilisons et les intervenants à l'ISA font leurs projets en tenant compte des évolutions majeures comme la Loi organique des finances, le New public management… Nos cadres en tiennent compte bien sur mais il faut tenir compte des lacunes de l'administration et de ses résistances. On ne capitalise pas par exemple sur les acquis, quand un ministre change, on recommence ex nihilo et on apporte d'autres projets... et cela nous fait perdre du temps... La gestion du temps et la question de prise de décision sont de réels problèmes dont sont conscients nos élèves.
L'un de ses élèves, Zaharia Hachlaf, en évoquant les mémoires réalisés par les étudiants, me disait que c'était là des travaux dignes d'un cabinet de consulting ?
Tout à fait, le stage occupe une place importante dans le cursus des élèves, c'est l'occasion d'une confrontation avec des problématiques concrètes d'où le soin apporté à la réflexion et à l'élaboration de ce travail. Si vous jetez un coup d'œil sur les rapports de stage des différentes promotions, il y a là un véritable vivier d'expériences vécues avec les gestionnaires de l'administration et des établissements publics qui ont amélioré l'esprit d'autonomie et de résultats. L'ISA, comme le souligne M. Ghomari s'inscrit dans une approche consulting, nos étudiants vont sur le terrain et mènent des projets fondés sur une vision et une boite à outils. Nous sommes la première institution à avoir confectionné un volume sur la territorialisation sur 700 pages, sur l'intercommunalité.. ;tous les outils du consulting moderne sont utilisés pour apprécier des situations.
En bout de chaîne, nos lauréats sont transformés, émancipés, autonomes, qui ont confiance en eux qui savent prendre des décisions, qui savent négocier et qui sont motivés. Ce sont là les vrais atouts pour une transformation de l'administration qui ne sera cependant effective que lorsque la fusion avec l‘ENA se fera. Pendant ces dix années,
il y a eu beaucoup d'efforts et de mobilisation de toute l'équipe qui a travaillé dans une totale transparence, avec le respect de l'éthique et de la rigueur, il faut maintenir cet élan après le départ de certains cadres de l'ISA.