Confrontée à un blocage persistant à l'Onu sur la Syrie alors que le bilan du conflit ne cesse de s'alourdir, l'UE cherche à affirmer son rôle dans la région face à la catastrophe humanitaire en cours et à préparer l'après-Assad.
La question sera au centre d'une réunion des ministres européens des Affaires étrangères vendredi et samedi, à Paphos (Chypre), à moins de 300 km des côtes syriennes.
Jusqu'ici, l'UE a surtout été en pointe pour sanctionner le régime de Bachar Al-Assad. Elle a décrété des embargos sur les armes et le pétrole, ainsi qu'une série de sanctions commerciales et financières, le gel des avoirs de 53 sociétés et administrations et de 155 membres du régime ou leurs proches, également interdits de visa.
Désormais, les 27 doivent réfléchir aux moyens de soutenir les efforts du nouvel émissaire international, Lakhdar Brahimi. Ils veulent aussi «mieux structurer» leurs travaux avec l'opposition syrienne et «augmenter leur aide au peuple syrien et aux réfugiés tout en contribuant à la préparation d'une transition politique», juge la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton dans sa lettre d'invitation à cette réunion.
Au-delà, l'enjeu est également de ne pas rater le coche de la reconstruction du pays, en proie à des luttes d'influence tant de l'Iran et de la Russie que d'autres pays arabes. «Assad tombera, tôt ou tard, et l'UE devra alors savoir quelle réponse apporter. Il faut que ce soit préparé longtemps à l'avance», estime un diplomate européen.
Pour le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, il y a un «besoin urgent» que l'opposition forme un gouvernement de transition représentatif de tous les groupes qui respectent la démocratie, la tolérance et le pluralisme.
Mardi à Rome, le Président français François Hollande et le chef du gouvernement italien Mario Monti ont encouragé l'opposition, très divisée, à se rassembler et à former un «gouvernement alternatif». François Hollande avait annoncé fin août que son pays reconnaîtrait un gouvernement provisoire syrien de l'opposition dès sa formation.
Paris juge en effet qu'«offrir une perspective de reconnaissance à un gouvernement transitoire aiderait l'opposition à se fédérer», une position qui ne fait pas encore l'unanimité en Europe, observe un diplomate européen.
Or «plus vite on aura un vrai interlocuteur du côté de l'opposition, plus il sera facile pour l'UE de l'aider», ajoute un autre, qui estime que fixer des critères trop restrictifs à une reconnaissance «risquerait d'être contre-productif».
Au-delà de la légitimation politique de l'opposition et de la reconstruction économique et politique de la Syrie, l'UE doit aussi trouver des réponses à la crise humanitaire et pousser pour une enquête pour violation des droits de l'Homme, plaident les ministres italien et français des Affaires étrangères dans une lettre commune à Catherine Ashton.
Depuis le début de la crise, au printemps 2011, quelque 235.000 Syriens ont quitté la Syrie et 1,2 million ont été déplacés à l'intérieur du pays. Le risque d'un afflux de réfugiés vers l'Europe, via Chypre ou la Turquie, est réel.
Déjà confrontée à un fort afflux de réfugiés, la Turquie a proposé de créer des zones tampons en Syrie. Une solution qui, sans être exclue par Paris et Londres, «poserait d'énormes problèmes», a concédé le chef de la diplomatie britannique, William Hague.
Selon la Commission européenne, l'UE et ses Etats ont déjà fourni au moins 146 millions d'euros d'aide humanitaire à la Syrie, dont 69 millions tirés du budget européen, sans compter les efforts supplémentaires de 3 millions de livres (3,7 millions d'euros) et de 5 millions d'euros annoncés fin août par Londres et Paris.