Les Afghans craignent une montée en puissance des insurgés talibans et les Pakistanais une intensification des tirs de drones, peu importe le vainqueur de la présidentielle américaine qui ne passionne guère sur la ligne de front de la «guerre contre le terrorisme».
Après onze années d’une longue guerre en Afghanistan, les États-Unis se préparent à plier bagage sans être en mesure de dire «mission accomplie», et ce malgré l’élimination l’an dernier par un commando américain au Pakistan voisin du chef d’Al-Qaïda, Oussama Ben Laden.
Le gouvernement civil afghan demeure fragile, l’insécurité chronique dans le sud et l’est du pays, les infrastructures moribondes et les indicateurs de développement en berne malgré d’importants progrès notamment en termes de santé et d’éducation. Les 30 000 hommes supplémentaires envoyés par Barack Obama sur le front afghan à partir de 2009 sont rentrés à la maison. Quelque 68 000 soldats américains toujours en Afghanistan se préparent à les rejoindre à l’approche de la fin de la mission de combat de l’Otan.
Pour Washington, comme pour tous ses alliés en Afghanistan, un mot d’ordre s’impose: quitter le pays d’ici à la fin 2014. Et laisser la meilleure situation sécuritaire et politique possible à Kaboul, qui aura la charge d’administrer son territoire.
Le pari semble loin d’être gagné
Les talibans, qui mènent l’insurrection, continuent à faire des ravages parmi les civils et les militaires. Nombre d’Afghans se montrent extrêmement pessimistes.
«S’ils retirent leurs troupes du pays, la guerre civile recommencera», comme dans les années 1990, soupire Del Agha, un chauffeur d’une trentaine d’années, qui voudrait que «le nouveau président américain s’emploie à ce que les forces de l’Otan restent un peu plus longtemps, jusqu’à ce que la sécurité soit bonne».
Mais le Président américain Barack Obama et son rival républicain Mitt Romney, s’accordent sur un retrait en 2014. «Ils parlent le même langage», estime Najeeb Azizi, professeur d’économie à l’Université de Kaboul.
«La politique américaine en Afghanistan est déjà faite. Tous les gouvernements à venir garderont la même politique. Cela ne fait aucune différence», constate le président afghan Hamid Karzaï.
Ce sera donc aux Afghans d’assurer leur sécurité. «C’est à nous (Afghans) d’être bons, ce qui déterminera le niveau de leur soutien financier et l’ampleur de leur retrait militaire», car les alliés occidentaux, incluant les États-Unis, maintiendront des hommes après 2014 pour former les forces de sécurité locales, acquiesce Omar Sharifi, un analyste de l’Institut américain des études afghanes. Avec le retrait des troupes américaines d’Afghanistan, c’est le Pakistan qui craint de se retrouver davantage dans la tourmente.
Pays musulman de 180 millions d’habitants doté de la bombe atomique et en proie à une montée en puissance du fondamentalisme religieux, le Pakistan suscite de vives craintes à Washington. Les États-Unis ont multiplié au cours des dernières années les tirs de drones dans les zones tribales du nord-ouest pakistanais, considérées comme un repaire des talibans afghans et de groupes liés à Al-Qaïda, une mesure hautement impopulaire. Selon le sondage de l’institut Gallup diffusé cet été, 49% des Pakistanais estiment que les États-Unis sont le «pays le plus hostile» à leur égard, loin devant l’Inde (24%), ennemi historique du Pakistan. Et les drapeaux américains brûlés lors de manifestations ne se comptent plus.
«Il y a une perception forte au Pakistan que la majorité des problèmes (du pays) sont la cause de la présence des États-Unis en Afghanistan», explique à l’AFP Talat Masood, ancien haut gradé de l’armée pakistanaise.
Or la fin de la mission de combat en Afghanistan ne rime pas avec la fin des tirs de drones au Pakistan.
«Si les insurgés poursuivent leurs opérations au Pakistan et accroissent leurs activités en Afghanistan, alors les tirs de drones vont augmenter», pronostique M. Masood. Car Mitt Romney et Barack Obama sont tous les deux favorables à la poursuite de ces tirs. «Le Pakistan sera dans l’œil du cyclone, car les demandes vont s’accentuer concernant la sûreté de son arsenal nucléaire et une intervention au sol de son armée contre les insurgés», ajoute Arshad Sharif, analyste à la chaîne pakistanaise Dunya.