Le Matin Emploi : Comment pouvez-vous définir le métier de journaliste d’entreprise ? Est-il semblable à celui de la presse ?
Didier Le Gorrec : Il est à la fois semblable et différent. Le journaliste d’entreprise partage avec le journaliste de presse les mêmes techniques rédactionnelles. Il doit savoir qu’il écrit pour un lectorat (print ou web) et utiliser de ce fait des procédés communs à toute forme de journalisme (rédaction dite «en pyramide inversée» ; utilisation de mots simples et impactants, etc.). En revanche, les objectifs dans lesquels s’insère son travail sont différents. À la différence de la presse, le journaliste d’entreprise travaille pour le compte d’un donneur d’ordre et se place au service de sa communication, comme un prestataire.
Quelles sont les principales missions du journaliste d’entreprise?
Il s’agit d’interviewer, collecter de l’information puis rédiger. Souvent, le journaliste d’entreprise va aussi au-delà de ces tâches, en se positionnant également comme un conseiller en communication. Il devient intéressant dès lors d’assister aux comités de rédaction, voire de les animer, mais aussi d’intervenir encore plus en amont, en contribuant à la création d’un nouveau titre de presse d’entreprise. La dimension «conseil» et «client» est donc assez importante, alors qu’elle est plutôt inexistante en presse.
Quelle différence faites-vous entre journaliste d’entreprise et documentaliste et chargé de communication interne ?
De grandes différences. Le documentaliste exerce un métier où qu’il doit apporter la matière aux personnes qui se chargent ensuite de la valoriser, de la mettre en perspective, etc. On peut le considérer comme l’un des «fournisseurs» du journaliste. Quant au responsable de communication interne, il réalise de nombreuses tâches qui n’ont pas de lien avec le journalisme d’entreprise (événementiel interne, affichage, …). En revanche, il peut être amené à coordonner et animer un journal interne parmi ses tâches. Sauf s’il a certaines compétences pour l’écriture, il s’aide d’un ou de plusieurs journalistes d’entreprise. C’est à peu le «client interne» du journaliste d’entreprise : la communication interne définit les objectifs de communication, auxquelles la rédaction doit s’intégrer.
Les entreprises sont-elles conscientes du rôle éminent du journaliste d’entreprise ?
C’est une bonne question car il n’est pas toujours valorisé à sa juste mesure. On oublie souvent qu’il porte un message stratégique tout autant qu’il est capable de rendre un papier vivant et attractif. En interne, il contribue aussi à ce que les gens se connaissent mieux les uns et les autres. Souvent, on résume le journaliste d’entreprise à quelqu’un qui produit du volume (les feuillets), alors qu’il véhicule précisément un contenu stratégique.
Quels sont le profil, la formation et les compétences du journaliste d’entreprise ?
Souvent, tout de même, il est journaliste à la base. Il sait écrire et possède les techniques d’interview, etc. Il fait alors du journalisme d’entreprise par opportunité, que ce soit en free lance, en entreprise ou en agence. Mais certains en font vraiment un métier qui les passionne, précisément pour l’équilibre
qu’il permet entre l’écriture et le conseil en communication. Il faut connaître le monde de l’entreprise, c’est un plus.
Quelles sont les perspectives d’évolution de ce métier ?
Le métier du journaliste d’entreprise bouge beaucoup, surtout depuis l’émergence des réseaux sociaux. Je pense que la principale évolution tend vers l’émergence d’un profil «journaliste – community manager», qui maîtrise le contenu de marque sous toutes ses formes. On voit aussi beaucoup se développer des journalistes reporters d’image (JRI en presse d’entreprise). Sans parler du datajournalisme, mais qui n’est pas encore tout à fait une réalité en presse d’entreprise.
Quelle place occupe le journaliste d’entreprise dans l’organigramme de l’organisation ?
Lorsque le journaliste est rattaché à une entreprise, il est en général à la direction de la Communication. Plus rarement, il peut faire partie de la direction des ressources humaines car il s’occupe de la rédaction d’un journal interne.
Des conseils ou recommandations…
Faire une école de journalisme demeure le principal Sésame. Il y a aussi de bonnes écoles de communication. En tout cas, si l’on choisit ce métier, il vaut mieux ne pas le considérer comme un art mineur, sinon, on ne s’éclate pas ! Commencer dans une agence donne une bonne perspective sur de nombreux journaux et entreprises (journaux internes, externes, magazines…) et permet d’acquérir à bon compte une connaissance panoramique de la presse d’entreprise. Souvent les professionnels commencent par une expérience en presse, puis en agence de presse d’entreprise pour continuer ensuite dans une direction de la communication… et se retrouver free lance par goût de la liberté !