Nadia Ouiddar
02 Décembre 2024
À 18:38
Projeté dans le cadre de la compétition officielle du 21e
Festival international du film de Marrakech (FIFM), «
The Village Next to Paradise», premier long métrage du scénariste et réalisateur somalien
Mo Harawe, installé en
Autriche, s’impose comme une œuvre profondément humaine et sensible.
Le
film apporte une perspective fraîche et originale sur la
Somalie, souvent mal représentée au
cinéma. Mêlant émotion brute et contexte politique, il explore les luttes quotidiennes d’une famille dans un village isolé, tout en évoquant les défis socio-économiques et les tensions internes et externes du pays. Mamargade (
Ahmed Ali Farah), un père célibataire, vit dans une région isolée où les frappes de drones sont une menace constante. Le désert, balayé par des vents violents, encadre son quotidien et celui de son fils, Cigaal (
Ahmed Mohamud Saleban). Mamargade lutte pour subvenir aux besoins de sa famille. Chauffeur, réparateur de véhicules, fossoyeur... ses métiers sont variés, mais ses efforts passent souvent inaperçus, malgré leur importance cruciale pour leur survie. Lorsque l’instructeur de Cigaal disparaît, Mamargade souhaite l’inscrire dans un pensionnat voisin, malgré l’opposition de son fils.
Le film présente également Araweelo (
Anab Ahmed Ibrahim), la sœur de Mamargade, qui rêve de refaire sa vie loin des problèmes conjugaux et de créer sa propre boutique de vêtements, mais se heurte aux difficultés de la réalité sociale. L’ambition modeste des personnages de l’histoire illustre la maîtrise et la vision réfléchie du cinéaste. À travers ce récit de famille, Mo Harawe cherche à dresser un portrait complexe et nuancé de la Somalie, loin des clichés souvent véhiculés dans les médias. «Il s’agit d’une famille somalienne non conventionnelle que nous suivons dans leur vie quotidienne et voyons ce qui affecte leurs décisions. Et pendant que nous les suivons, nous voyons ce qui se passe dans le pays en arrière-plan», explique le réalisateur en décrivant sa fiction au
FIFM 2024.
L’image du film, signée
Mostafa El Kashef, est un autre atout majeur. Capturant la beauté sauvage des paysages somaliens, elle retranscrit avec une grande justesse la lumière implacable du désert et les contrastes d’un monde à la fois majestueux et brutal. Le directeur de la photographie revient sur les défis techniques rencontrés lors du tournage : «C’était l’un des films les plus difficiles que j’ai jamais tournés. L’environnement était très rude, et nous avons dû faire preuve de créativité, fabriquer nos propres accessoires et cadres.» El Kashef et son équipe ont dû faire face à des contraintes logistiques sévères, notamment l’impossibilité d’apporter des équipements de Vienne en raison de problèmes de transport. Le réalisateur, Mo Harawe, a réagi avec pragmatisme, soulignant : «Quand nous n’avons pas toutes les ressources, nous devons être créatifs.» Cela a permis à l’équipe de trouver des solutions inventives et de transformer les difficultés en opportunités créatives.
Le film se distingue également par la performance de ses acteurs non professionnels, qui apportent une authenticité rare. Mo Harawe commente : «Je ne peux pas dire que les acteurs étaient des non professionnels, mais plutôt des acteurs non entraînés, car ils m’ont donné des performances exceptionnelles». Cette approche renforce l’authenticité du film et permet aux spectateurs de s’immerger pleinement dans la réalité des personnages. Mo Harawe et son équipe ont réussi à créer une œuvre de cinéma audacieuse et émouvante, qui ouvre de nouvelles perspectives pour le
cinéma d
’Afrique de l’Est.
Révélé au
Festival de Cannes, ce film s’annonce comme une pièce maîtresse du
cinéma contemporain. À travers des thèmes universels comme l’amour, le sacrifice et le dévouement, «The Village Next to Paradise» nous invite à regarder la Somalie sous un autre angle, loin des stéréotypes, et à découvrir un cinéma à la fois sensible et profondément ancré dans la réalité de ses habitants.