Voici l'éclairage de Nabil Adel : «La nouvelle loi sur les
délais de paiement n’a aucune logique économique et n’aura que peu de chances d’être appliquée :
• Car, d’abord, se pose la question du suivi. Comment l’
État va-t-il pouvoir suivre le respect des délais de paiement ? Déjà, l’on a beaucoup de mal à suivre le règlement des impôts.
La fonction première du gouvernement est la collecte des impôts. Or, il n’arrive pas à couvrir tous les secteurs avec toutes les entreprises en activité. Avec très peu d’inspecteurs à l’échelle nationale, il est difficile d’assurer un contrôle rigoureux des engagements fiscaux des contribuables. Déjà, qu’on n’arrive pas à régler ce problème lié aux impôts, que l’on va ajouter un autre sur les délais de paiement. Comment l’Exécutif va-t-il pouvoir contrôler tout cela ?
• En plus, les
relations commerciales entre clients et fournisseurs ne doivent pas faire l’objet d’une intervention de l’État. Parce que, quand une entreprise ne paye pas son partenaire commercial dans les délais réglementaires, on lui impose une pénalité que le Trésor va collecter et non pas le client lésé par le
retard de paiement. C’est complètement absurde. Aussi, il faut préciser qu’il y a une grande différence entre une entreprise qui ne veut pas payer et celle qui ne peut pas payer. Car, parfois le retard de paiement est dû à un problème de trésorerie de l’entreprise concernée.
Dans ce cas, au regard des nouvelles dispositions réglementaires sur les délais de paiement, cette entreprise sera doublement impactée : en plus de son problème de trésorerie, elle doit s’acquitter d’une amende à l’État.
Lire aussi : Délais de paiement : Les principaux apports de la loi n° 69.21 publiée au BOEn général, quand on édicte une loi, on ne prend pas en considération que 99% du tissu économique marocain est constitué de
PME et de
TPE. Ces structures n’ont donc pas les moyens d’intégrer toute la réglementation en vigueur qui comprend les déclarations fiscales et sociales et les taxes locales en plus des sanctions sur les délais de paiement. Comme je l’ai souligné, la question qui se pose est comment s’assurer qu’une entreprise dispose des fonds nécessaires pour pouvoir payer son client et ne le fait pas.
Dans ce cas, l’État devra accéder aux informations sur les
comptes bancaires des entreprises. Ce qui constituerait une aberration totale. Je pense que cette nouvelle loi va plutôt détériorer le climat entre les clients et les fournisseurs. Le fait est que ce cadre réglementaire va inciter les entreprises à s’adonner à des pratiques dangereuses comme la falsification des dates des factures. C’est pourquoi je réaffirme que l’État n’a pas à s’immiscer entre un client et son fournisseur. Il peut veiller plutôt au respect des principes de la libre concurrence, mais n’a pas à s’impliquer dans une relation commerciale entre opérateurs privés. L’État doit au contraire œuvrer pour la simplification des procédures administratives en faveur des entreprises. Comment peut-on encourager l’investissement et attirer des investisseurs étrangers en instaurant une telle loi ? On fait tout à fait le contraire de ce qu’on devrait faire».