Rochdi Mokhliss
26 Décembre 2024
À 11:53
Alors que la lutte contre le
réchauffement climatique s’intensifie, le
Maroc se prépare à faire face aux impacts d’une nouvelle réglementation européenne, le
Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF). Introduit en octobre 2023 et pleinement opérationnel à partir de 2026, ce dispositif vise à réduire les émissions de carbone liées aux produits importés par l’
Union européenne. Les
exportations marocaines, dont 65% sont destinées au marché européen, se trouvent en première ligne des conséquences de ce mécanisme.
Une taxe carbone ciblant des secteurs clés
Le
MACF s’applique dans un premier temps à cinq secteurs :
fer et acier, aluminium, ciment, engrais, électricité et hydrogène. Ces secteurs devront payer une
taxe carbone à l’importation, estimée entre 60 et 100 euros par tonne de CO₂ émise. Si la production marocaine de fer, d’acier, d’aluminium et de ciment est pour l’instant peu concernée, car majoritairement destinée au marché local, l’impact pourrait être significatif à moyen terme si le mécanisme s’étend à d’autres industries.
Les
phosphates, qui représentent un pilier des exportations marocaines, sont d’ores et déjà impactés. Cependant, grâce à une empreinte carbone relativement faible comparée à celle de leurs concurrents internationaux, les phosphates marocains pourraient conserver un avantage compétitif. En revanche, la dépendance du pays aux
énergies fossiles pour produire de l’électricité risque de fragiliser la compétitivité de secteurs comme la
métallurgie et le
ciment, malgré les investissements réalisés pour verdir leur production.
Une extension attendue à d’autres industries stratégiques
À partir de 2027-2028, les secteurs du
textile et de l
’agro-industrie, essentiels aux exportations marocaines, seront également concernés par le MACF. Les industriels du textile, notamment dans le nord du Royaume, s’engagent déjà dans la
décarbonation, souvent encouragés par leurs partenaires européens comme
Inditex. Du côté de l’agro-industrie, des efforts restent nécessaires, en particulier pour limiter l’usage de
pesticides et d’
herbicides dans la production agricole.
Malgré ces défis, les performances récentes de l’agro-industrie marocaine sur le marché européen offrent une base solide : certains produits marocains y sont devenus des références, renforçant la position du Royaume comme fournisseur clé.
Un impact économique régional et national
Les premières estimations suggèrent que le MACF entraînera
une diminution des exportations marocaines de plus de 10% si son champ d’application s’élargit.
À l’échelle africaine, une baisse globale de 5,72% des exportations est prévue, avec des secteurs comme l’aluminium (-13,9%), le fer et l’acier (-8,2%), et les engrais (-3,9%) particulièrement touchés. Cette contraction pourrait réduire le
PIB du continent de 1,12%, soit environ 31 milliards d’euros, selon les données de 2021.
Les activités de services ne sont pas épargnées :
Tanger Med, avec un trafic record de 8,6 millions de conteneurs en 2023, devra s’adapter aux nouvelles exigences pour maintenir son statut de hub international.
Une opportunité de transition énergétique
Face à ces enjeux, le
Maroc adopte une approche proactive avec une
stratégie nationale de FINANCE CLIMAT à l’horizon 2030. Celle-ci repose sur trois axes :
- La création d’un marché financier intégré.
- La promotion d’investissements verts avec des projets attractifs.
- L’exploration d’innovations financières, comme les Fintechs et les marchés de carbone.
Dans cette dynamique, la
loi de finances 2025 a prévu une taxe carbone nationale, visant à réduire la dépendance énergétique et à orienter le mix énergétique vers des ressources renouvelables. Initialement prévue pour 2025, son application pourrait etre reportée à 2026 pour mieux préparer les acteurs économiques à cette transition.
Si le
MACF représente un défi de taille pour les exportations marocaines, il offre également une opportunité unique de transformer l’économie nationale vers un modèle plus durable, capable de répondre aux exigences environnementales internationales tout en renforçant sa compétitivité sur les marchés mondiaux.