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Grèves des enseignants : les syndicats divisés, la fin de la crise n’est pas pour demain

Au moment où le gouvernement poursuit ses rounds de négociations avec les quatre syndicats les plus représentatifs pour désamorcer la crise qui paralyse depuis près de deux mois le secteur de l’Éducation nationale et alors que les pourparlers semblent progresser de manière significative, la Fédération nationale de l’enseignement (FNE) a décidé de relancer son mouvement de grève qui devrait se poursuivre jusqu’au 22 décembre. Une décision qui risque de remettre les compteurs à zéro et de compromettre sérieusement la suite des discussions, compte tenu de l’influence des Coordinations affiliées à la FNE. En effet, si au moment où nous mettions sous presse, la Commission ministérielle tripartite était en train de fignoler avec les quatre syndicats les derniers détails d’un accord qui devrait permettre la reprise des cours, la Fédération, ulcérée par la décision du ministère de l’Éducation nationale de l’exclure du dialogue, a choisi l’escalade. Le bras de fer n’est donc pas près de finir, prenant en otage des millions d’élèves et leurs parents.

19 Décembre 2023 À 19:29

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Après plus de deux mois de grèves, et malgré les différentes tentatives engagées par le gouvernement, le secteur de l’Éducation national demeure paralysé par les grèves. Si les quatre syndicats les plus représentatifs poursuivent leurs pourparlers avec la Commission ministérielle tripartite, d’autres organisations syndicales, certes ne comptant pas parmi les plus représentatifs, mais ayant une forte influence sur la rue, refusent d’enterrer la hache de guerre au motif qu’elles ont été exclues des pourparlers. C’est le cas de la FNE qui, par le biais d’un communiqué rendu public, a annoncé la poursuite de son mouvement de grève de quatre jour (du 19 au 22 décembre 2023).


Pourtant, l’on croyait que la signature d’un accord entre le gouvernement et les quatre syndicats, le 10 décembre dernier, allait permettre de désamorcer la crise et poser les bases d’une future entente, d’autant que jusqu’à lundi dernier les négociations se déroulaient plutôt bien et ont même permis d’aboutir à des acquis considérables pour la famille de l’enseignement. Mais visiblement, la décision du ministère de l’Éducation nationale d’exclure la FNE des discussions a été très mal perçue par la Fédération, qui a décidé de répondre à sa manière à la décision du ministère.

Mais cette exclusion n’est pas l’unique raison derrière la poursuite des grèves. La FNE (Fédération nationale de l’enseignement-orientation démocratique ainsi que les coordinations qui tournent dans sa galaxie) affirme que le ministère n’a pas pris en compte ses doléances, malgré les gages de bonne foi qu’elle a présentés lors des négociations. En effet, le week-end dernier, la Fédération a été convoquée pour exposer ses revendications et la réunion avaient même abouti à un accord préalable dimanche, que le syndicat devait valider après concertation avec ses bases.

Seulement voilà, lundi dernier, la Commission ministérielle tripartite rencontre les quatre syndicats les plus représentatifs et annonce de nouveaux amendements au statut unifié (notamment l’abandon du principe de la contractualisation), alors que la FNE appelle à sa suppression pure et simple. «Au moment où l’on s’attendait à ce que la Commission tripartite nous réponde concernant notre principale doléance, à savoir la suppression du statut unifié comme convenu, on est surpris d’apprendre qu’elle poursuit le dialogue avec les autres syndicats pour amender la version actuelle, rejetée par les enseignants. Pis encore, le ministère nous a contactés dans la soirée du lundi pour nous annoncer l’arrêt du dialogue et nous suggérer de rejoindre les réunions prévues avec les autres syndicats. Nous considérons que la décision du ministre est un retour en arrière sur les promesses faites et une mesure qui ne fait qu’accentuer le manque de confiance envers ce département», explique le secrétaire général de la FNE, Abdelillah Ghmimat, dans une déclaration accordée au «Matin».



Dès lors, le manque de confiance a vite fait de s’installer. Un sentiment qu’exacerbe le «non-respect des promesses et des accords» par les gouvernements précédents, comme le souligne un syndicaliste ayant requis l’anonymat. «La crise que vit le secteur est la conséquence logique de la non-application de plusieurs accords signés par le passé qui ont fait que les enseignants soient aujourd’hui plus "rigides” et "méfiants”. Ils considèrent que toutes les initiatives gouvernementales, y compris celles qui ont résulté de l’accord du 10 décembre 2023, comme de simples manœuvres ayant pour but de diviser les rangs des syndicats et faire taire les frondeurs. Il s’agit là d’une crise de confiance au sein d'un secteur censé réunir en son sein toutes les conditions de la paix sociale», déplore-t-il.

S’il est indéniable que le gouvernement est engagé de bonne foi dans une course contre-la-montre pour sauver l’année scolaire et atténuer les conséquences de ces débrayages consécutifs sur les élèves, des questions en rapport avec la méthodologie des négociations, la représentativité des syndicats impliqués et surtout la confiance entre les différents protagonistes se posent avec acuité.

En attendant l’épilogue de cet imbroglio, ce sont les apprenants qui payent les pots cassés. Pris en otage par des syndicats remontés contre le gouvernement et un gouvernement qui semble pour le moment incapable de trouver une issue à cette crise, ils auront du mal à rattraper le temps perdu et à avoir une année scolaire sans accroc.
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