Nation

Jeunesse et politique : le PPS appelle à un sursaut salutaire

Face au sentiment de lassitude généralisée et à la crise de confiance qui mine le lien entre les jeunes et l’action publique, le Parti du progrès et du socialisme (PPS) tente de raviver la flamme militante. Lors d’un forum organisé au siège du Parlement, les dirigeants du parti ont appelé à une réappropriation du politique par une jeunesse trop souvent reléguée au second plan.

04 Mai 2025 À 17:22

«Vous êtes là, et c’est déjà une victoire.» D’un ton grave, Nabil Benabdallah, secrétaire général du PPS, pose d’emblée le cadre. Devant une salle pleine de jeunes réunis au Parlement autour du thème «Jeunesse, affaires publiques et défi de la confiance dans l’action politique», le diagnostic est clair : plus de 90% de la jeunesse marocaine reste en dehors des partis, des syndicats, des associations. «Et c’est cela, le vrai danger !» alerte M. Benabdallah. Cette rencontre, coorganisée avec l’Association marocaine des jeunes leaders, a été traversée par une urgence palpable : celle de réparer un lien politique brisé, dans un pays où l’abstention massive et la désaffiliation partisane sont devenues la norme.
Rachid Hammouni, président du groupe parlementaire du PPS, n’y va pas par quatre chemins : «Moi aussi, je commence à perdre confiance dans la politique.» Un aveu rare, de la part d’un député réélu pour un troisième mandat. Il ajoute : «Ceux qui veulent faire de la politique avec dignité ne tiennent plus. Le terrain est miné, et ce sont souvent les pires qui gagnent.» Le débat a glissé de la défiance au désarroi. Des jeunes leaders, pourtant engagés, interpellent les responsables : à quoi bon s’impliquer si les règles du jeu sont truquées ? Si les partis recyclent les mêmes visages ? Si les «nouvelles générations» se contentent d’être de simples figurants ?

En réponse, M. Benabdallah tente de rester positif : «Tous les partis ne se valent pas. Il y a ceux qui organisent des forums de façade, avec 3.000 jeunes logés dans des hôtels 5 étoiles, pour l’affichage. Et il y a ceux qui misent sur le terrain, sur la formation, sur l’éthique.» Le PPS, assure-t-il, se situe dans la seconde catégorie. Et de rappeler l’histoire militante du parti fondé en 1943, souvent réprimé pour ses positions en faveur de la démocratie et des droits sociaux. Mais pour lui, la crise actuelle est bien plus profonde. Elle touche aux fondations mêmes de la démocratie représentative. «Le danger, c’est de ne plus croire à rien. Quand les jeunes se détournent du politique, quand les élites s’enferment dans la reproduction, on prépare un vide. Et ce vide est toujours rempli par le pire.» Mais l’hémorragie est là. La démocratie représentative recule, faute d’adhésion, et la politique, pour beaucoup, n’offre plus de projection.
«Il ne suffit pas de dire aux jeunes de venir. Il faut leur céder la place», martèle M. Hammouni. Et d’ajouter, provocateur : «Que chacun se demande : est-ce que je fais partie du problème ?» Pour sa part, M. Benabdallah évoque sans détour «une scène politique gangrenée par les logiques clientélistes», des élections «noyées dans le tsunami de l’argent» et des institutions «vidées de leur sens, car elles ne sont pas investies par des convictions». Mais il oppose à ce constat une exigence : «Si on laisse le terrain vide, il sera occupé par ceux qui ont les moyens de l’acheter. Et vous le savez bien, ces gens-là ne vous représentent pas.» Au fil des prises de parole, un constat s’impose : la fracture ne date pas d’hier. Elle est structurelle, culturelle et souvent intime». M. Hammouni remonte aux années où, dans les campus, les cercles militants formaient les esprits au débat. «Aujourd’hui, l’université est vidée de cette fonction. Il n’y a plus de pépinière d’élus, plus de transmission. Les jeunes n’apprennent plus à se coltiner le réel.»

Une main tendue, mais sans naïveté

Le message du PPS, en creux, est clair : il faut refaire cause commune avec la jeunesse. Mais pas à n’importe quel prix. « Ce n’est pas à vous de venir balayer nos locaux ou de vous asseoir sagement en attendant qu’on vous passe les clés», insiste M. Benabdallah. «Ce qu’on vous propose, c’est de prendre la place. Pas symboliquement. Réellement. À condition d’en avoir la volonté, la compétence et l’audace.» L’idée d’investir de jeunes candidats aux élections législatives de 2026 est évoquée. Pas comme un coup médiatique, mais comme une stratégie de reconquête : «Si on envoie un ou une d’entre vous se présenter à Safi, face à ceux qui ont les poches pleines, il faudra une armée citoyenne derrière. Parce que ce système ne tombera pas tout seul.»

Des limites structurelles... et une promesse à moitié tenue

Mais tout ne dépend pas des partis, concède Nabil Benabdallah. L’ancien ministre pointe également l’absence de mise en œuvre des institutions clés prévues par la Constitution de 2011, censées justement favoriser l’expression citoyenne. «Le Conseil consultatif de la jeunesse, comme le Conseil de la parité, sont des instances prévues dans le texte fondamental du pays. Et pourtant, quatorze ans plus tard, ils n’existent toujours pas. Ce n’est pas un oubli. C’est un choix. Un manque flagrant de volonté politique.» Pour M. Benabdallah, ces retards ne sont pas neutres : ils traduisent un désintérêt manifeste pour les dynamiques participatives, pourtant censées renouveler la relation entre les citoyens et les institutions. «Ces conseils ne sont pas simplement décoratifs. Ils ont un rôle consultatif, oui, mais aussi symbolique et mobilisateur. Leur inexistence reflète une méfiance envers les formes d’implication directe, en dehors des canaux classiques du pouvoir.»
Dans cette critique, la majorité gouvernementale n’est pas épargnée. Le dirigeant du PPS accuse le Rassemblement national des indépendants (RNI) d’avoir « confiné la démocratie participative à des slogans électoraux» et d’avoir ensuite gouverné «dans une logique technocratique, sans réelle volonté d’ouvrir les portes aux jeunes ni à la société civile». Mais M. Benabdallah refuse de tomber dans la posture du parti accusateur qui s’auto-absout. Le PPS, dit-il, a aussi des comptes à rendre. «Oui, nous avons parfois échoué à convaincre. Oui, nous avons mis du temps à faire une vraie place aux jeunes. Mais regardez autour de vous. Ici, ce ne sont pas des figurants qu’on a installés. Ce sont des militantes et des militants qui ont conquis leur espace.»
Un constat que partage Rachid Hammouni, qui cite l’exemple de Nadia Dah, députée PPS et ancienne militante de terrain, saluée comme un «symbole de persévérance et de mérite au féminin». Dans un dernier appel lancé à l’auditoire, M. Benabdallah avertit : «Si nous n’assumons pas ce combat, si nous laissons faire ceux qui transforment les partis en supermarchés politiques, alors ce n’est pas seulement notre formation qui mourra, c’est l’idée même de politique digne.» À ses côtés, Rachid Hammouni renchérit : «Pour les jeunes, il ne s’agit plus de coller des affiches ou de servir le thé. Aujourd’hui, il faut oser porter des candidatures, occuper les espaces, arracher les clés.»
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