Yousra Amrani
23 Décembre 2024
À 17:52
Le
Parti du progrès et du socialisme (PPS), par la voix de son secrétaire général,
Nabil Benabdallah, a tiré à boulets rouges sur l’action gouvernementale. Lors de la cinquième session du comité central du parti, tenue dimanche dernier, celui-ci a présenté un rapport accablant, mettant en exergue les lacunes des
politiques publiques et les échecs multiples de l’Exécutif, qu’il accuse de creuser davantage les inégalités sociales et économiques dans le pays.
Le chef de file du parti du Livre a commencé ainsi son discours en critiquant vivement le récent remaniement ministériel. Il a déclaré que «le gouvernement s’est contenté d’un simple remaniement, sans pour autant procéder à une réforme en profondeur du contenu des politiques menées». Le responsable a ajouté que ce remaniement suscitait «des inquiétudes accrues au sein de l’opinion publique nationale quant à l’avenir des services publics et aux risques croissants de conflits d’intérêts». Dans ce sens, il a mis en avant les nombreuses interrogations soulevées par ces changements, notamment concernant la capacité de certains nouveaux ministres à assumer des responsabilités aussi importantes.
La Chambre des représentants a adopté, vendredi dernier, le projet de loi de Finances 2025 dans une atmosphère plutôt tendue, avec 171 voix pour, 56 contre et une abstention. L’opposition, menée par l’USFP, le PJD et le PPS, a livré une bataille acharnée, en Commissions comme en plénière, contre un texte qui, selon elle, ne répond pas aux attentes sociales des Marocains. Les trois formations politiques ont détaillé leurs griefs lors d’une séance plénière houleuse, pointant notamment le déséquilibre institutionnel, la marginalisation de l’opposition et l’insuffisance des mesures sociales. Au cœur de leurs critiques : l’incapacité du gouvernement à répondre aux défis liés à la préservation du pouvoir d’achat et à la promotion de l’emploi, dans un contexte marqué par des tensions sociales croissantes.
Le PPS dénonce le mépris du gouvernement envers les voix de l’opposition
Le secrétaire général a également dénoncé l’attitude persistante du gouvernement, accusé de continuer à faire preuve de son «mépris habituel en ignorant toute voix opposée». Il a fustigé le recours à un discours empreint de «satisfaction excessive et de complaisance envers soi-même», tout en négligeant, selon lui, «les souffrances des Marocains et la détérioration de leurs conditions sociales». Le même responsable a également exprimé sa préoccupation concernant «les difficultés auxquelles fait face l’entreprise marocaine», déplorant l’absence de mesures concrètes pour y remédier.
Lors de son intervention, le chef de file du parti du Livre n’a pas manqué de pointer du doigt également la faible stratégie de communication du gouvernement, dénonçant ainsi une «retentissante absence politique du gouvernement», doublée d’un «faible engagement communicationnel». Il a également fustigé l’incapacité de l’Exécutif à anticiper les tensions sociales et la lenteur dans leur gestion. Prenant ainsi exemple sur la crise dans le secteur de l’éducation, il a évoqué celle des Facultés de médecine et de pharmacie, qui s’est prolongée tout au long de l’année universitaire. «Une situation ayant engendré des répercussions négatives difficiles à rattraper», a-t-il souligné, mettant en lumière les lacunes de l’action gouvernementale dans des secteurs clés.
Hausse des prix et choix économiques contestés
Sur un autre registre,
Nabil Benabdallah a fustigé ce qu’il a qualifié de «hausse vertigineuse des prix face à des mesures gouvernementales sélectives ou d’impact limité». Il a notamment critiqué le projet de loi de Finances, qu’il a décrit comme le «quatrième du genre à perpétuer des politiques et des choix économiques antérieurs, déjà utilisés et inefficaces», incapables, selon lui, de répondre aux défis posés par la montée de la pauvreté, l’érosion du pouvoir d’achat et les difficultés des entreprises marocaines, étouffées par les pressions économiques.
Abordant le volet relatif aux
hydrocarbures soulevé par le rapport, le responsable politique a vertement critiqué le «refus obstiné du gouvernement de relancer l’activité de la raffinerie la Samir», soulignant son rôle stratégique dans la réduction de la facture énergétique, le stockage et le raffinage, ainsi que dans la garantie de la souveraineté énergétique du pays. Il a précisé qu’en conséquence de cet entêtement gouvernemental, le Maroc a importé environ 153 milliards de dirhams de produits énergétiques en 2022, et près de 122 milliards de dirhams en 2023. En parallèle, le numéro 1 du parti du PPS a tenu à dénoncer «la hausse continue et excessive des prix des produits de consommation et des services», qu’il considère comme le principal facteur ayant poussé 3,2 millions de Marocains à basculer sous le seuil de la pauvreté et de la précarité. Une situation qu’il a attribuée à l’absence de politiques gouvernementales efficaces pour protéger les citoyens les plus vulnérables.
Le PPS critique sévèrement les lacunes de l’action gouvernementale
Par ailleurs, cherchant à mettre en lumière les «nombreuses failles» du gouvernement actuel, le secrétaire général du parti du Livre a critiqué le soutien accordé à plusieurs catégories de professionnels sans résultat, notant dans ce sens que les 8,6 milliards de dirhams alloués aux transporteurs et les 13 milliards destinés aux importateurs de bovins et d’ovins n’ont eu finalement «aucun impact positif significatif sur le pouvoir d’achat des Marocains». Le responsable politique a également dénoncé l’incapacité du gouvernement à exercer un contrôle efficace sur les marchés, à lutter contre la spéculation et les monopoles, ainsi qu’à plafonner les prix du gazole et de l’essence.
Emploi et dépendance à l’endettement
Évoquant le taux d’employabilité, Nabil Benabdallah n’a pas manqué de critiquer également l’augmentation sans précédent du chômage, qualifiant cela de «point le plus sombre des échecs économiques du gouvernement». En se référant aux chiffres prévus dans le cadre du rapport du bureau politique, le responsable politique a rappelé que le nombre de chômeurs a dépassé 1,6 million, portant le taux de chômage à 13,6%, alors que le gouvernement avait promis de créer un million d’emplois.
Plus loin dans son discours et abordant les dysfonctionnements relevés dans le domaine économique, le responsable politique a exprimé son inquiétude face à la faillite de 27.000 entreprises entre 2021 et 2023, ainsi que la poursuite d’une dépendance excessive à l’endettement et l’incapacité à attirer suffisamment d’investissements privés. Il a également remis en question la transparence et la gouvernance des projets bénéficiant de diverses formes de soutien, craignant qu’ils ne deviennent des «foyers de rente et de conflits d’intérêts».
Gestion controversée de l’aide sociale directe et de la couverture médicale
Sur le plan social, le parti a critiqué l’échec du gouvernement à inciter les professionnels indépendants et les travailleurs non salariés à adhérer au chantier de la couverture médicale. Selon le rapport, 8,5 millions de Marocains restent exclus de ce programme essentiel, tandis que des seuils jugés «injustes» imposent des cotisations à des familles incapables de les payer. Le PPS a également accusé le gouvernement de tenter de réduire les coûts réels du soutien social direct en adoptant des critères d’exclusion «insensés», privant ainsi des milliers de familles de ce soutien. Il a également dénoncé l’interruption de cette aide pour certaines familles après seulement quelques mois, ainsi que l’abandon de l’engagement à instaurer un «revenu de dignité» pour les personnes âgées et la suppression de programmes sociaux antérieurs sous prétexte de rationalisation.
«Si le gouvernement se félicite de distribuer une aide directe, souvent limitée à 500 dirhams, environ 4 millions de foyers bénéficient de ce soutien, cela signifie que 14 à 15 millions de Marocains vivent sans aucune source de revenus autonomes, en dessous du seuil de pauvreté. Cette situation est un indicateur grave de l’élargissement de la pauvreté sous l’actuel Exécutif. Il est important également de souligner l’absence de réponses claires de la part du gouvernement sur la manière dont il entend s’acquitter de sa mission d’intégration sociale et économique de ces millions de citoyens, et de les sortir de leur situation de précarité», note M. Benabdallah.
En conclusion, le Parti du progrès et du socialisme a mis en garde contre l’élargissement préoccupant des inégalités et de la précarité sous l’actuel gouvernement. Nabil Benabdallah a appelé dans ce sens à une refonte en profondeur des politiques publiques, soulignant l’urgence d’agir pour protéger les citoyens les plus vulnérables et assurer un développement socio-économique équitable. À ses yeux, le statu quo ne peut plus durer face aux défis grandissants auxquels le Maroc est confronté.