Yousra Amrani
10 Décembre 2024
À 17:05
La
Commission nationale des médecins internes et résidents (CNIR) intensifie son mouvement de grève dans les établissements publics de santé. Au rythme de deux
débrayages hebdomadaires, depuis octobre dernier, elle cherche à faire entendre ses revendications auprès des ministères de tutelle, mais sans succès. Cette semaine encore, la commission a annoncé une nouvelle mobilisation nationale prévue ce jeudi 12 décembre, après une première journée de grève mardi. Ces actions, qui visent une paralysie des services hospitaliers, préservent toutefois les services essentiels comme les
urgences, la
réanimation et les gardes pour garantir la continuité des soins.
Dans son communiqué, la commission a tenu à préciser que la grève se limitait aux
activités hospitalières. Elle appelle l’ensemble des médecins et des acteurs concernés à se mobiliser pour garantir le
succès de ce mouvement, conçu comme un cri d’alarme face à l’indifférence affichée par les
ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur. Un appel à mobilisation qui n’est d’ailleurs pas sans soulever une question cruciale : quelles sont les véritables raisons de ces débrayages répétés ? Il semblerait que les professionnels de la santé dénoncent d’abord le retard inexpliqué de la reprise du dialogue avec les deux ministères, interrompu depuis septembre dernier. Un silence inexpliqué que les
médecins internes et résidents ont du mal à interpréter. Par conséquent, ces derniers n’ont trouvé d’autre choix que de recourir à la grève pour exprimer leurs revendications.
Des revendications centrées sur la reconnaissance et la revalorisation
S’agissant des revendications, la CNIR met en avant un cahier revendicatif détaillé. Les doléances des médecins internes et résidents concernent principalement une revalorisation financière et une amélioration des conditions de travail. Les internes, encore en formation durant les deux dernières années de leurs études, estiment que leur rémunération actuelle ne reflète pas leurs responsabilités, notamment dans les services d’urgence. Ils demandent une revalorisation de leurs indemnités.
De leur côté, les résidents plaident pour une harmonisation salariale. Ils réclament que la rémunération des «bénévoles», actuellement fixée à 3.500 dirhams, soit alignée sur celle des contractuels, soit 12.000 dirhams. La CNIR souligne que les deux catégories disposent du même diplôme et exercent des fonctions identiques. En parallèle, la Commission revendique une révision des indemnités liées aux gardes et aux astreintes. Elle propose de porter l’indemnité de garde de 186 à 500 dirhams et celle d’astreinte à 200 dirhams, estimant ces révisions nécessaires pour mieux reconnaître les efforts déployés par les médecins.
Améliorer les conditions de travail et alléger les contraintes contractuelles
Au-delà des revendications financières, les médecins insistent également sur la nécessité de garantir des conditions de travail plus décentes. Parmi leurs demandes figure notamment l’instauration d’un repos obligatoire après les gardes de nuit, jugé indispensable pour leur santé et leur efficacité. Un autre point de tension concerne la durée des contrats des résidents contractuels avec l’État ou les CHU, actuellement fixée à huit ans. La Commission milite pour ramener cette durée à deux ans, afin d’offrir davantage de flexibilité et de perspectives de carrière aux jeunes médecins. En outre, la pénalité imposée en cas de démission, qui oblige les médecins à rembourser le double des salaires perçus tout au long de la durée du résidanat, est jugée disproportionnée et dissuasive.
Une formation menacée ?
Par ailleurs, la CNIR s’oppose fermement à la délocalisation de la formation des médecins des Centres hospitaliers universitaires (CHU) vers des établissements régionaux. Elle estime que ces derniers ne disposent pas encore des infrastructures et des conditions pédagogiques nécessaires. La Commission insiste en outre sur l’importance de maintenir les médecins sous contrat, principalement dans les CHU, afin de garantir la qualité de la formation et des soins dispensés. «Nous n’avons pas souhaité opter pour les grèves, mais c’était notre dernier recours. Par cette mobilisation, nous espérons attirer l’attention des ministères de tutelle sur les dysfonctionnements qui freinent la refonte du système de santé», souligne Ali Farissi, coordinateur de la CNIR. En effet, déterminés à obtenir des réformes structurelles dans la formation et la fonction publique de santé, les médecins en grève semblent afficher une volonté claire : faire entendre leur voix et obtenir des avancées concrètes. La grande interrogation demeure : le gouvernement répondra-t-il à leurs attentes ou persistera-t-il dans le silence ?