Opinions & débâts : Lettre contre la guerre

Elle montre que l'homme n'a pas changé depuis des millénaires ou si peu, que le non-droit, la raison du plus fort, l'amoralité, l'égoïsme, le mensonge, la démagogie, l'humiliation de l'Autre, la prédation de ses richesses, sa spoliation et même son élimination psychologique ou physique continuent à régir les relations humaines, sont érigés en mode de pensée, en règles de fonctionnement des pays occidentaux ou de leurs serviteurs.

Le tout étant naturellement enrobé d'humanisme, de discours manichéens, moralisateurs, civilisateurs, pour justifier ses crimes, ses atrocités, son injustice, sa cupidité, son manque de charité humaine, pour se donner bonne conscience, jeter de la poudre aux yeux des ignorants, des naïfs, des désinformés.

Et on utilise aussi Dieu, on se cache derrière Lui pour cela, oubliant ou foulant aux pieds Ses commandements. Il faut espérer que Celui-ci existe, car s'Il est vraiment comme on Le décrit nul doute que ceux qui parlent en son nom, qui se réclament de Lui et ne cessent de bafouer Ses commandements, doivent s'attendre aux pires châtiments. Mais il semble qu'Il n'existe pas vu combien ses adorateurs s'assoient dessus.

Tout cela rappelle la traite des Nègres, l'esclavage, la colonisation et la néo-colonisation, l'extermination des Amérindiens et des Palestiniens, celle des Juifs et des Tziganes, toutes les guerres, tous les massacres perpétrés sur cette terre.

Personne épris de liberté, d'égalité, d'humanisme et d'universalité, ne peut soutenir une dictature quelle qu'elle soit. Personne ne peut soutenir raisonnablement que pour l'élimination d'une dictature, d'un régime, il faille tuer des milliers d'innocents, qu'il faille détruire tout un pays. Et cela, sans preuve du danger qu'il représente, ni sans aller jusqu'au bout de toutes les possibilités diplomatiques.

Et personne n'ignore les véritables raisons de l'agression de l'Irak par les Etats-Unis. Les sphères dirigeantes asiatiques et surtout européennes encore moins que tout le monde, qui ont eu la possibilité de prendre leurs responsabilités d'une manière ferme face aux agissements hors-la-loi des Etats-Unis. Mais elles n'en ont pas eu le courage.

D'ailleurs, certaines d'entre elles n'agissent pas bien différemment en Asie ou en Afrique. Et, en dépit des discours de toutes sortes, il est impossible de croire une seule fois que les puissants de ce monde ont pensé au peuple irakien, à l'horrible et terrible tragédie qui allait le frapper, aux souffrances qu'il allait encore endurer pendant des années. Ce qui est d'ailleurs le cas pour d'autres contrées du monde, regorgeant de richesses qu'ils convoitent, qu'ils accaparent au prix du sang, de la vie, de la misère des populations autochtones.

Mais il est vrai que pour eux l'Autre ne compte pas, n'existe pas s'il est différent, s'il ne possède pas les moyens de faire peur. Et on se sent fort quand on sait d'avance qu'on ne risque rien, qu'on aura des faibles face à soi, qu'on les vaincra facilement. La honte est inconnue des puissants.

Et il est impossible de penser que les puissants de ce monde aspirent à la paix universelle quand ce sont eux qui fabriquent les dictateurs, qui les imposent, les arment, les utilisent pour leurs intérêts, ou qui essayent de s'en débarrasser coûte que coûte lorsqu'ils ne leur conviennent plus. Cela, au mépris de la vie humaine. Leurs intérêts passent avant tout.

Les Etats-Unis, en agressant l'Irak sans preuve valable des accusations portées contre ce pays, et en bafouant le droit international, ont une responsabilité incommensurable sur les tragédies qui s'y déroulent, sur les milliers de morts qui en découleront. Ils porteront la lourde responsabilité de l'affaiblissement, du discrédit des Nations unies, de toutes les crises futures qui y surgiront, de toutes les haines, de toutes les amertumes qui ne manqueront pas de naître ici ou là en dépit des affirmations contraires.

Mais cette responsabilité, les grandes puissances, qui, tout en parlant de globalisation, de mondialisation, n'ont toujours pas, dans les actes, de vision égalitaire, universelle, la portent aussi. Elles ont fait ce qu'est devenu le monde, ou elles y ont contribué. Elles ont laissé les Etats-Unis agir. En tout cas, elles n'ont certainement pas pesé de tout leur poids pour éviter ce qu'on appelle la guerre contre l'Irak.

Et nous tous, même si nous n'avons pas un pouvoir de décision direct, nous portons tous la responsabilité des morts, des souffrances de l'Irak.
Que serait-il advenu si toute la planète s'était levée comme un seul homme pour faire en sorte que la voie diplomatique continue ? Mais qu'a-t-on vu au plus fort des manifestations contre la guerre ? Dix millions de personnes dans la rue sur plus de six milliards d'êtres humains ! Chiffre important mais en même temps dérisoire !

Que serait-il advenu si les populations de tous les pays engagés dans l'agression contre l'Irak avaient dénoncé avec force la politique de leur gouvernement ?
Nous avons tous une responsabilité dans la tragédie, l'horreur irakienne.
Nous n'avons pas encore compris que c'est chacun de nous qui construit l'homme et le monde. Nous n'avons pas encore compris que nous vivons les uns avec les autres, que nous dépendons de plus en plus les uns des autres, que d'une manière ou de l'autre nous subissons les conséquences de tout acte posé contre l'Autre. Non plus que chaque homme a le droit de vivre, que la vie est sacrée, qu'on ne peut l'ôter impunément. Et on croit en Dieu !

Il ne s'agit pas seulement de regretter l'agression contre l'Irak, mais de la dénoncer, de la condamner, de faire en sorte qu'elle cesse. Elle est une abomination portée contre chacun de nous. Et la communauté internationale n'a pas le droit de laisser les Etats-Unis étendre leur hégémonie sur la planète, de la mettre à feu et à sang selon leur humeur, selon leurs intérêts.

Personne ne peut savoir les conséquences incalculables de l'agression contre l'Irak, mais il n'est pas besoin d'être devin pour comprendre que l'homme est un véritable danger pour l'homme, que les puissants écraseront toujours les plus faibles pour se sentir forts, pour les voler, que la paix du monde se trouve entre les mains des Nations unies, de Nations unies militairement plus fortes que toute autre puissance, capables d'imposer leurs résolutions, de sévir si elles ne sont pas respectées. La paix du monde et la nôtre, dans les pays en développement, en dépendent.

Mais les puissances de ce monde, ont-elles vraiment la paix, la liberté, la justice et la fraternité pour objectifs ?


Daniel Biyaoula (*) - Est congolais. Il est docteur en microbiologie et auteur de nombreux essais et romans.