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Passage aux changes flottants : le complexe du bon élève

Ça y est, cette fois, c’est la bonne ! Le passage aux changes flottants n’est l’affaire que de quelques mois, voire de quelques semaines, si l’on croit les dires du gouverneur de Bank-Al-Maghrib. Ce qui était annoncé, il y a quelques mois, comme une piste de réflexion pour améliorer la compétitivité de l’économie marocaine s’est transformé, il y a quelques jours, en une décision de nature à réussir la transformation du Maroc en hub financier régional. Le passage aux changes flottants permettrait-il de réaliser le premier objectif (soutien à la compétitivité) ou le second (aide à la réussite de CFC) ? Aucun des deux, malheureusement, et voici pour quelles raisons.

Passage aux changes flottants : le complexe du bon élève
La fixation des taux d’intérêt devra, à l’avenir, prendre en considération, en plus de nos propres contraintes de politique économique, le niveau des taux d’intérêt chez nos partenaires commerciaux, ce qui réduit de facto l’indépendance ou, du moins,

Améliorer la compétitivité : Soyons sérieux !

Dans une allocution prononcée à l’occasion de l’assemblée générale de l’Association professionnelle des sociétés de financement en juin 2014, Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM), avait présenté les grands contours de la loi bancaire tout juste approuvée par le Parlement. Dans son exposé, il avait avancé que ladite loi anticipait les évolutions prévisibles de notre régime de changes, qui devait passer au système dit de changes flottants avec toutes les conséquences qui en découlent, en vue de gagner la bataille de la compétitivité et accéder au rang de pays émergent.

Au-delà des effets d’annonce, l’évolution vers une convertibilité totale du dirham (mouvements libres des capitaux) suppose, en vertu de la loi économique dite de Mundell, que notre Institut d’émission renonce à la liberté de fixer les taux directeurs (et donc de lutter contre l’inflation), ou abandonne le régime de changes fixes. C’est donc la deuxième option qui a été choisie, à savoir le passage à un régime de changes flexibles, et donc la perte du pouvoir de fixer la valeur du dirham. Cette résolution était, selon M. Jouahri, nécessaire à l’amélioration de la compétitivité de notre économie. Serait-ce le cas ?

Précisons tout d’abord que la parité d’une monnaie (son rapport de changes par rapport aux autres devises) est fixée soit par une Banque centrale par rapport à une ou plusieurs devises (changes fixes), soit directement par la loi du marché (changes flottants). Dans ce dernier cas, la Banque centrale «perd la main» sur sa monnaie qui fait l’objet de transactions comme n’importe quel actif financier. Pour avoir un effet positif sur la compétitivité, il faut que le dirham, dans un régime de changes flottants, ne s’apprécie pas fortement par rapport aux devises des pays vers lesquels nous exportons (essentiellement l’Europe), sinon nos produits deviennent plus chers et donc moins compétitifs. Or dans un système de changes flottants, la valeur d’une devise est fixée par les investisseurs en fonction de la loi de l’offre et de la demande. Plusieurs raisons peuvent donc motiver les investisseurs dans leur décision d'acheter une devise plutôt qu’une autre.
La première tient au niveau des taux d'intérêt. Plus les taux d'intérêt d'un pays sont élevés, plus sa monnaie est attractive pour les investisseurs et plus elle s’apprécie. Ainsi, toute augmentation des taux d’intérêt par BAM se traduira mécaniquement par une appréciation du dirham et donc une perte de compétitivité du pays. La fixation des taux d’intérêt devra, à l’avenir, prendre en considération, en plus de nos propres contraintes de politique économique, le niveau des taux d’intérêt chez nos partenaires commerciaux, ce qui réduit de facto l’indépendance, ou du moins, les marges de manœuvre de notre Banque centrale.

D’autre part, le dynamisme économique d'un pays qui enregistre des taux de croissance élevés attire les investisseurs qui misent sur sa monnaie, l’apprécient et donc annulent sa compétitivité (cas de l’euro). Paradoxalement, la compétitivité peut conduire, par un mécanisme de changes, à un affaiblissement de celle-ci. Toutefois, le plus dangereux dans un tel système est qu’il favorise la menace spéculative qui peut déstabiliser un pays et amenuiser ses réserves en devises. En 1992, la Banque d'Angleterre avait dépensé 50 milliards de livres pour soutenir sa monnaie, contre l’attaque de Georges Soros, mais en vain. Elle se résout finalement à la dévaluer de 15%. En 1997, les attaques contre la Thaïlande avaient déclenché la «crise asiatique». D'autres crises, facilitées par le régime de changes, ont régulièrement lieu (crise du rouble, crise du peso mexicain, crise de l'euro en 2010). La bataille pour la compétitivité est un travail sérieux de fond et de long terme, et non un simple cosmétique monétaire. Si seulement c’était aussi facile que cela !

Réussite de CFC : le ver est dans le fruit

La publication des résultats des sociétés cotées et les scandales à répétition des émetteurs, sous le regard presque surpris des autorités de supervision, ont révélé le profond torrent de boue dans lequel notre Bourse continue de se rouler. Les événements de ce premier trimestre ont donné un coup de grâce à ce que les insuffisances de la gestion de la ville de Casablanca ont déjà entamé, compliquant davantage la réussite du projet Casa Finance City (CFC), loin des classements flatteurs qui ne trompent personne.
Ainsi, au lieu de s’atteler à résoudre d’urgence ces deux tares (marché boursier à l’agonie et gestion chaotique de la métropole), nous pensons, un peu trop vite comme d’habitude, que de simples décisions administratives, suffisent à transformer de l’immobilier financier qu’est CFC aujourd’hui, en un centre financier régional florissant. Encore une fois, si seulement c’était aussi simple !

Le syndrome du «bon élève de la classe FMI», qui explique dans le fond cette nouvelle lubie, s’est répandu dans toutes les sphères de décision économique dans notre pays et l’avis des agences de notation oriente désormais la boussole de nos politiques publiques. Rappelons-nous que quelques jours avant l’éclatement de la crise des subprimes, les agences de rating donnaient encore les meilleures notes aux actifs les plus toxiques et que les recettes à l’emporte-pièce du FMI aggravent, souvent, le mal au lieu de le guérir.
Demandez à la Grèce ! 

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