23 Novembre 2025 À 18:45
Le 21 novembre 2025, lors d’une conférence de presse, trois jours avant le lancement des travaux de la 93e Assemblée générale de l'Organisation internationale de police criminelle (OIPC-Interpol), qui s'ouvre ce lundi à Marrakech, le président d'Interpol a mis en avant des chiffres qui donnent le vertige. Cinquante organisations criminelles démantelées. Soixante-dix tonnes de drogues saisies pour une valeur de 12 milliards de dollars. Plus de 17.500 arrestations de criminels majeurs. Derrière ces statistiques mondiales se cache une contribution marocaine que le général-major Ahmed Naser Al-Raisi, le président d'Interpol, a tenu à mettre en lumière. «La plupart des opérations menées dans la région ont vu le Maroc figurer parmi les premiers pays présents», affirme-t-il sans ambages. Cette reconnaissance est bien plus qu’une simple formule de courtoisie. Et pour cause, elle s'appuie sur des résultats concrets qui placent le Royaume au rang des nations les plus actives dans la coopération policière internationale.
L'opération Neptune, un succès retentissant
Parmi les faits d'armes récents de cette collaboration internationale, l'opération Neptune occupe une place particulière. M. Al-Raisi évoque «une des opérations les plus importantes» menées cette année. Les chiffres sont éloquents : 135 suspects arrêtés, 325 criminels recherchés identifiés. Mais l'élément le plus spectaculaire de cette vaste opération concerne la saisie d'un navire ayant transporté du nitrate d'ammonium utilisé dans l'explosion du port de Beyrouth en 2020. «C'est peut-être la troisième plus grande explosion au monde par son ampleur. Plus de 200 personnes sont décédées et plus de 6.000 ont été blessées dans cet incident», rappelle le président d'Interpol. «C'est une réalisation extraordinaire au confluent de l'Afrique, le monde arabe et l'Europe, et le Maroc se trouve à la tête des pays y ayant participé pour atteindre ce résultat».Un arsenal juridique avant-gardiste
Au-delà des opérations spectaculaires, c'est toute l'architecture juridique marocaine qui s'est adaptée aux exigences de la coopération internationale. Boubker Sabik, porte-parole de la Direction générale de la Sûreté nationale, dévoile un élément crucial de ce dispositif : «Le Royaume du Maroc a procédé à l'adaptation et à l'actualisation de son système législatif. L'article 729 du Code de procédure pénale a donné une valeur juridique aux notices rouges». Cette disposition permet au représentant du Ministère public d'ordonner l'arrestation de toute personne faisant l'objet d'une notice rouge émise par Interpol. Les résultats ne se sont pas fait attendre. «Au cours des deux dernières années, cette mesure a permis l'arrestation de plus de 70 personnes recherchées internationalement, détenant 25 nationalités différentes, provenant des cinq continents», précise le porte-parole de la DGSN.Une expertise de pointe en cybersécurité
Face à la menace croissante de la cybercriminalité, le dispositif marocain s'est structuré autour d'une organisation pyramidale particulièrement efficace. Dkhissi détaille cette architecture ainsi : «Au niveau national, 40 brigades régionales sont spécialisées dans la lutte contre la cybercriminalité. Nous disposons d'un bureau national, d'une brigade nationale à compétence nationale et d'un service central qui assure le suivi et le contrôle de ces brigades».Le défi sahélien et la menace terroriste
La lutte antiterroriste constitue un autre volet majeur de l'engagement marocain. Les chiffres évoqués lors de la conférence de presse donnent la mesure du défi : plus de 50% des victimes du terrorisme mondial se trouvent dans la région du Sahel. «Nous savons bien ce que vit l'Afrique, et particulièrement la région du Sahel au sud du Sahara, en termes de défis majeurs qui s'imposent non seulement à la région, mais au monde entier», fait observer M. Al-Raisi. Le Maroc abrite d'ailleurs le Bureau des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme, témoignage de la confiance internationale dans les capacités du Royaume. Les démantèlements réguliers de cellules terroristes, tant sur le territoire national qu'à l'étranger, illustrent la vigilance des services marocains. Cette expertise se traduit également par une coopération régionale renforcée. «Le Maroc, en tant que vice-président d'Interpol pour l'Afrique, ne ménage aucun effort pour promouvoir sa coopération avec les États du continent, notamment en ce qui concerne la formation et les opérations conjointes», affirme le président d'Interpol.Les nouveaux visages du crime organisé
Au-delà des menaces traditionnelles, les forces de sécurité marocaines doivent faire face à des formes émergentes de criminalité. M. Al-Raisi évoque les défis posés par «le dark web, l'utilisation de l'intelligence artificielle» et ces nouvelles drogues de synthèse qui envahissent les marchés illicites. Les chiffres communiqués lors de la conférence témoignent de l'ampleur de la lutte contre la criminalité financière : 5.000 comptes bancaires fermés, 50 portefeuilles électroniques saisis. Les réseaux de fraude transnationaux constituent une priorité de l'Assemblée générale qui s'ouvre à Marrakech.Un modèle de coopération bilatérale
Les liens entre le Maroc et les Émirats arabes unis, pays d'origine du président d'Interpol, constituent un exemple de cette coopération efficace. M. Dkhissi qualifie ce partenariat d'«excellent, à un niveau très élevé, que ce soit entre les agents d'application de la loi ou entre les services des institutions sécuritaires en général». Cette relation bilatérale s'inscrit dans une vision plus large de coopération Sud-Sud, où les pays du Maghreb, du Golfe et d'Afrique subsaharienne mutualisent leurs ressources et leurs expertises face à des menaces qui ne connaissent pas de frontières.Une désignation par acclamation
L'unanimité qui a marqué la sélection de Marrakech mérite d’être soulignée. Comme le précise Mohamed Dkhissi, préfet de police, directeur de la Police judiciaire et vice-président d'Interpol pour l'Afrique, «c'est la première fois qu'il n'y a pas eu de vote. C'était par acclamation. Les 196 pays membres ont applaudi». Cette approbation sans réserve témoigne de la confiance internationale placée dans les capacités organisationnelles et sécuritaires du Maroc.Un carrefour géostratégique au service de la coopération
À cet égard, M. Al-Raisi insiste particulièrement sur la dimension géographique qui fait du Maroc un acteur incontournable de la sécurité internationale. «Le Maroc, de par sa position géographique privilégiée au carrefour de l'Afrique, du monde arabe et de l'Europe, ne cesse d'œuvrer afin de favoriser la communication et la coopération entre les différents continents», fait-t-il observer. Cette position de trait d'union entre trois espaces distincts confère au Royaume un rôle unique dans l'architecture sécuritaire mondiale. «C'est un pont, un des ponts solides que le Maroc a établis pour la communication entre ces continents», précise le président d'Interpol, évoquant les «grands événements sécuritaires» qui touchent ces régions et nécessitent une coopération étroite. Cette reconnaissance s'inscrit dans une continuité. Déjà en 2007, le Maroc avait accueilli les responsables de la sécurité mondiale, prouvant sa capacité à orchestrer de tels sommets.Une Assemblée générale aux enjeux multiples
L'instance dirigeante suprême d'Interpol se réunit ainsi durant quatre jours pour prendre «toutes les décisions importantes concernant la politique générale, les ressources nécessaires à la coopération internationale, les méthodes de travail et les finances», expliquent les organisateurs. Ces décisions prendront la forme de résolutions adoptées selon le principe démocratique : un pays, une voix. L'ordre du jour de cette 93e session s'annonce particulièrement dense. Outre l'adoption du programme d'activités, du cadre stratégique et du budget de l'Organisation, les délégués aborderont des thématiques cruciales : la lutte contre la criminalité organisée transnationale, le démantèlement des centres de fraude, le renforcement des capacités policières mondiales, ou encore la promotion des femmes dans les forces de police.La révolution numérique au cœur de l'événement
L'autre particularité de cette session réside dans son caractère 100% digital. «Pour la première fois dans l'histoire de l'Organisation centenaire, l'Assemblée sera entièrement numérisée», annonce le président d'Interpol. Toutes les informations seront transmises électroniquement aux délégués via une plateforme dédiée, illustrant la transformation technologique que connaît l'organisation. Cette nouveauté s'inscrit dans la vision portée par M. Al-Raisi depuis son élection. «La modernisation de cette Organisation était au cœur de ma campagne électorale», rappelle-t-il. «Aujourd'hui, la modernisation est un élément essentiel pour suivre le rythme de la criminalité, notamment dans ce monde interconnecté en matière de cybersécurité et de crimes transfrontaliers».Un tremplin vers les grands rendez-vous sportifs
Si cette Assemblée générale confirme la stature internationale du Maroc, elle constitue également un galop d'essai avant des échéances sportives majeures. M. Al-Raisi ne manque pas de féliciter le Royaume «pour l'organisation de la Coupe d'Afrique 2025 et du Mondial de football 2030», se déclarant convaincu que «le Maroc a la capacité d'accueillir les plus grands événements mondiaux». L'Organisation internationale de police criminelle mettra d'ailleurs son expertise à disposition du Royaume pour ces manifestations. Le système STADIA, déjà utilisé lors de précédentes Coupes du monde, permettra d'identifier parmi les millions de visiteurs attendus les individus représentant une menace potentielle. «Vous pouvez savoir qui sont les bons et les mauvais parmi eux», explique M. Al-Raisi, évoquant l'utilisation des bases de données d'Interpol. La continuité de cette coopération sécuritaire pour les grands événements à venir témoigne de la relation de confiance établie entre l'Organisation et les autorités marocaines. «Nous avons toute confiance dans la capacité du Maroc à accueillir avec grand succès de telles manifestations sportives internationales», assure le président d'Interpol.