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Projet de loi sur l’enseignement supérieur : des députés exigent des explications

La réforme de l’enseignement supérieur au Maroc s’impose comme l’un des dossiers les plus sensibles de cette rentrée universitaire. Le projet de loi adopté récemment par le Conseil du gouvernement, censé moderniser le système, est désormais au cœur d’une vive polémique. Entre syndicats qui se mobilisent et enseignants qui manquent de visibilité, le texte cristallise le malaise de tout un secteur. Face à cette montée de tension, un appel parlementaire pour une réunion urgente de la Commission de l’éducation au sein de la Chambre des représentants en présence du ministre de tutelle a été lancé afin de mettre toute la lumière sur les détails du nouveau projet de loi et de ses implications éventuelles.

09 Septembre 2025 À 17:20

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Le projet de loi relatif à la réforme de l’enseignement supérieur, récemment adopté par le Conseil du gouvernement, continue de susciter de vives réactions. En effet, le Syndicat national de l’enseignement supérieur a appelé à une réunion urgente le 14 septembre pour élaborer un programme de lutte visant à suspendre la procédure législative et ramener le texte sur la table des négociations. De son côté, le groupe parlementaire du Parti du progrès et du socialisme (PPS) a également haussé le ton.

Le PPS exige des explications du ministre

Dans une correspondance adressée lundi au président de la Commission de l’éducation, de la culture et de la communication, Rachid Hammouni, président du groupe parlementaire du PPS, a insisté sur la nécessité d’une réunion urgente en présence du ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation, Azzedine El Midaoui. Cette rencontre devra aborder le thème de «la rentrée universitaire, entre la réforme de la réforme et l’absence d’approche participative».

Une méthodologie jugée «non participative»

Dans le détail, le groupe parlementaire d’opposition critique la démarche adoptée par le ministère de tutelle, estimant que l’élaboration du projet de loi a été marquée par l’exclusion des principaux acteurs. «L’adoption et la mise en œuvre des cahiers des charges pédagogiques de façon unilatérale seraient l’expression d’une logique d’expérimentation improvisée, au détriment de la stabilité et de l’efficacité de la réforme», souligne M. Hammouni dans sa correspondance. Dans le même sens, le président du groupe parlementaire souligne l’importance d’ouvrir un débat sur la gestion des revendications professionnelles et morales des enseignants-chercheurs, ainsi que sur le respect du dialogue social sectoriel, censé apporter des solutions durables.

Les prémices d’une nouvelle crise universitaire

Par ailleurs, le groupe parlementaire alerte sur le risque de tensions croissantes dans les universités à l’occasion de la rentrée, d'autant que le gouvernement semble afficher la volonté de mener les réformes dans le secteur de l’enseignement supérieur sans véritable concertation avec les enseignants et les étudiants. Il dénonce en outre une approche «où chaque ministre impose sa propre vision fragmentée, compromettant la cohérence et la continuité des réformes», et enfermant le secteur dans une sorte de «spirale de la réforme de la réforme».

Une polémique renforcée par l’annulation des recherches

Cette correspondance intervient alors qu’une autre polémique agite le secteur : la décision du ministère d’annuler les projets de recherche de fin d’études dans les cycles de la licence et du master, remplacés par des stages pratiques. La députée istiqlalienne Khadija Zoumi a vivement critiqué cette mesure, qualifiée de «décision aux conséquences imprévisibles». Dans une question écrite adressée jeudi dernier au ministre Azzedine El Midaoui, elle a rappelé que «l’université ne peut en aucun cas se détourner de sa mission fondamentale, qui est la production du savoir», insistant sur le fait que les recherches «n’ont jamais constitué une source de problèmes».

Les interrogations soulevées

La parlementaire a ainsi interpellé le ministre sur les fondements de cette décision : s’appuie-t-elle sur des données précises ? Quelle instance garantira une formation pratique de qualité pour l’ensemble des étudiants ? Et surtout, comment un stage pourrait-il se substituer à un travail de recherche académique ? Pour rappel, selon la décision publiée au Bulletin officiel, les étudiants devront désormais effectuer un stage pratique au sein d’entreprises, d’administrations ou d’institutions, sous double encadrement universitaire et professionnel, débouchant sur un rapport détaillé retraçant leur expérience.

Il est clair que la réforme de l’enseignement supérieur, censée moderniser l’université marocaine, cristallise aujourd’hui une forte opposition tant du côté syndical que parlementaire. Entre critique de la méthodologie «non participative» et rejet de l’annulation des mémoires de fin d’études, les tensions risquent de s’intensifier à l’approche de la rentrée universitaire. Le gouvernement est désormais face à un dilemme : persister dans sa démarche ou ouvrir un véritable dialogue inclusif pour éviter une crise sociale et académique majeure.
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