Abdelwahed Rmiche
30 Septembre 2025
À 20:01
Alors que le Maroc vit un moment charnière de son histoire, marqué par des transformations majeures au niveau institutionnel, économique et diplomatique, la moindre anicroche pourrait gripper la machine et offrir à ses rivaux une occasion en or pour le supplanter, voire pour encalminer sa marche vers plus de progrès et de
justice sociale. Autant dire que l’élan réformateur et la dynamique de développement ne doivent en aucun cas être brisés ou même retardés. Et la jeunesse doit être au cœur de cet enjeu vital. Les revendications récentes de la
génération Z sont certes le signe d’une société vivante, d’une jeunesse aux aspirations légitimes et compréhensibles, mais ils sont aussi et surtout le signe d’une classe politique sénescente, sclérosée et en déphasage avec les enjeux du moment.
«Immobilisme des mentalités et carences en termes d’innovation»
Pourtant le signal d’alarme a été lancé à maintes reprises par Sa Majesté le Roi. Dans les discours du Trône, de véritables feuilles de route, le Souverain a toujours attiré l’attention sur l’urgence de s’atteler à mener des politiques économiques et sociales de nature à offrir aux Marocains les conditions d’une vie digne.
Déjà en 2017, S.M. le Roi a été on ne peut plus clair, fustigeant tour à tour «l’immobilisme des mentalités, les carences en termes d’exécution et d’innovation» et «l’attitude affichée par les partis, les responsables politiques et les administratifs, au regard des aspirations et des préoccupations réelles des Marocains».
Dans ce même discours, S.M. le Roi avait dressé un constat sévère en évoquant des régions qui présentent un grand déficit en installations et en prestations sanitaires, éducatives et culturelles, ainsi qu’en opportunités d’emploi. «Dans ces régions, il est nécessaire de recourir à une mutualisation accrue des efforts qui leur permettra de rattraper le retard accumulé, de combler le manque existant et, in fine, de s’arrimer au train du développement» a-t-Il insisté. Et d’ajouter : «Pour mettre fin à ces dysfonctionnements, il appartient donc au gouverneur et au caïd, au directeur et au fonctionnaire, ainsi qu’au responsable communal, etc., d’adopter les méthodes actives de travail et les objectifs ambitieux des cadres du secteur privé». Pour le Souverain, ces responsables «doivent faire honneur à l’Administration, et aboutir à des résultats concrets. Car, en définitive, leur responsabilité est de veiller sur les intérêts des gens.»
«Sens accru de l’engagement et des responsabilités»
Mieux encore, le Souverain a été on ne plus explicite : il appartient à chaque responsable d’exercer les prérogatives qui lui sont dévolues, en toute autonomie. Il ne doit pas justifier son incapacité à agir par une quelconque excuse. Selon S.M. le Roi, «S’il n’en est pas capable, qu’il présente sa démission, personne ne l’en empêche !»
Conscient de l’ampleur des attentes,
S.M. le Roi a proposé, dès 2019, une feuille de route encore plus claire. Pour lui, le travail doit se poursuivre avec un sens accru de l’engagement et des responsabilités, pour assurer une meilleure gestion des affaires publiques et pour répondre efficacement aux préoccupations des citoyens, a-t-il insisté. Et c’est dans ce cadre qu’il a invité le gouvernement à commencer la préparation d’une nouvelle génération de grands plans sectoriels, cohérents et harmonieux, susceptibles de servir de pilier au modèle de développement dans sa nouvelle version. Car, toute à sa lucidité, le Souverain a rappelé que la nouvelle étape abondait en enjeux, au premier rang desquels se trouve l’enjeu de consolidation de la confiance et des acquis : «confiance entre les citoyens, confiance dans les institutions nationales qui les rassemblent, confiance et foi dans un avenir meilleur. C’est la clé de la réussite et la condition sine qua non pour que se concrétise notre ambition collective.»
En mai 2021, le nouveau modèle de développement est élaboré. Sa Majesté le Roi forme le souhait qu’il constitue un «cadre de référence pour définir les principes et les priorités du pays en matière de développement, et qu’il soit le socle d’un pacte économique et social, propre à impulser une nouvelle révolution du Roi et du peuple». Sauf que cette vision prospective pour le Maroc à l’horizon de 2035, qui fait pourtant la part belle aux questions de la jeunesse, de l’inclusion et de la justice sociale, tarde à être mise en œuvre et à porter ses fruits.
«Nouveau modèle de développement»
Deux ans plus tard, dans le
discours du 29 juillet 2023, S.M. le Roi revient à la charge pour rappeler les responsabilités qui incombent à chaque acteur public. Pour le Souverain, «le sérieux doit constamment définir notre ligne de conduite, dans la vie de tous les jours comme au travail. Par conséquent, il doit être de rigueur dans tous les secteurs d’activité». Dans le domaine politique, administratif et judiciaire, il importe que prévale, a-t-Il précisé, le dévouement au service du citoyen, par l’identification de profils qualifiés, par la primauté accordée aux intérêts supérieurs de la Nation et des citoyens, loin des surenchères et des calculs étroits. Dans le domaine social, il doit s’imposer notamment dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’emploi et du logement. En définitive, S.M. le Roi a souligné que le sérieux «est la clé de voûte d’une approche intégrée qui subordonne l’exercice de la responsabilité à l’exigence de reddition des comptes et fait prévaloir les règles de bonne gouvernance, la valeur travail, le mérite et l’égalité des chances».
Plus récemment encore, Sa Majesté le Roi a alerté sans ambages sur la nécessité pour le Maroc de mener une politique de développement harmonieuse qui profite à toutes les populations où qu’elles soient. Dans le dernier discours du Trône, il affirme en effet qu’il est regrettable de voir que certaines zones, surtout en milieu rural, endurent encore des formes de pauvreté et de précarité, du fait du manque d’infrastructures et d’équipements de base. «Cette situation ne reflète en rien Notre vision de ce que devrait être le Maroc d’aujourd’hui. Elle ne donne pas non plus la pleine mesure des efforts que nous déployons pour renforcer le développement social et réaliser la justice spatiale», a-t-Il précisé.
«Un Maroc avançant à deux vitesses»
Tout en insistant : «il n’y a de place, ni aujourd’hui, ni demain pour un Maroc avançant à deux vitesses», le Souverain a orienté le gouvernement pour l’élaboration d’une nouvelle génération de programmes de développement territorial fondés sur la valorisation des spécificités locales, la consolidation de la régionalisation avancée et le principe de complémentarité et de solidarité entre les entités territoriales. Au moment où le Maroc s’apprête à accueillir des événements de grande envergure (CAN, Mondial...) et qu’il poursuit sa politique des grands chantiers, le développement humain doit être plus que jamais à la base de tout projet de société qui se veut solidaire et inclusif. Le Royaume avance, la croissance est au rendez-vous, et les grands projets y contribuent significativement en créant des emplois et en engendrant une dynamique économique vertueuse.
Développement humain et politique des grands chantiers ne sont pas antinomiques, bien au contraire, il s’agit de deux impératifs complémentaires, voire interdépendants. Il n’y a pas lieu de faire le choix, au risque de tomber dans un populisme de bas étage. C’est pourquoi le nouveau modèle de développement que le Maroc a fait sien doit servir de cap. Les inégalités sociales ou territoriales doivent être au cœur de toutes les politiques publiques, abstraction faite des gouvernements en place. Et les chantiers structurants doivent se poursuivre et être encouragés davantage en ce sens qu’ils sont les locomotives de la croissance et de la création des richesses. C’est l’intérêt supérieur de la patrie et de tous les Marocains sans exclusion qui doit guider les responsables dans l’exercice de leurs missions. «En effet, au-dessus de tous, au-dessus des partis, au-dessus des élections, au-dessus des postes administratifs, c’est le Maroc qui doit prévaloir». Cette phrase extraite du Discours du Trône en 2017 doit être inscrite comme devise au fronton des tous les ministères et établissements publics.