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Accueil next Des soubassements pour l'édifice social

«Dari» ou la passion d'un couscoussier

C'est un peu délicat, certes, mais essayez d'imaginer, juste un instant, une couscoussière qui se déploie sur plus de 3.300 m2 et qui a coûté quelque chose comme 45 millions de DH.

«Dari» ou la passion d'un couscoussier
Non, il n'est pas question de réaliser le plus grand couscous de la galaxie et détrôner, ainsi, un certain Bargache sur ce registre.

Non, pas de ça, car l'on ne s'amuse pas avec des chiffres aussi gros. Nous sommes plutôt dans la maison du couscous, chef-lieu du couscous de la maison.
«Les meilleurs produits ou recettes que vous pouvez déguster sont faits maison. De même, il est quasi improbable de savourer un couscous de meilleure qualité que celui servi dans votre foyer, d'où l'appellation "Dari", ou le couscous préparé chez moi, dans ma maison… », dixit Mohamed Khalil, instigateur et big-boss de «Dari Couspâte», co-leader marocain du couscous «préfabriqué» et des pâtes alimentaires.

Zone industrielle de «L'aviation» à Salé, un jour de semaine. Les cheminées de «Dari II» fument de tous leurs poumons. Cette unité de production, qui occupe un terrain de plus de 8.000 m2 - dont les 3.300 m2 bâtis -, est en fait l'extension de «Dari I», sise dans l'ancien parc industriel de la ville. Aussi, cet appendice était légitimé par l'arrivée à saturation de la première unité de production par apport au flux d'une demande en perpétuelle croissance.

A ce niveau, 1.700 kilogrammes de couscous sont produits toutes les heures, contre 3 tonnes par heure dans l'ancienne unité de production. Il faut souligner, à ce propos, que la nouvelle usine dispose d'une seule ligne de fabrication actuellement, avec une perspective d'en installer quatre autres en fonction de la demande.

Contrairement, l'ancienne usine dispose de trois lignes, deux pour le couscous et une seule dédiée aux pâtes. Tout comme sa grande sœur, la nouvelle fabrique fonctionne 24h/24 à raison de trois shifts et 7 jours sur sept, trois semaines durant, pour fermer ses portes pendant une semaine, le temps de procéder au nettoyage de la ligne de production. A noter que chaque shift est composé de quatre employés, un conducteur de ligne, un chargé d'entretien et deux personnes dédiées au nettoyage.

Nouvelle unité

Au sein d'une grande cour, après avoir franchi le pas de la porte de «Dari II», on ose à peine croire que des machines tournent au sein du bâtiment, le silence étant des plus religieux. «Toute l'unité dispose d'un système d'isolation thermique et sonore, il s'agit d'une double paroi pour la toiture et les murs, conformément aux normes internationales en la matière. De même, le sol bénéficie d'un revêtement spécial plutôt que d'être confectionné en béton ou autre matériau, afin d'éviter le dégagement de toute sorte de poussière susceptible d'altérer le produit en cours de fabrication», souligne le créateur de Dari.

Avant de pénétrer dans l'enceinte, blouse et capuche sont de rigueur comme le stipulent des règles d'hygiène draconiennes. C'est chose faite. Un premier compartiment sur la gauche, le long du couloir menant à la couscoussière géante, abrite une salle de stockage de la matière première, la semoule de blé dur en l'occurrence, seul produit entrant dans la fabrication aussi bien du couscous que des différentes pâtes.

La semoule provient des semouleries marocaines mais le blé est importé du Canada. Deux silos d'une capacité de 30 tonnes chacun reçoivent la matière première qu'ils gardent jalousement jusqu'à ce qu'intervienne l'appel des machines, en fonction des besoins de la production, pour acheminer la semoule vers la première étape de sa transformation.

L'ouverture de la deuxième porte au fond du couloir rappelle que l'on est bien dans une usine : la mélodie des pistons fera désormais partie du décor. L'appel de la semoule, cité quelques lignes plus haut, achemine celle-ci à travers des tubes en inox jusqu'à la confier à la première partie de la couscoussière : «le rouleur». La semoule est aussitôt mélangée à l'eau. Comme son nom l'indique, le rouleur roule la pâte obtenue et la tamise, de sorte à obtenir des grains circulaires.

«Le rouleur s'inspire de la méthode manuelle et traditionnelle de confectionner du couscous. Et avant de passer à l'étape suivante, les grains trop gros ou encore ceux trop petits sont chopés pour être renvoyés au recyclage, de façon à obtenir le calibre commandé sur le système informatique qui gère l'ensemble des machines», explique Hassan Khalil, directeur adjoint de Dari.

Les grains qui sont conformes au calibre obtiennent ainsi leur visa pour «le cuiseur». Le couscous est alors disposé en couche d'une dizaine de centimètres d'épaisseur et, tout en parcourant un tapis hermétiquement cerné doté d'une multitude de perforations, les grains font l'objet d'une vaporisation à base de vapeur d'eau à 100° Celsius. De la sorte, on obtient du couscous précuit de façon à faciliter sa préparation à la ménagère. Le cuiseur, quant à lui, est inspiré du couscoussier traditionnel, avec de la vapeur passant au travers des perforations le long du tapis.

Pour obtenir cette vapeur cruciale à la fabrication du couscous, quelque 150 tonnes de fuel lourd sont mensuellement sollicitées par la chaudière qui fait le travail pour lequel elle a été conçue : chauffer d'énormes quantités d'eau.
Phase 4 : «le séchoir». Plusieurs batteries d'air chaud, soufflant du haut vers le bas, sont embusquées dans ce nouveau tunnel emprunté par le couscous, d'une longueur avoisinant les 12 mètres. Les petits grains sont ensuite déversés dans «le refroidisseur», appareil vibrant, avant leur passage dans «le planchister», autre appareil vibrant. Il s'agit en fait d'un tamiseur destiné à séparer les grains de couscous, selon qu'ils soient fins ou moyens pour les envoyer vers le circuit adéquat, et mener ainsi la vie dure aux grains ne respectant pas la notion du calibre. Les grains indociles sont de facto envoyés vers un broyeur, avant leur renvoi à la case «Départ» : le rouleur.

Les grains ayant réussi haut la main toutes ces épreuves transiteront dans des silos de stockage, 1 pour les grains fins et 2 pour les moyens, ces derniers enregistrant une demande plus importante sur le marché. Ce produit fini passe alors par une bande transporteuse en pente pour être acheminé vers sa dernière phase : le conditionnement. A ce stade, le produit est automatiquement pesé au gramme près, avant de tomber dans un sachet destiné à la machine couseuse. Destination finale: l'entrepôt de stockage s'assimilant à l'antichambre de la couscoussière domestique.

Ces deux dernières opérations sont menées par de véritables mains humaines et non des bras robotisés. «Notre souci est d'avoir un œil humain sur le produit fini, sur d'éventuelles anomalies ou vices de fabrication. Cela contribue également à la lutte contre le chômage, de façon très réduite certes, mais en retenant que les emplois sont évolutifs chez Dari, le salarié que vous voyez là était un employé de premier grade le jour où il a intégré la boîte, aujourd'hui il est conducteur de ligne et demain il sera ailleurs», précise Hassan.

Outre le grain fin et le grain moyen, Dari produit également «Sekssou Al-Balboula», à base de semoule d'orge. Pour les pâtes, le processus est le même, à la seule différence que le cuiseur et le refroidisseur cèdent la place à un moule géant. Une fois mélangée à l'eau, la semoule passe dans le moule avant d'être l'hôte du séchoir. Mais ce processus concerne uniquement Dari première du nom, qui produit des pâtes courtes (coquilles, coquillettes, torsades et macaronis) et des pâtes à potages (vermicelle, cheveux d'anges et petits plombs).
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Mission «Introduction boursière»

A l'âge de 55 ans, Mohamed Khalil est de retour au bercail, après 13 années passées en Mauritanie, en tant que DG d'une entreprise faisant dans la pâte alimentaire. Auparavant, notre ami avait loué ses services, durant 17 ans au Maroc, en tant que directeur commercial de la «Famo», entité qui n'existe plus.

«J'étais à cinq années de la retraite, mais j'avais capitalisé beaucoup d'expérience et je voulais absolument la mettre à profit. Avec quelques membres de ma famille, nous avions décidé de mettre sur pied "Dari", c'était au début des années 90», se remémore Mohamed Khalil. Quelques années à peine après sa mise en place, Dari fut victime de son succès. Mohamed Khalil s'arrachait les cheveux. «Le bébé grossissait à vue d'œil, nous avions atteint notre limite en termes de production et nous n'arrivions plus à satisfaire la demande», explique l'homme qui s'est arraché les cheveux en 2003. Résultat : il fallait trouver une sortie et le plus tôt serait le mieux. La solution en question portait le nom «d'extension». Mais, pour ce faire, il fallait des moyens.

Pataugeant dans les péripéties de ce succès précoce, le P.-D.G. de Dari, harcelé par toutes les éventualités, ira jusqu'à penser à céder ce qu'il qualifie aujourd'hui de «mon bébé», afin de le remettre à quelqu'un «qui puisse avoir les moyens d'assurer sa croissance comme cela se doit».

«Il n'était pas question non plus de prendre un associé, encore moins de s'endetter auprès d'une banque», raconte Khalil. Les horizons d'une introduction en bourse apparaîtront, dans un premier temps, comme une chimère. «Certains s'en moquaient déjà, mais nous nous sommes dit que cela en valait la peine : pourquoi ne pas jouer dans la cour des grands même en étant petits ? In fine, c'était un véritable succès et nous avions ainsi réussi le pari d'être la première PME cotée en bourse», indique le sexagénaire.

De 369 DH, lors d'une opération d'introduction qui a suscité des souscriptions 12 fois supérieures à ce qui était proposé, l'action se stabilise aujourd'hui à 550 DH, ayant atteint un pic de 603 DH sur son chemin. Cette introduction aura permis de collecter 30 MDH, auxquels seront ajoutés 15 MDH en tant que fonds propres et qui permettront la mise sur pied de «Dari II».
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Dari en -quelques- chiffres

Dotée d'un capital initial de 8,5 MDH en 1996, Dari carbure aujourd'hui à 29,5 MDH. Pour sa part, le chiffre d'affaires réalisé en 2006 était de 138 MDH, avec des prévisions s'élevant à plus de 165 MDH pour l'exercice en cours. Le volume des exportations affiche fièrement le chiffre de 3.000 tonnes annuelles, soit l'équivalent de près de 20% du chiffre d'affaires global. À ce propos, Dari est le leader de l'importation en termes de couscous.

«Mon label "Maroc" est imposé dans les pays où j'exporte et je ne passe aucunement à travers un distributeur auquel je céderais un produit destiné à prendre une autre étiquette, je ne fais pas de la confection… Je fais de la concurrence aux locaux sur leur terrain, en plus des autres concurrents qu'ils soient tunisiens, algériens ou autres », déclare en toute fierté Mohamed Khalil.
Sur ce registre, la France constitue le réceptacle numéro 1 des produits Dari, en plus de l'Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, du Luxembourg, de l'Espagne, de l'Italie, deses Etats-Unis, du Canada, de l'Angleterre… mais aussi le Japon, l'Australie et le Brésil, en plus de l'Afrique du Sud reconvertie en république couscoussière tout récemment. Mieux encore, Dari exporte même des pâtes en… Italie !

Par ailleurs, l'entreprise emploie plus de 90 salariés et envisage de pourvoir près de 130 postes d'emploi dans les mois à venir. Actuellement, les deux tiers de la production sont accaparés par le couscous, tandis que le reste revient à la pâte alimentaire.

Sur le plan communication, le couscoussier national réserve une enveloppe de quelque 4 millions de dirhams ventilés à l'étranger entre Radio Orient, Beur FM, Beur TV, Canal Atlas ou plusieurs revues à hauteur de 1 MDH, en plus de 3MDH alloués à la réclame bien de chez nous.

Côté capital, la famille Khalil dispose aujourd'hui de 70%, alors que le reste circule d'une main à l'autre. «C'est flottant», souligne le P.-D.G. De Dari.
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