Le Matin : Quels sont, selon vous, les changements opérés sur l'activité de Cartier Saada depuis son introduction en Bourse ?
Hassan Debbagh : Pour nous, l'introduction en Bourse a tout changé. D'abord au niveau de la motivation des équipes. Appartenir à une société cotée, pour tout un chacun, en plus des processus de certification, renforce le sentiment d'appartenance. Il a été davantage amplifié. Encore mieux, le fait d'être la seule société de notre région, hormis les mines, à être présente à la Bourse, le sentiment d'être différent est stimulant. La démocratisation de la Bourse viendra assurément par l'introduction de sociétés de notre calibre, mais aussi par le renforcement de la culture boursière, en réduisant encore plus le nominal.
Est-ce que la communication suite à l'introduction en Bourse est plutôt perçue comme une contrainte ou une chance à saisir ?
Lorsque la décision de s'introduire en Bourse a été prise, continuer de croire que le fait de communiquer reste une contrainte est à mon niveau une grave erreur d'appréciation et surtout un indice montrant qu'on ne sait pas où on va. Il n'y a pas de société cotée qui ne communique pas. En Bourse, l'entreprise existe par la communication.
Je ne peux que reprendre les paroles du patron d'une multinationale connue qui, arrivé à l'âge de la retraite, se vit poser la question : «Combien du temps avez-vous consacré à votre communication ?» La réponse fut étonnante : «En fait, j'ai l'impression d'avoir consacré 70% de mon temps à l'action, 30% à la communication. Si c'était à refaire, je ferais volontiers le contraire». Concrètement, plus la société communique, plus elle a la chance d'être vue. Prenons le cas de notre domaine d'activité. Un investisseur étranger, compte tenu de l'ouverture de notre économie, commencerait assurément par consulter la liste des sociétés cotées avant de passer à d'autres. Sur le volet financier, il ne s'agit pas de contraintes, mais d'obligations, du moment où la société faisant appel à l'épargne publique a accepté les règles du jeu.
Côté financement, le changement de rapport avec son banquier, est-ce une vérité ou un argument marketing pour inciter les sociétés à se faire coter ?
A notre niveau, c'est une vérité vérifiable. Premièrement, lorsque vous annoncez votre volonté de vous introduire, le réflexe naturel du banquier est de vous en dissuader. Un marché très lucratif pour lui est assurément perdu. Deuxièmement, le rapport de force devient différent. Dans un taux d'intérêt, deux composantes se font face : la valeur de l'argent et le risque.
Une fois en Bourse, un nombre de critères étant ainsi rempli, le facteur risque diminue. Le taux auquel l'entreprise lève de l'argent ne peut qu'être bas. La seconde composante porte sur le mode d'introduction, soit par cession soit pas augmentation de capital. Pour nous, l'introduction s'est faite par augmentation de capital, qui a servi à financer des projets. Nous avons profité à 100% de l'argent levé en Bourse, alors que s'il s'agissait d'un emprunt, l'investissement est consenti, mais à chaque échéance de remboursement du capital plus les intérêts, la valeur de l'argent diminue. Autrement dit, toute la capacité mobilisée via la Bourse reste au sein de la société. En résumé, l'introduction en Bourse est en fait une invitation généralisée à des actionnaires plus nombreux de contribuer à l'effort de l'entreprise afin de lui permettre de mieux travailler.
Quel est votre avis sur le rôle du gendarme de la Bourse, le CDVM ?
Pour être honnête, depuis l'introduction en Bourse j'ai eu rarement affaire au CDVM dans la mesure où je m'acquitte régulièrement de l'ensemble des règles d'usage. De temps à autre, nous recevons des notes que nous appliquons à la lettre. Je trouve que ce travail va dans le sens de la clarification des règles du marché. En résulte une meilleure pérennité des pratiques du marché
Par exemple…
Je citerai le code déontologique. Nous avons reçu du CDVM un formulaire demandant aux personnes qui ont accès à l'information de respecter un certain nombre de règles. A titre d'exemple, au moment du traitement des résultats de la société, le comptable est tenu de s'abstenir d'acheter ou de vendre des actions, dans un délai raisonnable, avant la tenue de l'assemblée générale, pour que l'information soit équitable. La même donne s'applique aux membres du conseil d'administration. De notre côté, nous avons poussé la chose encore plus loin. Nous avons communiqué les noms des personnes en contact avec ce genre d'information au gendarme de la Bourse pour que si des opérations sont menées sans être portées à notre connaissance, le CDVM soit en mesure de les identifier.
Quel regard portez-vous sur le rôle de votre conseiller ?
Je tiens tout d'abord à rendre un hommage particulier à notre conseiller- introducteur. Nos relations d'affaires se sont vite transformées en des relations amicales. La qualité du conseil fourni était à la hauteur de nos attentes, d'autant plus qu'il est spécialisé dans les PME. Après l'introduction, à mon sens, le rôle du conseiller est de garder une bonne pression sur l'entreprise, afin qu'elle réalise et respecte ses engagements. En second lieu, ce rôle consiste à travailler sur son développement stratégique. L'arrivée en Bourse n'est pas une fin en soi. Il s'agit, grâce aux moyens ainsi dégagés, de s'ouvrir sur de nouveaux horizons de croissance externes ou internes.
Concrètement, quel est le plus grand apport de l'introduction en Bourse ?
Aujourd'hui, nous avons la possibilité, dans des conditions raisonnables, de travailler sur des projets de croissance externes. Depuis une année, nous avons traité quatre projets possibles, mais rien de concret. Même si ces tractations s'avèrent non concluantes, nous sommes convaincus qu'il faut en mener d'autres, parce que notre besoin va à la rencontre de celui d'autres entreprises.
Pensez-vous que la Bourse reste une alternative pour la pérennisation d'une entreprise ?
Réellement, 90% du tissu des entreprises au Maroc est constitué de PME. Un travail au niveau des mentalités est à mener pour pousser vers plus de concentration. Il faut arriver à dissuader ceux des patrons, qui sont seuls aux commandes de leurs entreprises, d'accaparer le pouvoir.
Sachant que partager le pouvoir est consenti pour gagner plus, pour survivre, pour croître, pour faire mieux. Aujourd'hui, la culture individualiste et familiale dans le sens péjoratif du terme doit être dépassée. Dans notre contexte mondial et global, une masse critique pour faire face à la concurrence s'impose. Il faut non seulement ouvrir le capital, mais la culture et l'esprit des entreprises.
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Les travailleurs, telles des butineuses, s'activent à mettre en boîte les olives récemment cueillies.
Mais la fierté de Hassan Debbagh est de montrer l'extension de son usine, réalisée grâce à l'argent levé en Bourse. A titre d'exemple, les citernes de décantation des olives, auparavant exposées à l'air libre, sont désormais enfouies sous terre. «De cette manière, la température de conservation est constante, quel que soit le temps, à l'extérieur», précise Hassan Debbagh, pour qui l'investissement consenti porte sur plus de 27 MDH.
Il faut dire que le groupe a pris goût à la Bourse, au point de préparer l'introduction de sa filiale Zoubairi Distribution dans moins de trois ans. Ainsi, une pépite peut en cacher une autre !
Hassan Debbagh : Pour nous, l'introduction en Bourse a tout changé. D'abord au niveau de la motivation des équipes. Appartenir à une société cotée, pour tout un chacun, en plus des processus de certification, renforce le sentiment d'appartenance. Il a été davantage amplifié. Encore mieux, le fait d'être la seule société de notre région, hormis les mines, à être présente à la Bourse, le sentiment d'être différent est stimulant. La démocratisation de la Bourse viendra assurément par l'introduction de sociétés de notre calibre, mais aussi par le renforcement de la culture boursière, en réduisant encore plus le nominal.
Est-ce que la communication suite à l'introduction en Bourse est plutôt perçue comme une contrainte ou une chance à saisir ?
Lorsque la décision de s'introduire en Bourse a été prise, continuer de croire que le fait de communiquer reste une contrainte est à mon niveau une grave erreur d'appréciation et surtout un indice montrant qu'on ne sait pas où on va. Il n'y a pas de société cotée qui ne communique pas. En Bourse, l'entreprise existe par la communication.
Je ne peux que reprendre les paroles du patron d'une multinationale connue qui, arrivé à l'âge de la retraite, se vit poser la question : «Combien du temps avez-vous consacré à votre communication ?» La réponse fut étonnante : «En fait, j'ai l'impression d'avoir consacré 70% de mon temps à l'action, 30% à la communication. Si c'était à refaire, je ferais volontiers le contraire». Concrètement, plus la société communique, plus elle a la chance d'être vue. Prenons le cas de notre domaine d'activité. Un investisseur étranger, compte tenu de l'ouverture de notre économie, commencerait assurément par consulter la liste des sociétés cotées avant de passer à d'autres. Sur le volet financier, il ne s'agit pas de contraintes, mais d'obligations, du moment où la société faisant appel à l'épargne publique a accepté les règles du jeu.
Côté financement, le changement de rapport avec son banquier, est-ce une vérité ou un argument marketing pour inciter les sociétés à se faire coter ?
A notre niveau, c'est une vérité vérifiable. Premièrement, lorsque vous annoncez votre volonté de vous introduire, le réflexe naturel du banquier est de vous en dissuader. Un marché très lucratif pour lui est assurément perdu. Deuxièmement, le rapport de force devient différent. Dans un taux d'intérêt, deux composantes se font face : la valeur de l'argent et le risque.
Une fois en Bourse, un nombre de critères étant ainsi rempli, le facteur risque diminue. Le taux auquel l'entreprise lève de l'argent ne peut qu'être bas. La seconde composante porte sur le mode d'introduction, soit par cession soit pas augmentation de capital. Pour nous, l'introduction s'est faite par augmentation de capital, qui a servi à financer des projets. Nous avons profité à 100% de l'argent levé en Bourse, alors que s'il s'agissait d'un emprunt, l'investissement est consenti, mais à chaque échéance de remboursement du capital plus les intérêts, la valeur de l'argent diminue. Autrement dit, toute la capacité mobilisée via la Bourse reste au sein de la société. En résumé, l'introduction en Bourse est en fait une invitation généralisée à des actionnaires plus nombreux de contribuer à l'effort de l'entreprise afin de lui permettre de mieux travailler.
Quel est votre avis sur le rôle du gendarme de la Bourse, le CDVM ?
Pour être honnête, depuis l'introduction en Bourse j'ai eu rarement affaire au CDVM dans la mesure où je m'acquitte régulièrement de l'ensemble des règles d'usage. De temps à autre, nous recevons des notes que nous appliquons à la lettre. Je trouve que ce travail va dans le sens de la clarification des règles du marché. En résulte une meilleure pérennité des pratiques du marché
Par exemple…
Je citerai le code déontologique. Nous avons reçu du CDVM un formulaire demandant aux personnes qui ont accès à l'information de respecter un certain nombre de règles. A titre d'exemple, au moment du traitement des résultats de la société, le comptable est tenu de s'abstenir d'acheter ou de vendre des actions, dans un délai raisonnable, avant la tenue de l'assemblée générale, pour que l'information soit équitable. La même donne s'applique aux membres du conseil d'administration. De notre côté, nous avons poussé la chose encore plus loin. Nous avons communiqué les noms des personnes en contact avec ce genre d'information au gendarme de la Bourse pour que si des opérations sont menées sans être portées à notre connaissance, le CDVM soit en mesure de les identifier.
Quel regard portez-vous sur le rôle de votre conseiller ?
Je tiens tout d'abord à rendre un hommage particulier à notre conseiller- introducteur. Nos relations d'affaires se sont vite transformées en des relations amicales. La qualité du conseil fourni était à la hauteur de nos attentes, d'autant plus qu'il est spécialisé dans les PME. Après l'introduction, à mon sens, le rôle du conseiller est de garder une bonne pression sur l'entreprise, afin qu'elle réalise et respecte ses engagements. En second lieu, ce rôle consiste à travailler sur son développement stratégique. L'arrivée en Bourse n'est pas une fin en soi. Il s'agit, grâce aux moyens ainsi dégagés, de s'ouvrir sur de nouveaux horizons de croissance externes ou internes.
Concrètement, quel est le plus grand apport de l'introduction en Bourse ?
Aujourd'hui, nous avons la possibilité, dans des conditions raisonnables, de travailler sur des projets de croissance externes. Depuis une année, nous avons traité quatre projets possibles, mais rien de concret. Même si ces tractations s'avèrent non concluantes, nous sommes convaincus qu'il faut en mener d'autres, parce que notre besoin va à la rencontre de celui d'autres entreprises.
Pensez-vous que la Bourse reste une alternative pour la pérennisation d'une entreprise ?
Réellement, 90% du tissu des entreprises au Maroc est constitué de PME. Un travail au niveau des mentalités est à mener pour pousser vers plus de concentration. Il faut arriver à dissuader ceux des patrons, qui sont seuls aux commandes de leurs entreprises, d'accaparer le pouvoir.
Sachant que partager le pouvoir est consenti pour gagner plus, pour survivre, pour croître, pour faire mieux. Aujourd'hui, la culture individualiste et familiale dans le sens péjoratif du terme doit être dépassée. Dans notre contexte mondial et global, une masse critique pour faire face à la concurrence s'impose. Il faut non seulement ouvrir le capital, mais la culture et l'esprit des entreprises.
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Un pari tenu
L'engagement pris par la société Cartier Saada lors de son introduction en Bourse est désormais une réalité palpable sur le terrain. Même en ce jour de vendredi, connu pour la baisse drastique de l'activité, surtout à Marrakech où le temps économique a une autre échelle…l'activité bas son plein. D'abord, les conditions d'accès à l'usine sont strictes.Les travailleurs, telles des butineuses, s'activent à mettre en boîte les olives récemment cueillies.
Mais la fierté de Hassan Debbagh est de montrer l'extension de son usine, réalisée grâce à l'argent levé en Bourse. A titre d'exemple, les citernes de décantation des olives, auparavant exposées à l'air libre, sont désormais enfouies sous terre. «De cette manière, la température de conservation est constante, quel que soit le temps, à l'extérieur», précise Hassan Debbagh, pour qui l'investissement consenti porte sur plus de 27 MDH.
Il faut dire que le groupe a pris goût à la Bourse, au point de préparer l'introduction de sa filiale Zoubairi Distribution dans moins de trois ans. Ainsi, une pépite peut en cacher une autre !
