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Dessalement au Maroc : les profondeurs invisibles d’une technologie essentielle

Le dessalement est une réponse incontournable aux défis hydriques du Maroc, mais son adoption dans le cadre de la stratégie nationale de l’eau pose de nombreux défis multidimensionnels, et exige une approche rigoureuse alliant innovation, responsabilité environnementale, bonne gouvernance et souplesse stratégique.

Le Maroc subit aujourd’hui une double tension. D’un côté, une crise hydrique sans précédent menace l’équilibre des ressources naturelles et la sécurité alimentaire, de l’autre, le Royaume nourrit des ambitions économiques et touristiques d’envergure, avec des événements internationaux comme la Coupe d’Afrique 2025 et la Coupe du monde 2030. Ces enjeux, bien qu’apparemment éloignés, se rejoignent dans une réalité urgente : l’eau, ressource vitale qui devient de plus en plus rare et précieuse.

Avec une disponibilité moyenne de 645 m³ par habitant et par an, bien en dessous du seuil critique de 1.000 m³ défini par les normes internationales, et une prévision alarmante de moins de 500 m³ d’ici 2030, le Maroc fait face à une urgence hydrique. Cette situation est exacerbée par les sécheresses répétées, une urbanisation galopante et des pressions économiques croissantes. Dans la plupart des villes marocaines le résidentiel, le tourisme, les infrastructures sportives et industrielles ainsi que l’agriculture absorbent des volumes croissants d’eau, rendant la gestion durable de cette ressource une priorité et une urgence nationales.

Dans ce contexte, le dessalement de l’eau de mer, comme ressource non conventionnelle, s’impose comme une solution providentielle. En effet, de grandes centrales de dessalement voient le jour comme celles de Rabat, Casablanca ou Agadir. Cependant, cette solution miracle cache des défis souvent méconnus, notamment, comment limiter les impacts sous-marins des prises d’eau et des rejets ? Quelles solutions technologiques peuvent réduire les coûts et garantir une durabilité à long terme ? Et surtout, comment le Maroc peut-il transformer ce défi en une opportunité pour devenir un modèle de résilience hydrique ?

Cet article explore ces questions essentielles, en plongeant dans les dimensions stratégiques, techniques, économiques et environnementales du dessalement sur la façade atlantique du Maroc.



Des mégaprojets au service de l’eau

Pour répondre à une pénurie hydrique persistante, le Maroc a entrepris un tournant décisif en plaçant le dessalement au cœur de sa stratégie nationale. Ce choix, qui mobilise des investissements considérables, reflète la volonté de sécuriser les ressources en eau tout en anticipant les défis économiques, sociaux et environnementaux.

À Rabat, un projet d’envergure prend forme avec une centrale de dessalement qui sera la plus grande d’Afrique. Avec une capacité de 822.000 m³ par jour, soit 300 millions de m³ par an, cette infrastructure vise à approvisionner près de 9,3 millions d’habitants, desservant non seulement la capitale mais également ses régions périphériques. Ce projet marque une étape décisive dans l’approche marocaine de la gestion de l’eau, en combinant technologies de pointe, écologie et vision à long terme.

À Casablanca, un projet similaire, également dimensionné pour produire à terme 300 millions de m³ par an, mise sur l’innovation en matière de durabilité. Entièrement alimentée par des énergies renouvelables, cette centrale réduit son empreinte carbone tout en répondant aux besoins croissants de la population urbaine et des industries. Ce modèle illustre la capacité du Maroc à conjuguer dessalement et transition énergétique, offrant ainsi une réponse holistique à la crise hydrique.

À Agadir, la centrale de dessalement, déjà opérationnelle depuis 2021, produit 275.000 m³ d’eau par jour. Conçue pour répondre à la fois aux besoins domestiques et agricoles, elle représente une première étape significative dans la stratégie nationale. Envisagée dès le départ comme un projet évolutif, cette centrale prévoit une extension future afin d’augmenter sa capacité de production et de s’adapter aux exigences croissantes de la région.

La station de dessalement de Jorf Lasfar est aussi un projet stratégique porté par OCP pour sécuriser l’approvisionnement en eau de ses installations industrielles, tout en contribuant à l’alimentation en eau potable des régions environnantes, notamment El Jadida et Safi. Conçue comme une installation modulaire et innovante, elle dispose actuellement d’une capacité de plus de 80 millions de m³ par an, avec un objectif d’expansion progressif pour atteindre, elle aussi, 300 millions de m³.

Ensemble, ces projets et bien d’autres qui les ont précédés, contribuent à un objectif national ambitieux : produire 1,7 milliard de m³ d’eau dessalée par an d’ici 2030, soit environ 20% des besoins hydriques nationaux. Toutefois, cette transformation ne se fait pas sans défis. Le prix de l’eau dessalée, oscillant entre 4,5 et 11 dirhams par m³, soulève des questions d’accessibilité, notamment pour les populations rurales ou les ménages à faibles revenus, de compétitivité économique, et de soutenabilité pour les finances publiques si cette ressource est subventionnée. Par ailleurs, la mise en place de ces infrastructures nécessite une planification rigoureuse pour garantir leur intégration dans un système hydrique global, durable et sans gaspillages.

Le Maroc, en misant sur ces projets phares, ne se contente pas de répondre à une urgence. Il redessine sa relation à l’eau, affirmant son leadership régional tout en posant les bases d’un modèle durable et inspirant.

Sous l’eau, des enjeux majeurs

Si le dessalement apparaît comme une solution incontournable pour répondre à la crise hydrique, ses dimensions invisibles enfouies sous la surface de l’eau nécessitent une attention particulière. Les prises d’eau et les rejets salins, éléments clés du processus, soulèvent des défis techniques et environnementaux lesquels, mal maîtrisés, peuvent perturber les écosystèmes marins et compromettre les coûts d’exploitation et la durée de vie des centrales.

Les prises d’eau de mer, situées en amont du processus de dessalement, jouent un rôle critique. Sur la côte atlantique, la forte turbidité et les courants marins transportent de grandes quantités de sédiments et de matières organiques. Ce phénomène de transit littoral impose l’atteinte d’une profondeur d’au moins 25 mètres afin d’éviter de graves conséquences. En effet, pour des prises positionnées à une profondeur insuffisante de moins de 25 mètres il y a un risque d’aspirer non seulement le sable abrasif, mais aussi des organismes marins essentiels, tels que les planctons et larves de poissons. Cette aspiration, perturbe directement les chaînes alimentaires locales, menaçant certaines espèces marines de disparition et affectant la biodiversité.

En outre, l’aspiration de sédiments abrasifs réduit considérablement la durée de vie des équipements, notamment des membranes utilisées pour l’osmose inverse. Les experts estiment que cette usure accélérée peut affecter la qualité de l’eau filtrée et augmenter les coûts de maintenance de 30 à 50%, rendant les opérations moins viables économiquement. Pour limiter ces impacts, le positionnement des prises d’eau est crucial. Afin de capter une eau de mer de meilleure qualité, réduire la turbidité et limiter les perturbations écologiques, il est nécessaire d’atteindre une profondeur de 25 à 30 mètres. Au vu d’une pente d’environ 1% sur les côtes marocaines, ces profondeurs sont généralement atteintes entre 2 à 3 kilomètres dans l’océan. Le respect d’un tel cahier des charges exige de lourds investissements au départ du projet mais assure en revanche sa viabilité à long terme.

En aval du processus, les rejets salins sont tout aussi problématiques. Au moins 50% de l’eau de mer aspirée est rejetée sous forme de saumure, une eau fortement concentrée en sel, en plus des produits chimiques utilisés dans les étapes de prétraitement. Cette saumure rejetée modifie localement la salinité et la température de l’environnement marin, créant des zones dites «hypoxiques». Dans ces zones, le faible taux d’oxygène nuit à la survie des espèces marines et altère l’équilibre écologique.

Les produits chimiques présents dans la saumure, tels que les antiscalants (qui empêchent la formation de dépôts dans les membranes) et les biocides (utilisés pour prévenir la prolifération d’organismes dans les circuits), augmentent également la toxicité des rejets. Ces substances, bien qu’indispensables pour maintenir l’efficacité des centrales, posent un risque supplémentaire pour les écosystèmes marins, en particulier dans des zones comme l’Atlantique marocain, où la biodiversité est riche et essentielle pour la pêche locale.

Afin d’atténuer ces impacts, plusieurs solutions technologiques et pratiques sont mises en œuvre. Les diffuseurs multiports, par exemple, permettent de disperser les rejets sur une large surface, s’appuyant sur les courants naturels pour accélérer la dilution. Ces dispositifs réduisent les concentrations locales de sel, minimisant ainsi les dommages aux écosystèmes. Toutefois, là aussi, la profondeur joue un rôle clé et exige de dépasser la zone de transit littoral.

Ainsi, le contrôle du respect rigoureux des cahiers des charges en milieu sous-marin est peut-être plus important que celui de la centrale sur terre qui n’est que la partie visible de l’iceberg. De même, le suivi en temps réel des impacts sous-marins est essentiel pour garantir une exploitation durable. Grâce à l’installation de capteurs intelligents et à l’utilisation de drones sous-marins, il est désormais possible de surveiller les paramètres critiques, tels que la qualité de l’eau, les niveaux de salinité et les effets sur la biodiversité. Ces outils permettent d’ajuster les opérations pour réduire les impacts, tout en assurant la longévité des infrastructures.

En s’attaquant de manière proactive à ces contraintes, le Maroc pourra concilier entre l’enjeu de production d’eau dessalée et celui de la préservation des écosystèmes marins. Ces efforts, bien qu’exigeants sur le plan financier et technique, sont indispensables pour garantir la durabilité de cette solution hydrique essentielle pour un Maroc résilient.

Entre vision nationale et inspirations internationales

Le Maroc, dans le cadre de son Programme national de l’eau 2020-2050 (PNE), adopte une approche globale et multi-sources pour garantir la sécurité hydrique nationale. Ce programme, pilier de la stratégie du Royaume, met en avant la complémentarité entre les ressources traditionnelles et non conventionnelles, en impliquant une large gamme d’acteurs : gouvernement, régions et collectivités locales, agriculteurs, industriels et citoyens. En intégrant les barrages, le dessalement, le recyclage des eaux usées et les interconnexions hydriques, le Maroc cherche à maximiser la disponibilité de l’eau tout en réduisant les pressions sur les nappes phréatiques et les barrages.

Le recyclage des eaux usées est l’un des volets clés de cette stratégie. Actuellement, environ 37 millions de m³ par an sont réutilisés, principalement pour l’irrigation agricole et les espaces verts. Cependant, ce potentiel reste largement sous-exploité. En améliorant les infrastructures de traitement, le Maroc pourrait élargir cette pratique à d’autres usages, comme l’industrie et, à terme, l’alimentation en eau potable après des traitements avancés. Les technologies modernes, telles que la filtration membranaire et la désinfection par UV, offrent des solutions prometteuses pour renforcer cette pratique et réduire la dépendance au dessalement dans certaines régions.

En parallèle, les autoroutes de l’eau, ou interconnexions hydriques, jouent un rôle fondamental dans l’équilibre des ressources entre les bassins. Ces infrastructures, comme le projet d’interconnexion entre Sebou et Bouregreg, permettent de transférer l’eau des zones excédentaires vers les régions déficitaires, tout en réduisant la pression sur les nappes phréatiques locales. Sur un autre volet, il est essentiel d’optimiser l’irrigation agricole et d’améliorer les réseaux de distribution urbains, où les pertes dues aux fuites atteignent parfois 30%. Ces pertes représentent un défi majeur pour optimiser la gestion des ressources hydriques du Royaume.

Si le Maroc s’appuie sur une vision nationale structurée avec le PNE, il gagnerait aussi à rester également en veille face aux initiatives internationales, afin de s’inspirer des réussites d’autres nations confrontées à des défis similaires. À Singapour, par exemple, une approche multi-sources a permis au pays de réduire sa dépendance à l’importation d’eau. Grâce au programme NEWater, les eaux usées sont recyclées pour couvrir 40% des besoins nationaux, tandis que le dessalement complète l’approvisionnement en période de stress hydrique. Ce modèle met en avant l’efficacité d’une gestion intégrée qui combine plusieurs technologies.

En Espagne, où le dessalement est largement utilisé pour les besoins agricoles et urbains, la gestion intégrée inclut la valorisation industrielle des rejets salins. Les minéraux extraits, tels que le chlorure de calcium ou le magnésium, sont réutilisés dans des processus industriels, transformant un sous-produit en ressource économique.

Aux Émirats arabes unis, où la rareté de l’eau est un défi permanent, l’innovation est au centre des solutions. L’utilisation de l’énergie solaire pour alimenter certaines centrales de dessalement et l’adoption de technologies comme le Zero Liquid Discharge (ZLD) permettent de minimiser les impacts environnementaux tout en réduisant les coûts opérationnels.

En intégrant ces expériences dans ses propres stratégies, le Maroc peut enrichir son approche locale. L’implication des différents acteurs nationaux dans le cadre du PNE, combinée à une veille proactive sur les innovations internationales ne peut que renforcer la résilience hydrique du pays.

Former, innover et produire en quête de la souveraineté hydrique

Pour garantir la durabilité de ses projets de dessalement, le Maroc ne peut se contenter d’intégrer des technologies importées. Le développement de solutions technologiques locales est essentiel, non seulement pour réduire la dépendance aux équipements étrangers, mais aussi pour adapter les infrastructures aux spécificités régionales, comme les eaux atlantiques fortement turbides ou les contraintes énergétiques des zones rurales.

L’une des innovations les plus prometteuses est l’utilisation des membranes en graphène, un matériau révolutionnaire qui améliore considérablement les performances des systèmes de dessalement par osmose inverse. Par rapport aux membranes traditionnelles en polymères, celles en graphène permettent une filtration plus rapide et nécessitent une pression réduite, entraînant une économie d’énergie estimée à 30%. Ces membranes, encore en phase de développement dans plusieurs pays, pourraient représenter une opportunité stratégique pour le Maroc, à condition d’investir dans leur développement et leur production locale.

En parallèle, des technologies comme le CCRO (Closed Circuit Reverse Osmosis) permettent aussi d’optimiser l’efficacité des centrales en réduisant le gaspillage d’énergie et en augmentant la récupération d’eau douce. Ce système, qui recycle une partie de la pression initialement utilisée, est particulièrement adapté aux zones où les coûts énergétiques sont élevés. Ces avancées technologiques contribuent non seulement à réduire les coûts d’exploitation, mais aussi à minimiser les impacts environnementaux.

Une autre priorité pour le Maroc est la capacité à assurer la maintenance de ces différentes usines et à fabriquer localement les pièces de rechange clés de ces systèmes de dessalement. Cette souveraineté industrielle est cruciale pour éviter une dépendance aux importations et pour garantir la résilience des centrales en cas de crises sanitaires, économiques ou géopolitiques. Les composants essentiels, comme les membranes, les pompes haute pression ou les systèmes de contrôle automatisés, doivent pouvoir être produits ou rénovés localement, réduisant ainsi les délais d’approvisionnement et les surcoûts liés aux importations.

Pour atteindre ces objectifs, le rôle des universités marocaines et des centres de recherche locaux est fondamental. En intégrant des programmes de recherche appliquée dans le domaine du dessalement, les institutions académiques peuvent contribuer au développement de technologies adaptées aux spécificités du Royaume. Par ailleurs, la création de partenariats public-privé pourrait accélérer l’industrialisation de ces innovations, en rassemblant les financements nécessaires et en renforçant la capacité du pays à produire ses propres équipements.

L’innovation locale ne devrait pas se limiter aux aspects matériels. Elle devrait également inclure la formation des futurs ingénieurs et techniciens spécialisés dans la gestion des différentes composantes des centrales de dessalement et l’optimisation des ressources hydriques. Le Maroc, en renforçant les compétences de sa main-d’œuvre, peut non seulement répondre à ses propres besoins, mais aussi exporter son savoir-faire vers d’autres pays africains confrontés à des défis similaires.

Le triptyque gouvernance agile, écologie et technologie

Le dessalement est une réponse incontournable aux défis hydriques du Maroc, mais il exige une gestion rigoureuse des prises d’eau et des rejets salins. Ces deux éléments, à la fois techniques et environnementaux, posent des défis majeurs pour préserver les ressources halieutiques et limiter les impacts sur la biodiversité marine, tout en garantissant une eau potable accessible à tous. Protéger l’écosystème marin ne doit pas être un compromis, mais un engagement ferme pour un développement durable.

Pour y parvenir, le Maroc doit adopter une approche agile, tolérant l’erreur comme une étape nécessaire vers l’amélioration continue. Tester, apprendre et s’adapter doivent devenir les principes directeurs, qu’il s’agisse de perfectionner les technologies, d’ajuster les pratiques ou de renforcer les politiques publiques. L’agilité, loin de fragiliser, permet de construire une résilience collective face à l’urgence hydrique. Cependant, cette approche nécessite une communication forte et citoyenne qui éclaire et fédère afin d’éviter les polémiques stériles, voire destructrices de valeur.

En conciliant innovation, responsabilité environnementale, bonne gouvernance et souplesse stratégique, le Maroc peut relever le défi de l’eau et libérer son développement et sa stabilité du spectre du stress hydrique.

Prises et rejets d’eau : quand la nature dicte les règles

Le transit littoral est un phénomène essentiel à l’équilibre naturel des côtes marocaines, contribuant à la formation et au renouvellement des plages sous l’effet des vagues et des courants marins. Ce processus dynamique permet un déplacement constant des sédiments, sculptant le littoral et jouant un rôle clé dans la résilience des écosystèmes côtiers face aux aléas climatiques.

Sur la façade atlantique du Maroc, les études montrent que ce transport sédimentaire reste actif jusqu’à des profondeurs de 10 à 20 mètres en conditions normales. Lors des tempêtes hivernales, l’énergie accrue des vagues peut prolonger cette influence jusqu’à 25 à 30 mètres, illustrant l’adaptabilité naturelle du système côtier. Cette réalité impose un positionnement stratégique des infrastructures maritimes. Pour les prises d’eau des stations de dessalement, il est recommandé d’atteindre une profondeur minimale de 25 à 30 mètres afin d’éviter l’aspiration des sédiments et des organismes marins sensibles, garantissant ainsi une eau de meilleure qualité et une durabilité accrue des équipements. La distance à la côte nécessaire pour atteindre cette profondeur varie en fonction de la pente du plateau continental et doit être précisément évaluée par des études bathymétriques adaptées.

L’interaction entre le transit littoral et les infrastructures côtières, notamment celles dédiées au dessalement de l’eau, ouvre de nouvelles perspectives en matière d’aménagement durable. En intégrant une approche respectueuse des équilibres sédimentaires, ces projets peuvent non seulement répondre aux besoins en eau potable, mais aussi contribuer à la préservation du littoral. À titre d’exemple, des aménagements stratégiques comme la gestion des flux sédimentaires ou l’optimisation des rejets marins permettent de maintenir une dynamique favorable, garantissant ainsi un développement harmonieux entre infrastructures et environnement naturel. Dans cette optique, les rejets de saumure doivent être dispersés au-delà de la zone de transit littoral, idéalement à des profondeurs comprises entre 35 et 50 mètres. Pour garantir une dilution efficace et limiter leur impact écologique, l’utilisation de modèles numériques validés, tels que Delft3D et MIKE21, permet d’optimiser leur localisation et leur dispersion en fonction des courants marins. Ces simulations sont essentielles pour anticiper les effets des rejets sur l’écosystème marin et assurer leur intégration durable.

Le Maroc, avec son vaste littoral atlantique, dispose d’un potentiel considérable pour conjuguer innovation technologique et préservation des ressources marines. En s’appuyant sur des études approfondies et une gestion proactive des côtes, il est possible d’assurer la coexistence entre activités humaines et équilibre sédimentaire, tout en renforçant la résilience du littoral face aux défis du changement climatique.

L’osmose inverse, une révolution dans le dessalement

L’osmose est un phénomène naturel où l’eau se déplace spontanément d’un milieu moins concentré en sel vers un milieu plus salé à travers une membrane semi-perméable, cherchant ainsi à équilibrer les concentrations. L’osmose inverse applique ce principe à l’inverse : une pression élevée est exercée sur l’eau de mer pour la forcer à traverser une membrane qui ne laisse passer que l’eau pure (perméat), retenant ainsi le sel et les impuretés.

Ce procédé est le plus économe en énergie parmi toutes les technologies de dessalement. Fonctionnant exclusivement à l’électricité, il peut être alimenté par des sources renouvelables comme l’énergie solaire ou éolienne, réduisant ainsi son impact environnemental. Grâce à son efficacité et sa modularité, l’osmose inverse est devenue la solution de référence pour garantir un accès durable à l’eau potable dans les régions en stress hydrique.

Les grandes étapes du dessalement de l’eau de mer

Une centrale de dessalement est une installation capable de produire d’importants volumes d’eau potable à partir de l’eau de mer en suivant un processus rigoureux en plusieurs étapes. Tout commence par la prise d’eau, où l’eau est prélevée à une profondeur optimisée pour limiter l’aspiration des sédiments et des organismes marins.

L’eau brute subit ensuite un prétraitement, une étape essentielle où elle est filtrée pour éliminer les particules en suspension, les matières organiques et les microorganismes. Cette phase protège les équipements en réduisant les risques d’encrassement et prolonge la durée de vie des membranes.

L’eau ainsi clarifiée passe à travers les membranes d’osmose inverse, qui retiennent le sel et les impuretés en ne laissant passer que l’eau douce. Cette technologie permet d’atteindre une qualité d’eau conforme aux normes de potabilité, même à partir d’eau de mer très salée.

Après la filtration, un post-traitement est nécessaire pour ajuster le pH et reminéraliser l’eau avec du calcium et du magnésium afin de garantir une composition adaptée à la consommation et à la distribution.

Enfin, la gestion des rejets assure une dispersion contrôlée de la saumure en mer à l’aide de diffuseurs conçus pour limiter l’impact sur les écosystèmes marins.

Grâce à cette succession d’étapes, une centrale de dessalement peut fournir de grands volumes d’eau douce, contribuant ainsi à la sécurisation de l’approvisionnement en eau potable dans les régions soumises au stress hydrique.

Dessalement en Méditerranée et Atlantique, deux réalités contrastées

Si le dessalement apparaît comme une réponse incontournable aux défis hydriques du Maroc, son implantation varie fortement selon qu’il s’agisse de la façade méditerranéenne ou de la côte atlantique. Chacune de ces zones présente des atouts, mais aussi des contraintes qui influencent la conception et l’exploitation des centrales.

En Méditerranée, la salinité modérée et stable facilite le travail des membranes d’osmose inverse, tandis que la faible houle limite l’ensablement des prises d’eau. La profondeur est rapidement atteignable, permettant des infrastructures proches du rivage et réduisant les coûts d’implantation. Mais cet environnement semi-fermé impose une gestion rigoureuse des rejets de saumure, sous peine d’une re-concentration du sel qui pourrait affecter les écosystèmes côtiers. La température plus élevée des eaux favorise par ailleurs la prolifération d’algues et de microorganismes, nécessitant un prétraitement plus poussé.

Sur la façade atlantique, les conditions sont bien différentes. L’abondance d’eau et le brassage intense des courants offrent un avantage majeur : une dilution naturelle efficace des rejets. La température plus basse et l’oxygénation élevée limitent les risques de prolifération biologique, tandis que l’espace côtier permet le développement de grandes infrastructures capables de produire des volumes considérables. Mais cet environnement impose aussi des défis techniques. La houle et les courants puissants exigent des prises d’eau plus profondes et mieux protégées, tandis que la présence de sédiments en suspension impose un prétraitement renforcé pour préserver la durée de vie des équipements.

Avec ses 3.500 kilomètres de côtes, le Maroc bénéficie d’un atout stratégique unique pour sécuriser son avenir hydrique. Cette façade maritime, qui s’étend de la Méditerranée à l’Atlantique, offre un potentiel exceptionnel pour le développement du dessalement, permettant au pays de diversifier ses sources d’eau et de renforcer sa résilience face aux effets du changement climatique.
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