En période de conflit armé, les risques auxquels sont exposés les journalistes, photographes et professionnels des médias sont décuplés. Chaque jour, ils risquent leur vie pour porter les faits à la connaissance du monde. Très souvent, ils en paient le prix fort, étant délibérément pris pour cible, ce qui constitue une violation grave du droit international humanitaire et du droit international des droits de l’homme.Par Mazen Shaqoura, Représentant régional du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord
Le droit international humanitaire prévoit que les journalistes travaillant dans des zones de conflit armé doivent voir leurs droits respectés et protégés, et être traités comme des civils, y compris en les protégeant contre toute forme de violence. Pourtant, nous assistons à une multiplication des violations à cet égard et à une banalisation de l’impunité.
Aujourd’hui, alors que les conflits s’intensifient dans plusieurs régions, le prix payé par les journalistes est plus visible que jamais. À Gaza, au Liban, en Syrie, au Yémen, au Soudan et ailleurs, des journalistes ont été tués, blessés, détenus arbitrairement ou portés disparus de manière forcée.
Dans l’ensemble de la région, la situation de la liberté d’expression reste extrêmement préoccupante. Des lois criminalisant la critique des autorités, des interprétations vagues de concepts tels que les « fausses nouvelles », et l’usage de la législation antiterroriste ou des lois sur la cybercriminalité pour faire taire les voix critiques, sont autant d’outils utilisés pour restreindre la liberté d’expression.
Des médias indépendants sont fermés, des journalistes sont poursuivis en justice, leur matériel est confisqué, leurs bureaux détruits, leurs familles menacées, la surveillance s’intensifie. Le journalisme indépendant devient une activité périlleuse, et l’autocensure s’impose de plus en plus comme un mécanisme de survie.
Cela ne réduit pas seulement au silence des voix individuelles, mais prive également des sociétés entières, ainsi que la communauté internationale , du droit à l’information. Selon les normes internationales relatives aux droits de l’homme, les restrictions à la liberté d’expression doivent être prévues par la loi, poursuivre un objectif légitime, et être nécessaires et proportionnées.
Dans bien des cas, les restrictions imposées dans notre région ne respectent pas ces critères, ce qui conduit à une érosion de la confiance du public, à la répression du dialogue et à une instabilité accrue.
Aujourd’hui, nous devons faire preuve de solidarité avec les journalistes, en particulier ceux qui accomplissent leur mission sous le feu.
Nous appelons toutes les parties aux conflits à respecter le droit international et à garantir la protection des journalistes et des professionnels des médias.
Nous exhortons les États à réviser ou modifier les lois qui restreignent la liberté d’expression ou imposent des limitations contraires au droit international des droits de l’homme, et à créer un environnement sûr et propice à un journalisme libre et indépendant.
La liberté d’expression n’est ni un luxe ni une menace. C’est un droit fondamental, le cœur même de la dignité, de la responsabilité et de la paix.
En défendant les droits des journalistes, nous défendons en réalité le droit de chacun à l’information, à la participation, à la justice et à la redevabilité.
En cette Journée mondiale de la liberté de la presse, renouvelons notre engagement, non seulement par des mots, mais par des actes, à protéger les journalistes, à préserver la liberté d’expression, et à défendre la vérité.