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La politique étrangère du Maroc sous le règne de S.M. le Roi Mohammed VI (Tribune)

La politique étrangère du Maroc depuis l’avènement de S.M le Roi Mohammed VI en 1999 a subi un changement. Trois orientations caractérisent cette nouvelle politique : la diversification, la fermeté et la primauté de la question du Sahara. Au niveau de la diversification de notre politique étrangère, on peut citer en premier lieu le renforcement de nos relations avec l’Afrique subsaharienne. En effet, pas moins d’une cinquantaine de visites de S.M. le Roi Mohammed VI ont eu lieu dans cette région. À chaque fois, le Souverain est accompagné d’une forte délégation composée de ministres, de responsables des grands organismes publics et de hauts représentants du secteur privé. A chaque fois aussi sont signés des accords ou des conventions dans tous les domaines : politique, économique, social, culturel et cultuel. La politique africaine du Souverain a approfondi les relations traditionnelles avec l’Afrique de l’Ouest, mais s’est également élargie à l’Afrique anglophone et lusophone, sans que la question du Sahara soit un préalable.

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Par Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales

Les investissements du Maroc dans l’Afrique subsaharienne sont spectaculaires et concernent plusieurs secteurs: Infrastructures, banque, télécoms, agriculture, industrie, services. Le Maroc est ainsi devenu le premier investisseur africain en Afrique de l’Ouest, et le second à l’échelle continentale. Le Maroc a aussi pris l’initiative du projet gigantesque : le Gazoduc Nigeria-Maroc qui va traverser 11 pays africains, long de 5.600 km et dont le coût est estimé à 25 milliards de dollars. Dans Son discours du 6 novembre 2023, S.M. le Roi Mohammed VI a préconisé la création d’un cadre institutionnel regroupant les 23 pays africains qui bordent l’océan Atlantique. Il a également proposé un second projet qui consiste à permettre aux pays enclavés du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger, Tchad) d’avoir accès à l’océan Atlantique. Le Maroc va mettre à la disposition de ces pays ses infrastructures routières, portuaires et ferroviaires, notamment le port commercial en eau profonde Dakhla Atlantique en cours de construction. On peut résumer la doctrine marocaine en Afrique par la déclaration de S.M. le Roi Mohammed VI «L’Afrique doit faire confiance à l’Afrique», prononcée à Abidjan en avril 2014.

Cette politique a donné ses fruits sous un double volet. Le premier est économique avec le développement des exportations marocaines et des investissements sur le continent africain. Le second est politique puisque des dizaines de pays africains ont retiré leur reconnaissance au Polisario, et que le Maroc a pu retourner dans l’Union africaine (UA) en janvier 2017. Depuis son retour à l’UA, le Maroc est très actif dans plusieurs domaines, notamment la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine. Alors que 28 pays africains ont déposé une motion pour suspendre la RASD au niveau de l’UA, 30 pays étrangers ont ouvert un consulat dans les provinces du Sud. Le Maroc a manifesté à maintes occasions la nécessité de l’intégration africaine en demandant en février 2017 son adhésion à la Cédéao (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) et en signant l’Accord de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf) entré en vigueur le 1er janvier 2021.

La diversification de la politique étrangère marocaine se manifeste aussi par l’approfondissement des relations avec les États-Unis d’Amérique, allié traditionnel du Maroc. S.M. le Roi Mohammed VI a effectué plusieurs visites officielles aux États-Unis pour rencontrer les Présidents américains: Bill Clinton en 2000, George Walker Bush en 2002, Barack Obama en 2013. Ces visites ont un double objectif : consolider le soutien des États-Unis à la question de Sahara, et développer davantage les échanges commerciaux et les investissements dans le cadre de l’Accord de libre-échange entré en vigueur le 1er Janvier 2006. Mais la décision la plus importante entre les deux pays a été la signature de l’Accord du 10 décembre 2020, par lequel les États-Unis reconnaissent la marocanité du Sahara. Cette reconnaissance de la marocanité du Sahara, sous le Président Donald Trump, a été confirmée sous le nouveau Président Joe Biden.

La diversification de la politique étrangère du Maroc s’est faite également en ce qui concerne d’autres pays. S.M. le Roi Mohammed VI a effectué des visites au Japon en 2005, en Inde en 2015, en Chine et en Russie en 2016. Le but de ces visites est double : consolider la position du Maroc sur la question du Sahara, et développer les échanges commerciaux et les investissements. Cette diversification s’accompagne aussi de la consolidation des relations avec l’Union européenne, avec laquelle le Maroc a des liens étroits sur les plans politique, économique et culturel. On peut noter le succès obtenu par le Maroc avec cette Union concernant l’élargissement des Accords agricole et de pêche aux provinces du Sud. La politique étrangère marocaine depuis l’avènement de S.M. le Roi Mohammed VI est aussi caractérisée par la fermeté et des mesures de rétorsion concrètes chaque fois que les intérêts supérieurs du Maroc sont touchés, et notamment concernant la question du Sahara. Dans son discours du 20 avril 2022, le Souverain a déclaré «que le dossier du Sahara est le prisme à travers lequel le Maroc considère son environnement international». On peut citer à titre d’exemple en mai 2012 le retrait de la confiance du Maroc à Christopher Ross, envoyé personnel du Secrétaire général de l’ONU pour le Sahara, vu sa partialité en faveur du Polisario. Également l’opposition en avril 2013 du Maroc à la proposition faite par l’Administration Obama pour l’élargissement du mandat de la Minurso aux questions relevant des droits de l’Homme. Le Maroc a aussi rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran en 2009 pour soutenir Bahreïn qui a été revendiqué par l’Iran en tant que sa 14e province, et pour stopper le prosélytisme chiite iranien au Maroc. En 2018, la rupture avec l’Iran a été causée par le soutien de l’Iran au Polisario à travers le Hezbollah libanais. En mars 2016, le Maroc a émis de vives protestations concernant la visite à Tindouf du Secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, du fait de son attitude inacceptable sur la question du Sahara. En 2017, le Maroc a proclamé sa neutralité suite à la crise entre l’Arabie saoudite et le Qatar. En mai 2021, le Maroc a suspendu toute relation avec l’ambassade d’Allemagne et rappelé son ambassadeur à Berlin, suite à son attitude négative après la reconnaissance de la marocanité du Sahara par les États-Unis. Enfin, le 18 avril 2021, le Maroc a protesté énergiquement auprès de l’Espagne suite à l’accueil sur son sol de Brahim Ghali, chef de la milice séparatiste du Polisario, sous un faux passeport et une identité usurpée, alors qu’il est poursuivi par la justice espagnole pour de nombreux crimes et délits.

Les relations du Maroc avec la France ont reçu un coup de froid suite à l’affaire Pegasus en 2019 et la réduction drastique des visas pour les Marocains souhaitant se rendre au France en septembre 2021. Alors que l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc le 24 août 2021, et n’a cessé de s’opposer à notre intégrité territoriale, Emmanuel Macron a montré un certain tropisme vis-à-vis de ce pays, en le visitant le 25 août 2022, et en recevant à Paris le Chef d’État major de l’armée algérienne en janvier2023. Les relations entre le Maroc et la France ont continué à se détériorer le 19 janvier 2023, lorsque des eurodéputés français ont soutenu une résolution du Parlement européen demandant aux autorités du Royaume de garantir la liberté d’expression et la liberté des médias, et d’assurer aux journalistes marocains incarcérés un procès équitable. Ce qui a amené l’entourage du Palais Royal à déclarer le 2 mai 2023 «que les relations du Maroc avec la France ne sont ni bonnes, ni amicales», et le pays à refuser l’aide de la France suite au tremblement de terre du 8 septembre 2023 dans la région Marrakech-Safi.

L’année 2024 a connu un réchauffement des relations du Maroc avec la France, suite à la visite au Maroc le 26 février 2024 du ministre des Affaires étrangères français Stéphane Séjourné, qui a déclaré qu’il y avait entre le Maroc et la France un lien exceptionnel et que la France soutenait le plan d’autonomie marocain concernant le Sahara. Ce réchauffement s’est accentué le 19 février 2024 avec le déjeuner de Leurs Altesses Royales les Princesses à l’Élysée suite à l’invitation de Brigitte Macron. En avril 2024, le Maroc a reçu plusieurs ministres français, dont ceux de l’Agriculture, du Commerce extérieur, de l’Économie, et de l’Intérieur. Une visite du premier ministre Gabriel Attal était programmée du 3 au 5 juillet 2024, mais a été annulée suite à la dissolution par le Président Emmanuel Macron de l’Assemblée nationale française le 9 juin 2024. À ce jour, aucun Premier ministre français n’a été nommé, et il faut attendre la constitution d’un nouveau gouvernement pour évaluer les relations entre le Maroc et la France.

En conclusion, le Maroc, du fait de ses réalisations internes et son rayonnement à l’international, notamment sur le plan de la lutte contre le changement climatique, le terrorisme et l’immigration clandestine, a diversifié ses relations extérieures et adopté une politique vigoureuse lorsque les intérêts supérieurs de l’État étaient mis en cause. Cette politique a porté ses fruits, notamment par la reconnaissance de la marocanité du Sahara par plusieurs pays et le soutien au Plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara par plusieurs pays européens, dont l’Allemagne et l’Espagne. La question du Sahara est primordiale pour notre pays, car les provinces du Sud, dont la marocanité historique a été maintes fois prouvée, constituent un tiers du territoire national, ont bénéficié d’investissements très importants et sont le prolongement naturel de notre pays vers l’Afrique subsaharienne. Il est hors de question que le Maroc accepte la constitution d’un État fantoche au Sud et un adversaire déclaré à l’Est.
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