Par Cherkaoui Roudani, universitaire et analyste géopolitique
Alors que les menaces hybrides prolifèrent au Maghreb et au Sahel, il devient suicidaire pour la communauté internationale de continuer à tolérer l’illusion d’un polisario inoffensif. Ce mouvement, longtemps drapé dans le voile du «droit des peuples à disposer d’eux-mêmes», est aujourd’hui l’un des maillons d’une nébuleuse inquiétante, tissée avec l’Algérie et le Hezbollah et des réseaux djihadistes transnationaux. Cette convergence toxique ne relève plus de la fiction. Elle menace directement les équilibres sécuritaires régionaux et fragilise le flanc sud de l’architecture euro-atlantique ainsi que le Sahel. En ce sens, l’initiative du Congrès américain, portée par le député Joe Wilson pour classer le polisario comme organisation terroriste, marque une rupture salutaire. Elle sonne la fin d’une indulgence coupable et l’urgence de nommer les choses : le séparatisme armé adossé à des puissances hostiles est une bombe à retardement.
Il est temps pour les récalcitrants de rompre le silence et de poser un cadre juridique et stratégique clair. Car continuer à détourner le regard, c’est devenir complice de l’instabilité. Le réveil est brutal, mais nécessaire. Depuis plusieurs années, des sources concordantes, récemment renforcées par les révélations du «Washington Post», établissent l’existence d’un réseau de collusion structuré entre le Front polisario, les Gardiens de la Révolution iraniens (IRGC) et le Hezbollah. Ce triptyque stratégique ne relève plus du domaine de la spéculation : selon des renseignements régionaux et européens, des centaines de combattants sahraouis ont été formés en Syrie dans des camps dirigés par le Hezbollah avec le soutien de Téhéran. Ces interactions dépassent désormais le cadre idéologique : elles s’ancrent dans une logique logistique, tactique et doctrinale. Le Hezbollah, en tant que proxy militaire de l’Iran, a assuré un volet clé de formation et de coordination avec des éléments du polisario, dans une dynamique transversale qui lie le Levant au Sahel.
Cette synergie opérationnelle s’inscrit dans une architecture stratégique plus large, pilotée par l’axe chiite et visant à étendre son influence vers le flanc sud de l’OTAN. Le polisario devient ainsi un vecteur actif de cette stratégie indirecte de déstabilisation géopolitique. Son intégration dans les logiques du croissant chiite n’est ni accidentelle ni conjoncturelle, mais procède d’un alignement tactique visant à redessiner les rapports de force dans la bande sahélo-maghrébine. Dès lors, cette convergence entre séparatisme armé, réseaux chiites transnationaux et criminalité transfrontalière crée une vulnérabilité systémique dans l’arc sécuritaire euro-méditerranéen.
Un tabou diplomatique vient de tomber, le compte à rebours est enclenché
La situation a quitté le terrain de l’ambiguïté pour entrer dans celui de la clarté stratégique. En ce sens, le 11 avril 2025, le député américain Joe Wilson a annoncé son intention de présenter au Congrès une proposition de loi visant à inscrire le Front polisario sur la liste des organisations terroristes. Cette initiative, soutenue par des figures influentes dans les deux Chambres américaines, traduit une prise de conscience croissante à Washington et dans le monde quant aux risques sécuritaires que représente ce mouvement séparatiste dans une région marquée par une intensification des menaces hybrides et asymétriques. Loin d’être un simple marqueur symbolique, la proposition du Congrès américain visant à désigner le Front polisario comme organisation terroriste vient briser un tabou diplomatique et impose une lecture réaliste des nouvelles menaces hybrides qui menacent le Maghreb, le Sahel et au-delà.Le démantèlement des cellules par les nouvelles autorités syriennes, dans le cadre de leur lutte contre les réseaux de contrebande et les proxies iraniens, confirme que le polisario ne peut plus être considéré comme un simple acteur local du conflit de dimension géopolitique, mais bien comme un maillon actif dans les logiques transrégionales de militarisation et de déstabilisation, allant du Levant au Sahel. Cette implication directe dans les dynamiques opérationnelles du croissant chiite donne un fondement supplémentaire à la requalification juridique du polisario comme organisation terroriste, conformément aux principes établis par la résolution 1373 du Conseil de sécurité (CS) des Nations unies.
Dans cette perspective, le Front polisario ne saurait être reconnu comme un acteur international légitime au regard des normes établies de la souveraineté étatique. Il ne dispose ni d’un contrôle territorial effectif, ni de légitimité institutionnelle, ni d’une reconnaissance diplomatique significative, en dehors d’un cercle résiduel d’alliés idéologiques. Il fonctionne, en réalité, comme un vecteur de déstabilisation géostratégique dans le corridor Maghreb-Sahel, facilitant la convergence des menaces transnationales à travers une collusion avérée avec les IRGC, les réseaux logistiques du Hezbollah et des factions djihadistes exploitant les zones non gouvernées.
Par conséquent, les violations répétées du droit international humanitaire par le polisario – qu’il s’agisse des tirs de roquettes sur des civils dans la région de Mehbes ou de la captation systémique de l’aide humanitaire européenne à des fins d’armement – le placent, selon la doctrine militaire américaine (JP 3-05.1), dans la catégorie des entités malveillantes non étatiques. Ce positionnement est renforcé par son rôle actif dans la stratégie d’obstruction régionale de l’Algérie, visant notamment à perturber la dynamique atlantique du Maroc à travers des actions hostiles contre des projets d’envergure comme le gazoduc Nigeria-Maroc ou l’écosystème numérique de Dakhla. Dès lors, continuer à se réfugier dans l’ambiguïté ou à entretenir des lectures obsolètes de cette entité revient à ignorer les leçons post-11 septembre. La désignation du polisario comme organisation terroriste par le biais du Title 50 et de l’Executive Order 13224 ne relève pas d’un ajustement bureaucratique, mais d’un impératif doctrinal pour protéger le flanc sud de l’OTAN et sécuriser les infrastructures critiques reliant l’Europe à l’Afrique de l’Ouest, tant sur le plan énergétique que numérique.
Ainsi, bien avant ces révélations officielles, des éléments remontant à 2018 faisaient état d’opérations de transfert illicite d’équipements militaires en direction du flanc nord-africain. De ce fait, un rapport du CS de l’ONU (S/2018/812) évoquait déjà des transferts d’armes en direction de groupes armés à travers l’Algérie, dans lesquels Yas Air – identifiée par le département du Trésor américain comme bras logistique de la Force Qods – aurait joué un rôle central. Bien que le rapport ne cite pas explicitement le polisario, la trajectoire de ces cargaisons en direction du Maghreb, combinée aux connexions régionales de l’Iran et du Hezbollah avec les réseaux séparatistes, laisse peu de doute sur l’existence d’une filière d’approvisionnement indirecte alimentant les capacités militaires du Front. Cette convergence entre logistique iranienne, intermédiaires algériens et bénéficiaires sahariens renforce la thèse d’une architecture opérationnelle intégrée à l’axe chiite, visant à étendre son influence vers le flanc sud de l’Alliance atlantique.
Il est utile de souligner qu’en 2018, le Royaume du Maroc a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran après avoir obtenu des preuves tangibles de livraisons d’armes au polisario par l’intermédiaire du Hezbollah. Parallèlement, des circuits de financement informel, notamment via le système de hawala, ont été identifiés comme moyens de transferts de fonds entre les réseaux chiites et le mouvement séparatiste. Ces dynamiques inquiètent d’autant plus qu’elles s’inscrivent dans une stratégie régionale de projection d’influence de la part de puissances extérieures au détriment de la stabilité nord-africaine.
Front polisario : catalyseur du chaos sahélien
Dans un autre registre, l’évolution de la menace prend une dimension asymétrique et juridiquement préoccupante dans le contexte sahélien, notamment en raison des dérives djihadistes observées dans les rangs de certains éléments issus du Front polisario. Plusieurs rapports du renseignement régional et d’organisations spécialisées ont mis en évidence la radicalisation de jeunes Sahraouis ayant transité par les camps de Tindouf, avant de rejoindre des groupes affiliés à EIGS (État islamique au Grand Sahara) ou à Al-Qaïda au Maghreb islamique. L’exemple le plus emblématique demeure celui d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui, ancien cadre du polisario devenu émir de l’EIGS, classé terroriste par les Nations unies. Ces trajectoires confirment l’existence de passerelles idéologiques, logistiques et territoriales entre séparatisme armé et extrémisme djihadiste, dans un espace sahélo-saharien fragilisé par l’absence de souveraineté effective.Cette porosité entre mouvances irrédentistes et réseaux terroristes soulève des implications directes pour le droit international, notamment en matière de prévention du terrorisme transnational. Cette réalité est aggravée par la transformation du sud algérien en une zone de non-droit, propice à l’implantation de réseaux criminels transnationaux impliqués dans le trafic d’armes, de drogues et de traite des êtres humains. L’arrestation récente par les autorités nigériennes d’un terroriste notoire lié à ces circuits, Inkinane Ag Taher, et ses connexions présumées avec des cercles sécuritaires algériens, renforce les préoccupations relatives aux complicités régionales.
Ainsi, les camps de Tindouf ne sont pas seulement une zone de non-droit humanitaire. Ils constituent un écosystème propice au recrutement jihadiste. De fait, le rapport 2024 du Global Initiative Against Transnational Organized Crime souligne que des membres de l’EIGS y ont trouvé refuge après des opérations militaires au Mali, notamment dans la région du Kidal, Tombouctou et Liptako-Gourma. Par ailleurs, des enquêtes menées par des journalistes d’investigation de Jeune Afrique (mars 2025) ont identifié des trafics d’armes entre Tindouf et la région de Kidal, via des réseaux Touaregs liés à Ag Taher. Cette porosité confirme que le polisario n’est pas un acteur isolé, mais un maillon d’une chaîne criminelle transnationale, exploitant le vide sécuritaire algérien.
De ce fait, les camps de Tindouf, sous contrôle exclusif du polisario avec le soutien logistique et sécuritaire de l’Algérie, constituent un angle mort du droit international. Plusieurs rapports onusiens et ONG ont fait état de détentions arbitraires, de disparitions forcées et d’actes de torture. Le rapport d’enquête 2162/2007/01 de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) a mis au jour des pratiques de détournement de l’aide humanitaire dans ces camps, notamment via la falsification de listes de bénéficiaires et la revente de denrées sur les marchés algériens et mauritaniens. Cette instrumentalisation humanitaire est renforcée par une emprise idéologique et militaire, où des enfants sont enrôlés dans des formations paramilitaires, en violation des normes internationales de protection des mineurs (Human Rights Watch, Geneva Call).
Par ailleurs, l’embrigadement idéologique au sein du polisario dépasse le simple séparatisme. En 2022, une enquête de la Fondation Geneva Centre for Security Policy a révélé que des prêcheurs salafistes, expulsés d’Europe, avaient été recrutés pour endoctriner les jeunes des camps de Tindouf. Ces formations, financées via des cryptomonnaies selon la plateforme Blockchain Intelligence Group, visent à fusionner le discours séparatiste avec une rhétorique anti-occidentale. Cette radicalisation a culminé avec l’attaque de novembre 2024 contre un convoi de la Minurso, revendiquée par une faction dissidente du polisario affiliée à Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).
À ces dérives humanitaires et criminelles s’ajoutent des actes hostiles dirigés contre des civils marocains. Des tirs de roquettes visant des zones urbaines, ainsi que le blocus du poste frontalier stratégique de Guergarate en 2020, constituent des actes d’agression qui menacent la libre circulation des biens et des personnes en Afrique de l’Ouest et au-delà. Ces activités s’inscrivent dans un contexte régional marqué par la montée en puissance de groupes terroristes au Sahel, tels que le GSIM et l’EIGS, affiliés à Al-Qaïda et Daech respectivement. Cette contamination terroriste n’a pas épargné le Maroc. Ainsi, en février 2025, les autorités marocaines ont démantelé une cellule terroriste affiliée à l’EI, composée de 12 individus, projetant des attentats synchronisés sur le territoire national et dont le commanditaire n’est que le commandant dans la branche sahélienne de l’organisation État islamique. En effet, le Maroc figure parmi les cibles stratégiques explicitement désignées par l’«État islamique au Grand Sahara», en raison de son engagement structurant dans la lutte antiterroriste, de sa coopération opérationnelle avec les partenaires occidentaux, et de son rôle de pilier stabilisateur au Maghreb et en Afrique de l’Ouest. Cette hostilité djihadiste s’inscrit dans une stratégie plus large de déstabilisation d’un État pivot, perçu comme un rempart contre l’expansion du chaos régional. Dans ce contexte, plusieurs trajectoires individuelles et connexions opérationnelles suggèrent l’existence de passerelles préoccupantes entre les camps contrôlés par le Front polisario à Tindouf, sur le sol algérien, et certaines factions actives dans le Sahel.
L’exemple d’Adnane Abou Walid al-Sahraoui illustre ces porosités idéologiques et logistiques. Ces chevauchements entre séparatisme armé, criminalité transfrontalière et radicalisation violente soulignent le risque que représente le polisario lorsqu’il est instrumentalisé comme proxy géopolitique. Dans cette configuration, la menace djihadiste au Sahel ne peut être dissociée des zones grises que constituent les sanctuaires hors contrôle étatique, tels que les camps de Tindouf, où prospèrent les logiques de recrutement, de transit et de coordination illicite.
Partant de là, il est déplorable de constater que certains États et institutions continuent malheureusement d’aborder le mouvement du polisario à travers le prisme historique d’un «mouvement de libération nationale». Or un examen actualisé des faits permet de nuancer, voire de réfuter, ces lectures. In fine, des rapports émanant des structure de l’UE, des investigations d’ONG crédibles telles que Human Rights Watch, ainsi que des renseignements fournis par des agences internationales de sécurité, confirment non seulement la dérive autoritaire du polisario, mais surtout l’instrumentalisation de la population séquestrée et la perméabilité de ce mouvement armé à des logiques de radicalisation et de conflictualité violente.
À cet égard, dans un environnement géopolitique où les menaces hybrides redessinent les lignes de fracture régionales, la distinction entre mouvements séparatistes et groupes armés non étatiques radicalisés devient de plus en plus ténue. Dans ce sens, l’initiative américaine, portée par le Congrès à travers la proposition de Joe Wilson, s’inscrit dans une logique de clarification juridique et de protection des équilibres stratégiques au Maghreb et au Sahel. À ce titre, la communauté internationale est invitée à reconsidérer ses postures doctrinales vis-à-vis du Front polisario, non plus à la lumière d’un narratif figé, mais à l’aune de ses alliances opérationnelles, de ses pratiques autoritaires et de sa perméabilité aux réseaux jihadistes.
De fait, la reconnaissance explicite par les États-Unis et la France de la souveraineté du Maroc sur ses provinces du Sud revêt une signification stratégique structurante. Elle reflète une évolution doctrinale dans l’appréhension des menaces hybrides au Maghreb et au Sahel, et consacre une lecture réaliste des risques que fait peser le Front polisario sur la sécurité régionale, la cohésion transnationale et les intérêts euro-atlantiques. Bien évidemment, il ne s’agit pas ici d’exclure une solution politique au différend régional, mais bien de l’assainir de ses dimensions terroristes pour rétablir les conditions d’un dialogue fondé sur la paix, la sécurité et le droit international.
De ce fait, la requalification du Front polisario comme entité terroriste s’appuie sur des précédents juridiques cohérents et sur les critères objectifs du droit international. À la différence des Houthis, désignés comme organisation terroriste par les États-Unis en 2020 malgré le contrôle effectif exercé sur un territoire et une population, le polisario ne satisfait à aucun des critères définis par la Convention de Montevideo (1933), qui énonce que l’existence d’un État suppose un territoire défini, une population permanente, un gouvernement effectif et une capacité d’entrer en relation avec d’autres États. À cet égard, le polisario ne dispose ni d’autorité étatique reconnue, ni de souveraineté territoriale exercée, ni de légitimité institutionnelle issue d’un processus de représentation. Sa prétention «étatique» repose exclusivement sur une fiction politique soutenue par l’Algérie, visant à créer un micro-État de façade, stratégiquement positionné sur l’Atlantique, afin de projeter une influence régionale et de contenir l’ancrage géopolitique du Maroc et de ses partenaires. À ce titre, le polisario ne constitue pas un sujet de droit international, mais un instrument de déstabilisation géostratégique, dont les agissements doivent être appréciés à l’aune du droit international relatif à la lutte contre le terrorisme et non du droit à l’autodétermination. Enfin, le droit international humanitaire (Protocole additionnel I de 1977) interdit strictement les attaques contre les civils, une norme violée à plusieurs reprises par le polisario, comme lors des tirs de roquettes sur Laâyoune en 2021.
Dans ce sens, ce levain séparatiste du soft power algérien ne saurait être appréhendé comme un simple mouvement séparatiste à visée territoriale. Ses trajectoires anciennes et récentes, marquées par une collusion de plus en plus avérée avec l’Iran à travers le canal algérien, le placent au cœur d’une architecture d’influence asymétrique qui menace les équilibres régionaux et transrégionaux. Le soutien logistique, doctrinal et parfois opérationnel que lui apporte le Hezbollah – proxy militaire iranien – s’ajoute à des connexions actives avec des groupes armés non étatiques opérant dans le Sahel et le Sahara central. In fine, la convergence entre séparatisme idéologique, réseaux chiites transnationaux et criminalité transfrontalière alimente une vulnérabilité structurelle de l’arc sécuritaire euro-méditerranéen, particulièrement sur son flanc sud. Dès lors, le Front polisario ne saurait être perçu comme un acteur indépendant : il opère, de manière constante et coordonnée, comme un vecteur non conventionnel de la stratégie algérienne de pression régionale, instrumentalisé dans une logique de confrontation indirecte avec le Maroc.
Cette dynamique de convergence entre séparatisme, influence iranienne et groupes terroristes impose une relecture doctrinale des menaces transrégionales, en cohérence avec les fondements des principales stratégies de sécurité occidentales. La National Defense Strategy des États-Unis (2022) appelle explicitement à contrer les « menaces dans la zone grise » par une dissuasion intégrée, incluant les proxys, les réseaux illicites et les États soutenant des entités terroristes. De même, la Stratégie globale de l’Union européenne pour la politique étrangère et de sécurité (EUGS) souligne l’impératif de renforcer la résilience sur le flanc sud face aux menaces hybrides, où le Sahara et le Sahel sont désormais des théâtres centraux. En outre, la Résolution 2617 (2021) du Conseil de sécurité des Nations unies rappelle que la stabilité régionale passe par la neutralisation des vecteurs transnationaux de violence, qu’ils soient étatiques ou non. Le cas du polisario, à la lumière de ces cadres, ne relève plus d’un traitement diplomatique classique, mais d’une réponse coordonnée fondée sur les normes et engagements des puissances responsables.
Une menace systémique pour l’architecture de sécurité euro-sahélienne
À mesure que les connexions opérationnelles entre le polisario, l’Iran et les groupes terroristes sahéliens se renforcent, un nouveau théâtre de déstabilisation hybride émerge dans l’espace maghrébo-sahélien. Il ne s’agit plus d’un ensemble d’incidents isolés, mais d’un système intégré de subversion, mobilisant des proxys, des réseaux logistiques transnationaux et des acteurs étatiques complices. En ce sens, le polisario ne peut plus être dissocié d’une dynamique déstabilisatrice plus large, qui vise à affaiblir le flanc sud de l’OTAN et à compromettre les infrastructures critiques reliant l’Europe à l’Afrique.En menaçant de s’attaquer à des sites tels que la ville de Dakhla – véritable carrefour stratégique des câbles sous-marins reliant l’Europe à l’Afrique de l’Ouest – le polisario agit comme le prolongement opérationnel d’une courroie de conflictualité algérienne, visant à fragiliser l’ancrage atlantique du Maroc et à entraver les dynamiques d’intégration régionale. Sa transformation en hub hybride de déstabilisation, exploité par l’Iran et ses relais sahéliens, confirme l’urgence d’une réponse diplomatique, sécuritaire et juridique coordonnée. Il est ainsi clair que le polisario agit comme une courroie d’obstruction techno-géostratégique, s’inscrivant dans une guerre d’influence contre les corridors d’intégration régionale et euro-africaine.
Face à l’érosion des équilibres sécuritaires au Sahel, la désignation du Polisario comme organisation terroriste ne doit plus être une option, mais un devoir. Elle s’inscrit dans la continuité des résolutions 2351 (2017) et 2494 (2019) du Conseil de sécurité, qui appellent à lutter contre les menaces transnationales dans le monde. Le Maroc, en neutralisant 32 cellules terroristes entre 2020 et 2024, prouve son rôle de rempart contre les menaces sécuritaires. L’inaction face au polisario reviendrait à sacrifier la stabilité du Maghreb sur l’autel du politiquement correct, au mépris des réalités sécuritaires et des impératifs du droit international.
De fait, le Maroc, par son engagement constant contre le terrorisme, demeure un acteur stabilisateur dans cette région. La reconnaissance de ce rôle doit s’accompagner d’un alignement juridique et diplomatique sur les réalités du terrain. Qualifier le Front polisario comme organisation terroriste ne relève ni d’une posture politique ni d’un ajustement conjoncturel : c’est une exigence impérieuse, fondée sur le droit international et sur les obligations collectives en matière de sécurité. La Résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée à l’unanimité dans le sillage des attentats du 11 septembre, engage fermement les États à «réprimer par tous les moyens les actes de terrorisme», conformément à la Charte des Nations unies (article 1), et à «s’abstenir de fournir tout appui, actif ou passif, aux entités ou personnes impliquées dans de tels actes» (article 2). Or les agissements du polisario – attaques délibérées contre des civils, enrôlement documenté d’enfants-soldats, détournements massifs d’aide humanitaire et connexions opérationnelles avec le Hezbollah ainsi qu’avec des factions djihadistes actives dans le Sahel – répondent sans ambiguïté aux critères définis par ce cadre normatif. L’article 4 de la même résolution appelle également les États à empêcher le transit et l’ancrage de groupes terroristes dans des zones non régulées – une description qui s’applique pleinement aux camps de Tindouf, transformés en sanctuaires opaques de radicalisation et de trafics illicites.
À cet égard, vu la montée des menaces hybrides et le glissement sécuritaire du Sahel, la communauté internationale est aujourd’hui confrontée à un choix structurant entre deux visions régionales opposées. D’un côté, la vision marocaine portée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, fondée sur une dynamique stabilisatrice articulée autour de projets géo-économiques transnationaux tels que le gazoduc Nigeria-Maroc ou le Port Atlantique de Dakhla, d’une diplomatie proactive Sud-Sud axée sur la coopération sécuritaire et d’une stratégie d’ancrage atlantique du Sahel, incarnée par l’Appel de Rabat et les partenariats renforcés avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao). De l’autre côté, la vision algérienne s’inscrit dans une logique d’obstruction, de maintien d’une zone tampon conflictuelle, de soutien actif au polisario et d’alignement sur des parrains silencieux du chaos comme l’Iran. Il semble essentiel de comprendre que ce clivage n’est plus une divergence de doctrines. Il constitue désormais une ligne de fracture décisive qui détermine l’architecture sécuritaire future de l’espace euro-atlantique et sahélo-maghrébin. Dès lors, les architectes de la stabilité mondiale ne peuvent plus se permettre de nourrir une fiction diplomatique autour du polisario. Il est temps pour les démocraties occidentales d’admettre que le polisario incarne une menace stratégique aux ramifications transrégionales: de l’Europe à l’Afrique, en passant par le Sahel.
Ainsi, ne pas désigner le polisario pour ce qu’il est devenu, c’est perpétuer une chimère dangereuse. À l’ère des menaces hybrides, sa dérive terroriste n’est plus à prouver. Le reconnaître comme tel, c’est faire le choix de la lucidité stratégique et de la sécurité collective, du Sahel jusqu’aux portes de l’Europe. Le coût de l’inaction serait trop élevé. Fermer les yeux sur le rôle du polisario comme facteur d’instabilité, c’est laisser se consolider un foyer de tension au cœur du corridor euro-sahélien. Le front sud de l’Europe ne peut plus se défendre en se complaisant dans le silence diplomatique, il doit avoir le courage de nommer les menaces pour ce qu’elles sont. De ce fait, chaque silence diplomatique nourrit l’impunité, chaque hésitation renforce les réseaux transnationaux de violence. En refusant de voir en face la menace, la communauté internationale compromet non seulement la sécurité du Maghreb et du Sahel, mais aussi les intérêts euro-atlantiques. À l’ère des menaces hybrides, l’inaction n’est plus l’expression d’une neutralité prudente, mais l’aveu d’une vulnérabilité volontairement assumée. Taire la menace, c’est lui offrir le terrain. S’abstenir d’agir, c’est abandonner le champ stratégique à ceux qui prospèrent dans les interstices du droit et du silence.