Au début, le constat était sans appel : «Les programmes scolaires n’offraient que des œuvres d’auteurs décédés !», s’indigne l’auteur de «Sidi Safou». «La Boîte à merveilles» ou «Le dernier jour d’un condamné» ne suscitaient plus d’intérêt auprès de la jeunesse. Non pas que Victor Hugo ou Ahmed Sefrioui manquaient de talent ou de profondeur, mais leurs récits, ancrés dans des contextes lointains, ne résonnaient pas avec les préoccupations actuelles des élèves.
Face à cela, Rabbaj a eu l’idée d’introduire des extraits de livres contemporains traitant de sujets d’actualité. L’effet a été immédiat : les élèves se sont investis, ont développé leur esprit critique et ont demandé davantage de lectures. Une anecdote illustre ce changement : un jour, Moulay Seddik Rabbaj a proposé à ses élèves un extrait d’un article de Sanaa Elaji sur l’égalité dans l’héritage. «Cela a suscité un débat tellement passionné en classe, que j’ai proposé aux élèves d’écrire des lettres à l’autrice. Je ne les lui ai jamais envoyées (rires). Mais cette expérience a montré que des sujets actuels pouvaient captiver et engager la jeunesse», explique-t-il. C’est ainsi que l’idée d’un projet ambitieux est née : le Prix littéraire des jeunes de Marrakech.
Voyant l’enthousiasme des élèves, Moulay Seddik Rabbaj a convaincu d’autres professeurs de rejoindre l’initiative. Si certains ont vite abandonné, un noyau dur de onze enseignants passionnés s’est constitué. Ils lisent toute la production littéraire annuelle marocaine pour sélectionner cinq ouvrages à proposer aux jeunes. Plus tard, d’autres professeurs d’autres établissements rejoignent l’aventure. Chaque professeur encadre environ 18 élèves qui fournissent des notes de lecture, permettant ainsi d’établir un rapport final.
Aujourd’hui, le Prix a été rebaptisé «Prix littéraire des jeunes de Marrakech», car il regroupe aussi des étudiants universitaires qui souhaitent poursuivre l’aventure. «Le Prix a commencé au lycée, mais les jeunes qui ont quitté le lycée ne voulaient pas nous quitter. Certains ont constitué leur premier club de lecture dans des facultés et nous ont rejoints», explique l’écrivain. Aujourd’hui, ils sont plus de 400 jeunes engagés dans cette dynamique.
L’ampleur du projet a fini par attirer l’attention du Festival de littérature africaine de Marrakech (FLAM). Son délégué général, Younes Ajarraï, a proposé aux jeunes de participer activement à l’événement. Cette collaboration a permis de sponsoriser les livres, obtenus à moitié Prix grâce à la générosité des éditeurs marocains. En plus de désigner le lauréat, les jeunes ont participé à des petits-déjeuners littéraires avec les auteurs et des masterclass, où ils ont brillé par la qualité de leurs interventions et leur engagement.
En outre, acheter des livres pour le Prix, c’est aussi construire la bibliothèque des jeunes, puisqu’«un livre lu est un livre gagné». Nombre de parents ont confié avoir découvert des romans grâce à leurs enfants. Cependant, cela nécessite des moyens. Outre l’achat des livres, il faut entre 30.000 et 40.000 dirhams pour couvrir les frais des rencontres et activités, une charge que Rabbaj finance en grande partie lui-même.
Dans le meilleur des mondes, le modèle serait reproduit à Casablanca, Tanger et dans d’autres villes. De son côté, Moulay Seddik Rabbaj est prêt à encadrer des professeurs pour constituer des clubs de lecture pour, à terme, créer un Prix des jeunes du Maroc. «Il ne suffit pas seulement d’être prof, mais prophète ! Car un prophète vient avec une idée nouvelle à laquelle personne n’adhère au départ. Puis il finit par convertir tout le monde. C’est le genre de professeurs qu’il nous faut», affirme-t-il. Pour la remise des Prix, il imagine même accueillir les jeunes dans des internats, leur offrant une expérience immersive autour de la littérature.
Cela peut sembler trop ambitieux, mais l’enthousiasme croissant est très encourageant. «Il y a à peine quelques heures, un professeur de Mhamid et deux de Marrakech ont manifesté leur intérêt pour rejoindre le Prix avec des groupes d’élèves». Et pour cause. Les résultats sont clairs comme de l’eau de roche : «Des jeunes qui avaient du mal à formuler une phrase en français discutent, aujourd’hui, avec aisance et passion. La littérature leur a ouvert des portes, et surtout, un horizon», assène Rabbaj.
Visiblement, le Prix littéraire des jeunes de Marrakech est bien plus qu’un simple concours. Il s’agit là d’un mouvement, d’une révolution silencieuse portée par des enseignants passionnés et des jeunes avides de découvrir le monde. Et si ce modèle inspirait d’autres villes ou tout le pays ? Et si des institutions publiques ou privées soutenaient l’initiative pour la répandre largement ? N’est-ce pas le désir de tous : une jeunesse qui lit et qui pense l’humanité et son avenir ?
Face à cela, Rabbaj a eu l’idée d’introduire des extraits de livres contemporains traitant de sujets d’actualité. L’effet a été immédiat : les élèves se sont investis, ont développé leur esprit critique et ont demandé davantage de lectures. Une anecdote illustre ce changement : un jour, Moulay Seddik Rabbaj a proposé à ses élèves un extrait d’un article de Sanaa Elaji sur l’égalité dans l’héritage. «Cela a suscité un débat tellement passionné en classe, que j’ai proposé aux élèves d’écrire des lettres à l’autrice. Je ne les lui ai jamais envoyées (rires). Mais cette expérience a montré que des sujets actuels pouvaient captiver et engager la jeunesse», explique-t-il. C’est ainsi que l’idée d’un projet ambitieux est née : le Prix littéraire des jeunes de Marrakech.
Un mouvement en marche
Ce Prix a commencé modestement avec une quarantaine d’élèves qui ont dû lire et voter pour leur roman préféré, parmi quatre livres. Lors de la première édition, le choix s’est porté sur «Rue du pardon» de Mahi Binebine. Pendant la crise sanitaire, une visioconférence avait été organisée avec l’auteur, mais les jeunes tenaient absolument à le rencontrer en personne. Une fête a donc été organisée pour accueillir l’écrivain, laissant aux élèves un beau souvenir et le souhait de récidiver.Voyant l’enthousiasme des élèves, Moulay Seddik Rabbaj a convaincu d’autres professeurs de rejoindre l’initiative. Si certains ont vite abandonné, un noyau dur de onze enseignants passionnés s’est constitué. Ils lisent toute la production littéraire annuelle marocaine pour sélectionner cinq ouvrages à proposer aux jeunes. Plus tard, d’autres professeurs d’autres établissements rejoignent l’aventure. Chaque professeur encadre environ 18 élèves qui fournissent des notes de lecture, permettant ainsi d’établir un rapport final.
Aujourd’hui, le Prix a été rebaptisé «Prix littéraire des jeunes de Marrakech», car il regroupe aussi des étudiants universitaires qui souhaitent poursuivre l’aventure. «Le Prix a commencé au lycée, mais les jeunes qui ont quitté le lycée ne voulaient pas nous quitter. Certains ont constitué leur premier club de lecture dans des facultés et nous ont rejoints», explique l’écrivain. Aujourd’hui, ils sont plus de 400 jeunes engagés dans cette dynamique.
L’ampleur du projet a fini par attirer l’attention du Festival de littérature africaine de Marrakech (FLAM). Son délégué général, Younes Ajarraï, a proposé aux jeunes de participer activement à l’événement. Cette collaboration a permis de sponsoriser les livres, obtenus à moitié Prix grâce à la générosité des éditeurs marocains. En plus de désigner le lauréat, les jeunes ont participé à des petits-déjeuners littéraires avec les auteurs et des masterclass, où ils ont brillé par la qualité de leurs interventions et leur engagement.
Un modèle duplicable ?
L’initiative de Marrakech peut-elle être dupliquée ailleurs ? Rabbaj en est convaincu : «Il faut beaucoup de passion, mais qui ne serait pas passionné en voyant l’enthousiasme des jeunes ? Ils deviennent bien plus boulimique de lecture que nous !», s’émerveille l’auteur. Une scène marquante illustre cet engouement : une jeune fille lisait «Pourvu qu’il soit de bonne humeur» de Loubna Serraj en classe. Plutôt que de l’interrompre, Rabbaj l’a laissée poursuivre. Peu après, il a vu une larme couler sur son visage.En outre, acheter des livres pour le Prix, c’est aussi construire la bibliothèque des jeunes, puisqu’«un livre lu est un livre gagné». Nombre de parents ont confié avoir découvert des romans grâce à leurs enfants. Cependant, cela nécessite des moyens. Outre l’achat des livres, il faut entre 30.000 et 40.000 dirhams pour couvrir les frais des rencontres et activités, une charge que Rabbaj finance en grande partie lui-même.
Dans le meilleur des mondes, le modèle serait reproduit à Casablanca, Tanger et dans d’autres villes. De son côté, Moulay Seddik Rabbaj est prêt à encadrer des professeurs pour constituer des clubs de lecture pour, à terme, créer un Prix des jeunes du Maroc. «Il ne suffit pas seulement d’être prof, mais prophète ! Car un prophète vient avec une idée nouvelle à laquelle personne n’adhère au départ. Puis il finit par convertir tout le monde. C’est le genre de professeurs qu’il nous faut», affirme-t-il. Pour la remise des Prix, il imagine même accueillir les jeunes dans des internats, leur offrant une expérience immersive autour de la littérature.
Cela peut sembler trop ambitieux, mais l’enthousiasme croissant est très encourageant. «Il y a à peine quelques heures, un professeur de Mhamid et deux de Marrakech ont manifesté leur intérêt pour rejoindre le Prix avec des groupes d’élèves». Et pour cause. Les résultats sont clairs comme de l’eau de roche : «Des jeunes qui avaient du mal à formuler une phrase en français discutent, aujourd’hui, avec aisance et passion. La littérature leur a ouvert des portes, et surtout, un horizon», assène Rabbaj.
Visiblement, le Prix littéraire des jeunes de Marrakech est bien plus qu’un simple concours. Il s’agit là d’un mouvement, d’une révolution silencieuse portée par des enseignants passionnés et des jeunes avides de découvrir le monde. Et si ce modèle inspirait d’autres villes ou tout le pays ? Et si des institutions publiques ou privées soutenaient l’initiative pour la répandre largement ? N’est-ce pas le désir de tous : une jeunesse qui lit et qui pense l’humanité et son avenir ?
