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Contrefaçon et piratage de livres : que la traque commence !

On ne parle pas assez de l’action commando des libraires et des éditeurs pour débusquer les vendeurs de livres piratés à la vingt-neuvième édition du SIEL. Mais ce brave recours à la loi, pour interdire la vente de piètres copies de livres, fera date et marquera un tournant dans le traitement de la question du piratage de livres au Maroc. Les deux dirigeants des stands fermés à la suite de la plainte des libraires indépendants et des éditeurs peuvent être définitivement déchus du SIEL et d’autres grands rendez-vous littéraires internationaux.

Ph. Saouri
Ph. Saouri
Imaginez un stand de bijoux en toc dans un salon international de la joaillerie en or : «Quel toupet !», diriez-vous. Vous crierez peut-être même au scandale et exigeriez l’arrestation des individus délictueux. Pourtant, cela ne semble pas déranger grand monde que des étals entiers de livres piratés prennent place au plus grand Salon du livre du Maroc. C’est probablement parce qu’on sous-estime le phénomène et que, quelque part, on en profite !

Hassan El Kamoun est président de l'Association des libraires indépendants du Maroc (ALIM) et assure avec fermeté et assurance que le piratage des livres est un fléau qui se mesure en millions de dirhams. Ce sont là des chiffres qui échappent à toutes les statistiques officielles et qui faussent même l'évaluation de la pratique de la lecture au Maroc. Mais le pire c’est que le piratage des livres a un impact considérable sur l'économie de la librairie marocaine, compromettant la viabilité des librairies et décourageant les auteurs et éditeurs de publier leurs œuvres dans le pays.

Le coup douloureux d’ALIM

En tout début de cette vingt-neuvième édition du Salon international de l'édition et du livre (SIEL), des pirates ont été bannis de leurs stands, suite à l'action héroïque de Hassan El Kamoun. En fouillant un stand égyptien installé en face de lui, le libraire marocain a comparé les livres avec les informations de la base de données internationales, dévoilant des différences flagrantes entre les originaux et les copies. Grâce à la solidarité de l'union des éditeurs, cette affaire a pris une ampleur considérable, mettant le commissariat du Salon dans l'embarras. Le verdict est tombé et le stand est scellé. Le commissariat a sollicité El Kamoun pour rechercher d'autres contrefaçons, mais malheureusement, plusieurs exposants avaient déjà fait disparaître les faux.

Cependant, les conséquences de cette affaire ne se limiteront pas au Salon du livre. En portant plainte, l’Association compte alerter les instances internationales, afin de faire interdire ces pirates de tous les salons internationaux. L'ALIM a été contactée par un avocat et éditeur égyptien souhaitant négocier une entente à l'amiable, mais la compensation demandée par l'ALIM lui semblait excessive. «Il voulait nous donner 20.000 dollars, alors que nous en demandons 50.000. Ce montant sera entièrement utilisé pour des actions anti-piratage», Explique El Kamoun qui a pris le temps de consulter le ministère et des avocats pour s’assurer de la légitimité du recours. Les négociations sont toujours en cours, mais semblent tourner en faveur de la partie marocaine, qui affirme que le fléau du piratage est une atteinte à la librairie marocaine, ce que la majorité des exposants internationaux cautionnent sans réserve.

Des pirates en Range !

Mais le piratage est-il vraiment si lucratif ? «J’ai rencontré un vendeur de livres qui avait écopé de deux ans de prison pour un livre piraté, découvert par son autrice sur un étal ambulant. Pensez-vous qu’il s’est repenti ? Eh bien non : Grâce au piratage de livres, il vit confortablement et roule en Range Rover ! C’est un marché de plusieurs millions de dirhams», explique Hassan El Kamoun.

>>Lire aussi : Book Club Débat : Au secours de la chaîne du livre et de ses maillons faibles...

Selon le libraire, depuis 2012, les importations marocaines de livres français ont chuté de 22 à 16 millions de dirhams, principalement en raison du piratage. Chaque mois, entre 8 et 10 containers remplis de livres piratés passeraient la douane marocaine sans être détectés, faute de ressources compétentes capables de reconnaître les copies. Cette situation représente un véritable gouffre financier pour les librairies marocaines.

Ces détails, Hassan El Kamoun les tient d’un pirate venu lui proposer des faux. Selon ce dernier, c’est principalement d’Égypte que viennent les livres piratés. Il y en a dans toutes les langues, mais principalement en arabe et en anglais. L'imprimeur égyptien vend ces livres à partir de 2 dirhams l'unité, mais une fois arrivés chez les vendeurs ambulants, ils seront vendus à partir de vingt-cinq dirhams. Il est important de souligner que ces vendeurs écoulent quotidiennement des milliers d'exemplaires.

Sur un ton sarcastique, le jeune vendeur explique que les acheteurs savent pertinemment qu’ils achètent de la copie. Il donne l’exemple de certains best-sellers qui sont à 150 dirhams en librairie et que lui vend à 40. Ceux à 250 dirhams sont vendus à 60. Pour lui, il n’y a pas photo : comme pour la musique ou les films, les Marocains profitent largement du piratage. Le jeune homme assure que dans les clients réguliers des faussaires égyptiens, il y a même certains libraires qui n’hésitent pas à vendre des copies au prix du vrai. Ces aveux déplorables dévoilent l’ampleur d’un phénomène qu’on pensait minime. Pour Hassan El Kamoun, «en dehors d’une mesure radicale et une politique du livre, il est inutile de courir après les copistes».
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