En marge de la 28ème édition du Festival des Musiques Sacrées du Monde, la ville de Fès a vécu une immersion vibrante dans les sons spirituels de l’humanité, entre chefs-d’œuvre baroques, tournoiements soufis et transe ancestrale venue du Rif.
Le samedi 17 mai, la scène fassie, Bab Makina, s’est élevée aux hauteurs du sacré européen avec la majestueuse "Vespro della Beata Vergine" de Monteverdi, interprétée par les solistes, Chœur et Orchestre du Festival Monteverdi de Crémone et l’Ensemble Briouel, sous la direction d’Antonio Greco. Véritable pont entre la Renaissance et le Baroque, cette œuvre fondatrice de la musique sacrée occidentale a résonné dans une rencontre inédite avec le répertoire arabo-andalou, porté par l’Orchestre de Fès, dirigé par le maître Mohammed Briouel. Ce jumelage musical entre Fès et Crémone incarne à lui seul l’esprit du festival: une communion entre les cultures au nom du spirituel.
Le lendemain, la scène s’est tournée vers l’Orient mystique, avec les Cérémonies Soufies d’Istanbul. Les derviches tourneurs de l’Istanbul Meydan Meşkleri Topluluğu ont offert un moment de grâce, suspendu dans le temps, inspiré des enseignements de Djalâl ad-Dîn Rûmî. Le tournoiement, au cœur de leur rituel, symbolise l’univers en mouvement et l’élévation de l’âme, dans un souffle musical propre à la tradition mevlevi.
Un autre duo, à l’opposé du globe, a fait vibrer les cordes sensibles du public à Jnane Sbil: le violoniste français Clément Janinet et le maître malien du sokou Adama Sidibé ont présenté leur Concerto pour Sokou, hommage vivant à cet instrument traditionnel à une corde, porteur de récits pastoraux du Sahel. Le croisement des rythmes et des voix entre Afrique de l’Ouest et Occident a livré une musique à la fois enracinée et innovante.
La soirée s’est conclue avec les Master Musicians of Jajouka, menés par Bachir Attar, incarnation vivante d’une tradition millénaire. Leurs sonorités hypnotiques, portées par la ghaïta et les percussions rituelles, ont réveillé les souvenirs des années Beat et des expérimentations de la contre-culture, entre Tanger et les scènes psychédéliques du monde.
En plusieurs tableaux spirituels, Fès a rappelé sa vocation : être un carrefour où les sons sacrés du monde s’écoutent, se rencontrent et se répondent.