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Festival Gnaoua 2025, entre héritage et modernité

Jusqu’au 21 juin, la ville d’Essaouira s’anime au rythme des guembris et des chants ancestraux, accueillant Mâalems et artistes venus d’Afrique et d’ailleurs. Plus qu’un simple rendez-vous musical, ce Festival met en lumière la richesse de la musique gnaoua, patrimoine immatériel de l’humanité, tout en valorisant la présence grandissante des voix féminines.

C’est dans une ville balayée par les vents et portée par les mémoires croisées de l’Afrique que se tient jusqu’au 21 juin la 26ᵉ édition du Festival Gnaoua et Musiques du monde d’Essaouira. Plus qu’un simple rendez-vous musical, cet événement se veut une ode à la diversité, au dialogue interculturel et à la puissance d’un patrimoine vivant reconnu par l’Unesco. Au son du guembri, des tambours et des chants séculaires, cette édition s’est ouverte le 19 juin dans une déferlante de couleurs, de rythmes et de ferveur populaire.



La parade inaugurale a métamorphosé les rues de la ville en un véritable théâtre vivant. Des troupes de Mâalems venues de tout le Maroc, parées de costumes chatoyants et d’ornements scintillants, ont déambulé sous les acclamations du public. «C’est notre Moussem à nous, un moment sacré de retrouvailles et de transmission», confie, ému, l’un des Mâalems d’Essaouira, honoré de participer à cette grande communion.



Sur la grande scène Moulay El Hassan, le festival a pris un envol saisissant. Dans un décor digne des grandes nuits africaines, le Mâalem Hamid El Kasri a ouvert le bal avec la puissance spirituelle et la profondeur qui font de lui une légende vivante. À ses côtés, la Compagnie Bakalama du Sénégal a électrisé l’audience avec un spectacle spectaculaire mêlant danses frénétiques, costumes flamboyants et percussions fulgurantes. Une véritable vague d’énergie brute, portée par des artistes en transe, vêtus de costumes éclatants aux couleurs vives, ornés de motifs africains et d’accessoires chorégraphiques rythmiques.

Dans cette fusion, Hamid El Kasri s’est senti «parfaitement à l’aise, comme entouré de sa propre équipe». Pour lui, la tradition tagnaouite a pleinement joué son rôle, et la rencontre avec la troupe Bakalama a donné naissance à une synergie vibrante, où les racines africaines se mêlent avec puissance et authenticité.

Les voix féminines n’étaient pas en reste : la Marocaine Abir El Abed a suspendu le temps avec ses envolées mélodiques, tandis que Kya Loum, étoile montante de la Soul ouest-africaine, a ancré la soirée dans une intensité émotionnelle rare.

Pour sa première participation au Festival Gnaoua et Musiques du monde, Abir El Abed ne cache pas son émotion : «Depuis longtemps, je rêvais de me produire à Essaouira. La musique gnaoua m’a toujours fascinée, notamment par ses points de convergence avec quelques Maqâms andalous. La fusion entre ces deux traditions m’inspire profondément».

Aux côtés du maître Hamid El Kasri, avec qui elle partage la scène pour la première fois, la chanteuse confie réaliser un véritable rêve d’artiste : «Chanter avec lui, c’est inscrire ma voix dans une histoire musicale puissante. Il a une noblesse rare dans le timbre, une âme». Elle évoque également son nouveau projet musical, Mali, une création originale mêlant sonorités gnaoua, andalouses, et influences afro-méditerranéennes : «Cette chanson, que j’ai écrite et composée moi-même, est une tentative sincère de dialogue entre les traditions».

Loin d’un simple hommage au patrimoine, la présence féminine dans ce festival est aussi un acte d’affirmation. «En 2025, les femmes prennent enfin leur place dans tous les univers artistiques, même ceux longtemps considérés comme réservés aux hommes, comme la musique andalouse ou le répertoire gnaoua», souligne Abir El Abed, citant avec fierté les noms de Hind Ennaira et Asmaa Hamzaoui.

Justement, Hind Ennaira, artiste native d’Essaouira et figure montante du gnaoua au féminin, se réjouit de retrouver la scène du Festival pour la troisième fois : «Participer à cette 26ᵉ édition est un honneur. Essaouira est ma ville, et je suis fière de montrer que nous, les femmes, pouvons porter cette musique avec la même légitimité, la même ferveur».

Ce croisement de sensibilités, entre douceur et puissance, entre tradition et modernité, esquisse ce que Neila Tazi, productrice du festival, décrit comme «un projet culturel national porteur d’une vision philosophique et humaine profonde».

Dans cette ville où souffle l’esprit des anciens, le Festival Gnaoua confirme, une fois encore, qu’il est bien plus qu’un événement musical : un manifeste vivant d’ouverture, de création et de liberté.

Déclaration de Neila Tazi, productrice du Festival Gnaoua et Musiques du monde d’Essaouira

«Ce Festival puise sa singularité dans l’innovation, portée par des fusions musicales devenues sa véritable signature. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous l’avons qualifié dès le premier jour de “festival pas comme les autres”. Nous sommes honorés de pouvoir compter sur un public fidèle, qui fait confiance à notre programmation et qui, chaque année, découvre des rencontres artistiques inédites, pensées spécifiquement pour cette scène.

Depuis l’année dernière, nous avons lancé un programme de formation unique, en partenariat avec la plus grande école de musique au monde : le Berklee College of Music. Cinq jours avant le début du festival, les plus grands enseignants de Berklee se rendent à Essaouira pour approfondir leur connaissance de la musique gnaoua, et la transmettre à des musiciens professionnels issus de 23 pays, dont le Maroc. Ce programme permet aussi à nos talents nationaux d’accéder à des méthodes pédagogiques musicales de haut niveau.



Par ailleurs, notre Forum des droits humains explore cette année la thématique des mobilités humaines et des dynamiques culturelles, avec la conviction que la culture incarne ce qu’il y a de meilleur en nous. Elle rapproche les peuples, maintient le dialogue ouvert et alimente l’espoir. C’est pourquoi la culture est essentielle. Après 26 éditions, voir notre public grandir, se diversifier et rester fidèle est pour nous une immense fierté».

Ahwach Haha Tamanar illumine la parade du Festival Gnaoua

Au cœur de la vibrante parade inaugurale du 26e Festival Gnaoua et Musiques du monde, la présence de la troupe d'Ahwach Haha Tamanar a apporté une dimension supplémentaire à la richesse des expressions culturelles marocaines. Aux côtés des Mâalems Gnaoua, les membres de cette formation ont défilé avec une fierté manifeste, arborant leurs tenues traditionnelles régionales, enjolivées par le poignard orné, symbole d'identité, de fierté et d'élégance.

Leur participation souligne la volonté du Festival de célébrer la diversité des patrimoines immatériels du Royaume. Cette troupe qui œuvre sous la direction des rais Bern Omar et Boutfouste a fidèlement représenté l'essence de leur musique. Parmi leurs instruments traditionnels, le Naqouss ou gong, instrument de percussion en métal, a particulièrement attiré l'attention. Parfois constitué d'un tambour de frein et frappé légèrement à l'aide de baguettes métalliques, cet instrument produit un son aigu et vibrant qui s'intègre harmonieusement aux mélodies, apportant un équilibre distinctif aux troupes Ahwach et Rawāyis.

Le rythme Ahwach Haha, dont la troupe de Tamanar est une digne ambassadrice, est l'un des rythmes folkloriques amazighs les plus remarquables du Sud-Ouest marocain. Enraciné dans l'Histoire et l'identité des tribus de la région s'étendant entre Essaouira et Agadir, sa présence à cette parade gnaouie témoigne de la vitalité des dialogues interculturels qui animent le festival.
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